Cette semaine je vous propose de retrouver (ou de découvrir) l’univers de la hotline d’enfer et ses drôles de démon dans une histoire un peu moins légère qu’a l’accoutumé mais je l’espère tout aussi palpitante.
J’en profite pour remercier Valérie pour m’avoir consacré du temps (t’es la meilleure !) et je vous conseil vivement son blog crêpe Georgette
Balance ton ange
C’était le petit matin dans la flamboyante cité infernale de Dis. Capitale administrative des Enfers et lieu de résidence des démons, c’était une ville semblable à une grande métropole humaine, à ceci près que ses habitants avaient la peau rouge, verte ou parfois bleue, et qu’ils avaient des cornes, des ailes de chauves- souris ou bien une tête en plus.
C’est dans ce cadre peu orthodoxe que va débuter notre histoire, et plus particulièrement celle de notre héroïne du jour, la succube Chypiakyalinaraba (alias Chypi pour les intimes).
Chypi était employée dans l’équipe de nuit de la célèbre hotline des enfers, un service destiné à répondre aux questions des démons en mission sur terre. Pas très prestigieux, ce travail était néanmoins plaisant pour notre héroïne, car outre une cadence pas trop exigente et un salaire relativement correct, les membres de l’équipe formaient une vraie bande d’amis (aussi étonnant que cela puisse paraitre) ce qui rendait le labeur bien plus facile et la vie en générale plus sympa.
Comme à leur habitude, après le service, les membres de l’équipe se réunissait pour prendre le petit déjeuner dans un bar nommé le « cerbère à une tête » et qui situait à l’angle sud du croisement entre « Satan Plazza » et « Hawaian pizza avenue » où se situaient les bureaux de la hotline.
La petite bande était composée de Kaparystazakrak (alias Kap) le chef d’équipe et démon téléporteur de son état, de Somninalanuralostes (alias Somni) un démon des rêves à la voix douce et calme qui aimait par-dessus tout faire de petites siestes et rêvasser devant des photos haute définition du Paradis (dont personne n’osait lui demander la provenance).
Venait ensuite Profamakatebazrok (alias Prof) un démon de la fureur rougeau et bougon qui connaissait tout ce qu’il y’avait à savoir sur le boulot de démon mais qui préférait le plus souvent recommander la violence, et puis enfin le petit nouveau Mexi (alias Mexicopheles, oui son pseudo est plus long que son vrai nom, que voulez-vous les démons sont étranges) dont la jeunesse et l’innocence apportait un vent de fraicheur au sein de l’équipe.
Et puis bien sûr il y’avait notre héroïne, Chypi, succube romantique qui avait fait le choix d’attendre le grand amour et de se préserver pour LA personne qui serait parfaite pour elle, que ça soit un beau démon ou au moins un humain qui en vaudrait la peine. Evidemment se choix idéologique n’avait pas aidé sa carrière de succube, et c’est pour cette raison qu’elle fût « parachutée » a la hotline, ce qui s’avéra en définitive un mal pour un bien.
Ce matin-là, la succube habituellement énergique et pleine d’entrain, était perdue dans ses pensées ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention de Kap qui en bon manager veillait au grain.
« Et bien Chypi, demanda-t-il, on dirait que tu nous fais la tête !
– C’est vrai que pour une fois on t’entend pas trop, ajouta Mexicopheles.
– N’empêche que tu es toute mignonne quand tu rêvasses » conlut Somni avec son habituelle gentillesse.
La succube regarda ses collègues avec anxiété puis baissa le regard d’un air triste. Tous comprirent que c’était du sérieux et l’écoutèrent avec une attention d’autant plus soutenue.
« Dites les garçons… vous vous rappelez le jour ou un ange a essayé de se faire passer pour un démon et nous a appelée pour avoir des conseils ? Et ben… il se trouve que… »
La succube hésitait à en dire plus, mais le poids du secret qu’elle portait était trop fort.
