mus par un sens du devoir a peine croyable pour un occidental de moins de 65 ans et de largement plus de 65 kilos, votre serviteur n’hésite pas a prendre tous les risques, (je dis bien TOUS) pour vous fournir quotidiennement, 7 jours sur 7, le magistral produit d’investigation digne de “sans aucun doute” ou le journal de 13h de Pernault.
Le risque pris le plus couramment est celui de rédiger mes articles durant l’heure de trajet qui me conduit chaque matin vers l’inéluctable journée de travail qui m’attend (et croyez le ou non, mais au boulot c’est tout de suite mon facile d’écrire). A cet effet la nature m’a comblé de dons afin de parvenir à mon but : une verve délicate nimbé dans un doux écrin (fait a 30% d’ironie et d’humour noir, de 25% de culture générale, de diverses autres qualités dans des proportions infinie décimale), d’un sens profond de la rhétorique, d’une imagination galopante, d’un Samsung NC 10 que j’aime éperdument pour son clavier antibactérien, et de la capacité d’écrire d’une main ce qui fort pratique.
“Ecrire dans le rer, tout le monde n aurait pas put le faire” disait le général de gaule a ses ministres après un soir de beuverie sur les marches de la samaritaine. et effectivement, ce n’est pas évident pour tout le monde. Déjà, tout le monde n’a pas un microportable ultra compact qui permet de se livrer a l’exercice. D’autre part même si l’équipement ne lui fait pas défaut, l’homme moderne rechigne souvent a s’installer dans des endroits inconfortables pour travailler. Mais surtout, SURTOUT, l’homme (ou la femme d’ailleurs, soyons égaux dans la déchéance aussi) moderne peut rarement déballer 500 euros de matériel informatique aux yeux et à la vue de tous sur la ligne D du RER aux heures de faible influence.
Je ne suis bien sur pas doté d’un courage exceptionnel, mais plutôt d’une carrure qui rebute les petits taquins. Ca aide, mais ça ne dissuade pas tout le monde. Et pourtant, ce RER que je décrie tant est parfois un lieu de rencontre absolument fantastique. Tenez, l’autre soir, alors que je revenais du cinéma, je m’installe dans l’alcôve réserver aux personnes à faible mobilité (en ayant bien sur pris soin de n’en priver aucune de ce droit, soyons sérieux !) et je commence ma rédaction d’un article passionnant. Quand soudain sortie de je ne sais où, une petite dame d’une bonne cinquantaine d’année s’installe en face de moi. A la vue de ses lèvres qui gigotent, je comprend qu’elle essaye de me parler, aussi, dans un souci de compréhension comme de politesse, je retire mon casque audio et la prie de m’excuser de lui demander de répéter.
“Vous travailler même dans le train ?” me dit elle surprise
“Oh non madame, ça ce n’est que les quelques élucubrations d’un individu qui, comme tant d’autre avant lui, essaye de poser des mots sur cette vie étrange qu’est celle de l’homme moderne.” (en tout cas dans mon souvenir c’était tout a fait le genre de réponse que j’aurai aimer faire) “Une fois l’article écrit je le mets sur internet”
“Ah ? vous êtes journaliste ?” me dit elle de son accent polonais affuté comme un tesson de bouteille cassé contre un rebord de bar.
“on va dire chroniqueur. J’ecris sur ce qui m’inspire”
“Ah bah écouté ça tombe bien parce que moi j’ai des révélations à vous faire…”
je pensais tout d’abord que cette brave dame allait m’expliquer qu’elle était employé au service des passeport de la mairie de paris et qu’elle avait eut des informations secrète sur les déplacements du président, ou bien qu’elle avait eut en exclusivité les numéros du loto par le biais d’une connaissance extralucide.
Sa réponse fut bien plus étonnante
“J’ai la preuve que c’est les juifs qui ont tué le Pape !”
Boudi ! ça c’était plus que du scoop, moi qui en était resté à Jésus pour les problèmes entre Juifs et catholique, ça devenait intéressant, mais je me devait a cette saine retenue journalistique qui caractérise un grand professionnel d’un illustre faux jeton.
“Mais… comment ça ? quel pape ?”
“Bah : Pie XII !”
la pauvre femme avait visiblement 35 ans de retard, mais bon… un scoop est un scoop tant que personne ne l’a révélé.
“Les juifs ont fait ça pour pouvoir mettre en place Jean Paul II !”
hum… complo judéo maçonique tendance néo marxiste… je sais pas pourquoi mais j’y croyait de moins en moins…
J’essaye donc (sans tenter de la raisonner) de pousser un peu plus le dialogue avec la dame. Tout y passe dans le cliché antisémite, des fortunes en or caché sous le plancher de gens soit disant pauvre a l’ingratitude vis à vis des gens les ayants aider durant la guerre, pendant un temps je me suis cru à un meeting d’extreme droite. Finalement, le train arrive a ma destination et je m’apprêtai a descendre. Je vois alors la dame horrifiée.
“Vous descendez là ?”
“Et oui madame, mais ça à été un plaisir de bavarder un peu avec vous”
“Oui moi aussi : c’est plus agréable…” je la vois ensuite lancer un regard inquiet vers le reste du wagon “et puis avec les gens qui trainent…”
Elle avait un sourire triste que je ne compris que quelques instant plus tard, tandis que je remontais le quai éclairé par la seule lueur de l’astre des nuits sur fond d’un ciel parfaitement dégagé : elle se sentait seule cette dame, et prendre un train a la nuit tombé ne devait pas être une expérience rassurante pour elle. Un gentil grand bonhomme comme moi à dut lui apporter quelques instant de quiétude dans son quotidien que j’imaginais remplit de complots imaginaires et de méchants juifs aux doigts crochus. C’était de ce petit malheur au quotidien, de cette solitude forcé que naissait haine, peur de l’autre et moult autres fléaux du genre humain. Doit on excuser de tels propos ? non, mais il est important d’en comprendre les auteurs avant de les juger au risque d’être aussi aveugle qu’eux.
1 commentaire
C’est tellement vrai. La qualité première d’un être humain ne devrait-elle pas être l’humilité (surtout à notre époque) ?
La haine vient trop souvent du fait qu’on est persuadé d’avoir raison, de détenir les secrets de l’univers ou tout simplement par étroitesse d’esprit (autant dire flemme et peur).
Moi par exemple, bon bah je suis humble devant chaque moment de la vie… un peu… une petite micro-seconde. Et moi aussi j’en colporte des fausses vérités sur les gens, la religion, la culture, la politique, la société… attendez… ah non la politique c’est vraiment pourri !
On devrait tous prendre un petit moment pour parler avec les gens qui detestent, qui conspuent (http://fr.wiktionary.org/wiki/conspuer), qui colporte (vous avez vu à quel point colporte et proche de cloporte ?) etc…
Oui je sais, faut que j’arrète de précher, je n’ai pas la vérité vraie.