« En fait j’ai réussi à retrouver son numéro et je l’ai rappelée… je sais c’est bête mais… elle avait l’air – sympa… et moi j’ai pas trop de copine…
– Bah et nous ?! bondit Prof en tapant du poing sur la table. On n’est pas tes amis ?
– Mais si bien sûr… mais vous êtes des mecs : c’est pas pareil d’avoir une meilleure amie… »
Mexicopheles bondit à son tour
« Attends tu es en train de nous dire que c’est même pas une simple amie… que c’est ta BFF ? t’es BFF avec une céleste !
– ça veut dire quoi BFF ? demanda Prof agacé par les jeunes et leurs excès d’acronyme
– Ca veut dire Belle Fille en Forme, répondit doctement Mexicopheles
– Je comprends toujours pas l’intérêt… » conclu Prof.
Bien que toute cette histoire de guerre divine entre les soldats de Dieu et les troupes de Satan était un peu surestimé par la plupart des récits, on ne pouvait pas dire que les rapports entre anges et démons étaient cordiaux. De fait, être ami avec le camp d’en face était une situation peu avouable, voir honteuse.
Chypi reprit :
« Elle s’appelle Angélica, et c’est une ange gardienne du 5eme rang. Elle est vraiment super ! hyper intelligente, et toujours souriante. C’est un bonheur de passer du temps avec elle… mais depuis quelques temps y’a un truc… »
Chypi se ramassa sur son siège tandis que la serveuse, une démone a 6 bras, apporta la première tournée. La succube attrapa aussi sec son Daikiri fraise acétone et en but une longue gorgée pour se redonner du courage.
Prof posa une main amicale sur l’épaule de Chypi pour la rassurer.
« Hey ma Belle, dit-il d’un ton paternel, tu sais qu’entre nous y’a pas de secret honteux !
– Prof à raison, reprit Kap, qu’est-ce que ça peut nous faire que tu sois copine avec une ange ? Nous on t’aime bien justement parce que tu es bizarre »
Encouragé par la bienveillance de ses amis, Chypi reprit.
« En fait, les garçons… ce que j’essaye de vous dire c’est que… je crois que mon amie est victime de harcèlement de la part de son archange tutélaire ! »
La nouvelle plongea la tablé dans le silence. Les 4 démons se regardèrent, incertains pour la plupart de comment traiter cette nouvelle.
Après quelques instant de doute, Mexicopheles fut le premier à s’exprimer
« Euh… tu veux dire qu’un être de lumière, une créature au plus proche de Dieu, serait un harceleur ? mais comment c’est possible ça ? Je veux dire est ce que c’est techniquement possible ?
– Hum là je dois reconnaitre que le gamin à pas tort, dit Prof, Si c’est un archange, ça peut pas être un pervers. C’est mathématique.
– Mais qu’est ce qui te fait te dire qu’elle subit du harcèlement ? demanda Kap suspicieux, Elle te l’a clairement dit ?
– Et ben… l’autre jour on était sortie prendre un verre et… je sentais qu’elle n’allait pas bien… un peu comme vous tout à l’heure avec moi. Du coup je lui demandé si ça allait, et le truc c’est que les anges ne savent pas mentir…
– Et donc elle t’a tout raconté ? reprit Kap sans attendre la fin.
– Non… enfin si mais pas vraiment. Elle m’a avoué que y’avait eu un « accident » a son travail et que son archange lui avait…
– Lui avait quoi ? demanda Somni avec inquiétude
– Il lui avait caressé les plumes ! » dit Chypi
Libérée de son secret, la succube s’envoya d’une traite le reste de son verre. Cependant, quand son regard retomba sur ses collègues, elle lut surtout du doute dans leurs yeux.
« Mais… toucher les ailes d’un ange c’est du harcèlement ? vraiment ? demanda Mexicopheles en fronçant les sourcils.
– Je crois que ça dépend de si tu tires les plumes ou si tu te contente de passer la paume dessus… dit Prof
– C’est bizarre, reprit Somni a demi réveillé, j’ai de la famille qui est angélique, et j’ai jamais entendu parler de ce genre de chose… et puis quel intérêt ? tu peux te toucher tes propres plumes si tu es un ange et que ça te démange ?
– Administrativement le mec serait pas assez con pour faire ça… dit Kap à voix haute perdu dans sa réflexion. Il y’a beaucoup trop à perdre… et pour gagner quoi ? un petit pelotage de plume ? ce n’est pas très crédible…
– Vous ne me croyez pas ? demanda Chypi avec tristesse.
– Mais bien sûr que si ma Belle, dit Prof, c’est juste qu’a mon avis tu surinterprète ce qu’a dit ta copine.
– Bah oui, ça se trouve c’était pour autre chose qu’elle n’était pas bien, ajouta Mexicopheles. Elle a peut-être mangé un truc qui ne passe pas : parait que les anges ont un transit très fragile.
– Elle m’a dit qu’il lui passait tout le temps la main dans les plumes sans son consentement. Il a commencé par faire comme si c’était involontaire et puis petit à petit s’est mit à y aller de plus en plus franchement… Il la convoque parfois dans son bureau juste pour faire ça ! c’est quand même évident non ?
– Oui mais c’est elle qui le dit, insista Prof. Peut-être que lui a une autre version des faits ? peut-être que pour lui c’est arrivé de façon fortuite et il a cru que c’était devenue un truc sympathique entre eux deux et il ne se rend pas compte que sa la dérange ?
– Mais en quoi c’est sympathique DE LUI TRIPOTTER LES PLUMES !!!? rugit Chypi, Comment il ne peut pas voir que ça l’affecte alors que rien que quand elle m’en parle elle tremble de peur !?
– Je suis sûr que c’est autre chose et que toi t’as focalisé sur cette histoire de plume parce que ça existe pas chez les démons, renchérit Kap.
– Moi je crois aussi que bon… je veux pas juger sans connaitre hein ? dit Mexicopheles, mais une paire d’aile ça fait quoi : 2 mètres d’envergure pliés ? c’est impossible a louper et forcement ça attire le regard.. D’autant plus que les anges font pas spécialement d’effort pour cacher tout ça…
– Tout à fait, renchérit Prof, Si elle met ce genre de harnais « Push wings » à la mode qui donnent du volume aux plumes, elle a envoyé un mauvais signal… »
Chypi resta muette. Elle ne pouvait pas croire que ses collègues soient aussi prompts à réfuter le cri de détresse de son amie.
« Tu sais Chypi, dit Prof doctement, en tant que succube tu es sans doute plus dans l’émotion que tu ne le devrais. Il faut que tu prennes du recul par rapport à ce que ton amie a dit… et si ça se trouve elle aussi elle à été trop émotive par rapport à… »
Prof ne put finir sa phrase car il fut interrompu par une chope de bière lancée par Chypi en plein dans sa face.
« AH BAH D’ACCORD ! hurla la succube, donc un démon de la fureur est train de me parler d’émotivité !? Vous êtes la classe démoniaque la plus sujette aux crises de nerfs mais c’est moi qui manque de recul ? De toute façon j’aurai dû m’y attendre : les mecs ! pas un pour rattraper l’autre ! Mais tu m’étonnes qu’aucune femme ne vous parle de ça vu comment vous réagissez… TAS DE CONS ! »
La succube se leva de sa chaise et commença à quitter le bar. Aussitôt, Kap se téléporta à l’entrée pour lui couper la route et l’empêcher de sortir. Chypi tenta de forcer le passage en tirant sur les cornes de Kap qu’elle pouvait tout juste atteindre malgré ses talons hauts aussi ce dernier se pencha en avant pour lui faciliter la tâche. Chypi apprécia et remercia son manager d’un hochement de tête puis lui empoigna les cornes et tira dessus pour le faire fléchir, se laissant pendre de tout son poids (sans que ça ait beaucoup d’effet étant donnée la différence de force entre les deux mais c’était l’intention qui comptait).
« Laisse-moi passer Kap ! dit Chypi vindicative tout en essayant de le secouer, et ne t’avise pas de me dire que je suis trop émotive !
– Chypi s’il te plait attend… on est désolé »
La succube lança un regard vers la tablé et constata que ses collègues affichaient tous un regard déconfit. Elle relâcha les cornes de Kap et écouta ce que son chef d’équipe avait à lui dire.
« On a eut une réaction débile. Du moment que tu nous le dis ça devrait nous suffire pour te croire…
– Oh Kapounet…
– Nan nan… juste Kap
– Si si Kapounet ! »
Et bien qu’il détestait ça, Kap laissa Chypi lui sauter dans les bras et se blottir contre lui.
Ils rejoignirent le reste du groupe, et tandis que Mexicopheles offrait la prochaine tournée, Prof s’excusa auprès de la succube.
« Ecoute ma Belle, j’suis un vieux machin, et toute ces histoires de tripotages de plumes ça me dépasse. Mais si cette histoire de touche, alors ça nous touche tous, et celui qui s’en prend à l’équipe… JE LUI COLLE UN PAIN ET JE LUI FAIS MANGER SES DENTS ! »
Chypi se sentit soulager de voir ses amis la croire sur parole malgré leurs préjugés.
La succube expliqua alors plus en détail en quoi la situation de son amie Angélica était compliqué compte tenu de qui était son archange tutélaire, à savoir Gabriel.
L’archange Gabriel était en effet une superstar que ça soit a Elysion, la cité du Paradis, ou à Dis, la cité des Enfers. Il était surnommé « La Force de Dieu » ou « le Porteur des bonnes nouvelles » et connaissait n’importe qui d’important au royaume des Cieux, et notamment la Vierge Marie avec qui il était en excellent terme depuis qu’il avait gérer son accouchement. C’était un archange aux multiples talent, en charge notamment de l’accompagnement des carrières, de tout le marketing de Dieu, et de l’accompagnement des défunts au Paradis.
Il avait pour cela créer « silver wing airlines » une compagnie de transport qui conduisait les âmes autorisées à rejoindre le Paradis dans des avions de luxe, là où les âmes devant rejoindre L’Enfer devaient se contenter de bus en piteux état.
Tout ces exploits, et d’autres encore, lui accordait une aura de sympathie tel que nul ne croirait qu’il puisse être capable de mal se comporter vis-à-vis de ses subalternes.
« Je vous assure que tout ce qu’Angelica m’a dit est vraie, dit Chypi, mais elle ne peut le dire à personne car Gabriel à trop d’influence… même si quelqu’un la croyait, personne n’osera prendre le risque de diffamer un archange aussi brillant… »
Les garçons se regardèrent d’un air réfléchit tout en enchainant les bières brassées au sulfure.
« Pourquoi on irait pas lui casser la gueule ? proposa Prof
– Parce qu’au premier coup il te pulvériserai à coup de lumière divine, expliqua Kap, c’est pas juste un emplumé de base, c’est le porteur de la parole de Dieu. Et même si tu parvenais à lui péter la tronche, on se recevrai une plainte en bonne et due forme de sa part, et tu sais que Satan à horreur des procès et des réclamations venant des Cieux.
– Et pourquoi ne pas le dénoncer anonymement ? ça pourra initier une enquête ? proposa Mexicopheles
– C’est une bonne idée ! dit Somni que tout le monde pensait endormi, je connais justement quelqu’un… »
Somni chercha dans les poches de sa veste et en sorti un smartphone, objet particulièrement interdit dans les Enfers. Chypi s’inquiéta pour son ami.
« Hey attend mon chou : va pas t’attirer d’ennuis ! tu sais que tu risques d’attirer l’attention des démons du high tech avec un tel engin ?
– Ne t’en fait pas : c’est un objet angélique, si jamais ils y touchent ils se mettront à fondre… »
De part son ascendance semi angélique, Somni pouvait se permettre ce genre de fantaisie. Sauf que pour ces collègues, c’était comme si votre voisin de bureau utilisait sous vos yeux une barre de plutonium comme presse papier.
Somni composa un numéro et mit le haut-parleur. Le reste de la bande se rapprocha pour dissimuler ce qui se passait aux autres clients du bar (qui heureusement à cette heure bien matinale n’étaient pas bien nombreux).
Quelqu’un répondit dans un langage étrange et plein de réverbération : le langage Céleste.
Par commodité (et surtout à cause de l’impossibilité de représenter de manière scripturale un tel langage), nous vous proposeront bien évidemment une version traduite de cet échange.
« Ici le 111 hotline céleste, Séraphin à votre écoute : comment puis-je vous aider ?
– Bonjour Séraphin, répondit Somni avec un parfait accent Céleste. Je suis Saint Emilion du bureau des affaires compliqués, je vous appelle pour un cas de harcèlement.
– Oh je vois. Quel joie cela doit être de porter assistance à une humble mortelle qui subit les affres d’un patron libidineux…
– Euh, alors en fait c’est pas tout à fait ça. Moi je vous appelle pour dénoncer un touchage de plume…
– Un quoi ?! bondit Séraphin
– Un… un touchage de plume… quoi ça se dit pas « touchage » ?
– Euh si, en tout cas ça se comprend mais… vous dites qu’un ange s’est fait touché les plumes à son insu ? »
Somni regarda Chypi qui faisait des grands oui de la tête.
« Euh oui tout à fait c’est du touchage de plume non consenti avec situation non accidentelle et répétée.
– répétée ? beaucoup ?
– Oulah ! on est sur euh… pas mal de fois : minimum !
– Mais c’est terrible ça… connaissait vous l’identité de la victime ? »
Chypi fit un grand signe non à Somni. Il était hors de question d’impliquer Angélica dans cette dénonciation.
« Euh non, pas directement… euh… j’ai été informé de cela par une source anonyme.
– Et vous savez qui est le malandrin qui a commis cet acte abjecte ? demanda Séraphin
– Ah ça oui : c’est l’Archange Gabriel ! »
La voix de Séraphin changea du tout au tout, devenant sévère et cassante.
« Donc vous êtes en train de me dire que Gabriel l’annonciateur, le Héros de Dieu, celui à qui l’on doit la meilleure compagnie aérienne des Cieux et qui à aussi créer le Coca Zéro pour accorder à tous la béatitude du soda sans les soucis du sucre… c’est ce Céleste là que vous accusez sur la base d’un témoignage anonyme d’être un tripoteur de plume ?
– Oui c’est ça ! dit Somni qui n’avait pas du tout saisi l’ironie. C’est incroyable comme vous avez tout de suite cerné la situation mon ami !
– Ecoutez moi : j’en reçois un paquet par jour d’appels de ce genre qui visent à calomnier un saint, et sachez que nous avons reçu pour consigne de ne pas en tenir compte !
– Ah bon… mais vous faites comment si c’est vrai ?
– ça ne peut pas être vrai ! Les Archanges ne seraient pas Archanges s’ils étaient mauvais.
– Bah pourtant là en l’occurrence c’est le cas.
– Ecoutez je n’ai pas de temps à perdre avec vos bêtises. Je ne ferai pas perdre aux Cieux du temps et des ressources pour une enquête qui de toute façon ne mènera à rien si ce n’est jeter l’opprobre sur une personnalité au-dessus de tout soupçon ! Au revoir ! »
Séraphin raccrocha alors violement de lui-même, ce qui pour n’importe qui travaillant dans une hotline était le signe qu’on l’avait poussé à bout. Somni, penaud, résuma la situation pour ces camarades ne parlant pas le Céleste.
« Bon bah les amis c’est pas super : Gabriel est tellement bien vu que les anges veulent même pas se pencher sur la question.
– Je suis en train de me demander : en tant que chef du Marketing de Dieu, c’est pas lui qui est censé gérer la hotline ? demanda Kap le regard dans le vide
– Le salaud : s’il contrôle les organismes de réclamation, alors personne ne peut se plaindre ! reprit Chypi très en colère. Faut qu’on trouve un moyen de s’en occuper et vite !
– On pourrait demander de l’aide à Mr Milton ? proposa Mexicopheles
– Tu veux qu’on fasse appel à l’Avocat du Diable ? mais t’es au courant de ses tarifs ? s’inquiéta Prof
– Prohibitif ! répondit Mexicopheles. Mais c’est un ténor du barreau : il à réussi à faire acquitter Satan lors de son procès !
– Ouais mais pour ça il fait témoigner Dieu en personne, et je doute que l’Eternel nous fasse cette faveur, ajouta Kap.
-C’est Milton qui me doit une faveur, dit Chypi avec un air espiègle, je suis sûr qu’il acceptera au moins de nous recevoir… »
Et c’est ainsi que la fine équipe de la hotline des enfers prit la route vers les bureaux de l’Avocat du Diable pour faire déposer une plainte contre l’Archange Gabriel. Puis, voyant l’heure, la plupart retournèrent chez eux car restant l’impérieux besoin de faire un somme, laissant Chypi seule avec Mexicopheles.
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Les bureaux de Mr Milton étaient situés dans le quartier chic de « Los Tiburones » un ensemble de constructions neuves datant de moins de 30 siècles avec accès privatif à la plage du Styx et un grand nombre de boutique de luxe. En temps normal, Chypi n’aurait pas raté l’occasion de se prélasser sur un transat tout en savourant une tequila arrosé de kétamine ou de Fentanyl, mais la succube avait d’autres priorité en tête. Accompagné de Mexicopheles, elle déboula comme un tornade dans le bureau de l’avocat, faisant claquer les doubles portes matelassé de cuir pour ajouter un peu de théâtralité à son entrée.
Milton était assis à son bureau en train de fumer un cigare Davidoff Oro Blanco tout en dictant des notes à sa secrétaire, une démone de la maniaquerie qui s’épanouissait parfaitement dans un milieu aussi procédurier que la magistrature. L’avocat lui fit un geste de la main pour qu’elle s’arrête de taper à la machine et prit une bouffé de son barreau de chaise avant de faire signe à Chypi de venir s’asseoir.
« Chypi ! c’est un vrai plaisir de te voir… il est avec toi le petit gringalet ? » demanda Milton en désignant Mexicopheles du doigt.
La succube s’avança devant le bureau de l’avocat et prit place dans le siège qui y faisait face, puis tapota l’assise de la place d’à côté pour inviter Mexicopheles à venir s’assoir, ce qu’il fit sans dire un mot. Il posa ses mains sagement sur ces genoux et laissa Chypi prendre la parole.
« Ne vous inquiétez pas nous ne serons bref : je veux vous engager pour porter plainte contre l’archange Gabriel ! »
Milton manqua de s’étouffer avec son cigare. Il toussa fort et se frappa la poitrine pour se dégager les bronches puis regarda Chypi droit dans les yeux : de son œil expert d’avocat, il s’avait que ce n’était pas du bluff.
« Dis m’en plus ma jolie… je sens que nous sommes sur un coup d’enfer ! »
La succube expliqua la situation avec précision et assurance. Il faut dire qu’elle s’était entrainée tout le long du chemin avec ce pauvre Mexicopheles. Milton esquissa un sourire de loup, puis finalement se mit à jubiler comme un parfait méchant de série B.
« Voila qui est parfait Chypi : avec un tel matériaux je vais briser Gabriel comme si c’était les murs de Jéricho !
– Super ! vous allez vraiment pouvoir faire quelque chose ? demanda la succube.
– Bien sûr ! je vais calomnier ce salopard d’emplumé, étaler ces turpitudes aux grands jours, et surtout exhiber sa victime partout pour bien montrer a quel point il a été cruel avec elle… Il faudrait d’abord faire une vidéo d’elle qui raconte ce qu’il lui a fait subir : mais avec des détails hein ! et puis ça serait pas mal si elle pouvait pleurer… oh oui des sanglots d’un ange ça c’est exactement ce dont j’aurais besoin… »
Chypi horrifié coupa Milton.
« Mais… si je fais ça la pauvre Angélica sera humiliée, et tant qu’il n’y aura pas de jugement elle risque de subir des représailles… je suis même sûr que des gens de sont entourage vont l’accuser de mentir !
– Bah… qu’est-ce qu’on s’en fou ? demanda Milton avec dédain, Moi ce que je veux c’est la mettre profond a ce connard de Gabriel ! Ce fumier est soi-disant porteur de la Vérité, résultat il me fiche un bordel pas possible dans tous mes procès juste pour me narguer ! Là il va voir quelle gout elle à la vérité face à des jurés célestes !
– Non attendez… si ça cause du tort à mon amie alors je préfère en rester là…
– Quoi ? Mais tu ne vas pas nous faire louper une occasion pareil a cause d’un acquis de conscience ! T’es une succube bordel ! Ton job c’est de pourrir ce con, on s’en fou de la victime !
– Et bien justement non ! s’emporta Chypi, si je fais ça c’est pour qu’Angélica soit protégée. Je m’en tape que Gabriel soit cloué au pilori ! Si les solutions que vous me proposez impliquent de mettre mon amie en danger alors c’est pas la peine : je réglerai ça toute seule ! »
Chypi se leva d’un bond et quitta le bureau en essayant de garder l’air le plus digne possible, mais tout de même en claquant la porte. Milton, médusé, regardait Mexicopheles qui n’avait pas quitter son siège et lui souriait niaisement. Chypi entrouvrit alors la porte, y glissa sa tête et dit avec sévérité :
« Mexi ! ramène-toi : on du boulot ! »
Trop content d’être appelé par son vrai nom plutôt que par son surnom, le jeune démon sauta de son siège, adressa une vigoureuse poigné de main à Milton, lança un clin d’œil à sa secrétaire et trottina jusqu’à Chypi en s’excusant d’avoir trainé.
Lorsqu’ils fermèrent enfin la porte du bureau, Milton demanda avec un sourire a sa secrétaire de faire envoyer à Chypi un bouquet de fleurs des abysses.
Il aimait les femmes avec du caractère.
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Le lendemain après le service du soir, l’équipe de la hotline se rendit comme à son habitude au « cerbère à une tête » et fit le point sur la situation. Que ça soit en Enfer ou au Paradis, aucune des administrations ne voulait s’occuper du cas, ou plus précisément, aucun ne voulait le faire pour une bonne raison.
Chypi avait le morale en berne : elle avait appelé Angélica pour prendre de ses nouvelles et avait senti dans le ton de sa voix que la situation allait de mal en pis. Il fallait agir, quitte à prendre tous les risques.
La succube avait repensé à la proposition de Milton et s’était demandé comment elle pourrait faire en sorte qu’elle soit acceptable. Quand soudain la réponse lui parût comme une évidence…
« Les garçons : vous vous rappelez de mon costume d’Halloween y’a 5 ans ?
– Ton costume d’ange de la bonté ?! dit Mexicopheles en frémissant, j’en fait encore des cauchemars !
– Et ben figurez vous qu’il me va toujours super bien… et que ça pourrait être la solution à tous nos problèmes ! »
Kap voulut la corriger et dire « tous TES problèmes » mais il se rappela la réaction de son amie la veille et préféra se montrer solidaire avec elle… après tout, les problèmes des membres de l’équipe avait toujours fini par être ses problèmes par extension.
Le plan de Chypi était audacieux mais finalement très simple. Grimé en ange de la bonté, la succube allait se rendre dans la cité d’Elysion et entrer en contact avec Gabriel. Si tout se passait comme le pensait, l’Archange ne manquerait pas d’essayer de lui toucher les plumes, mais au dernier moment, elle reprendrait son apparence démoniaque tandis que les autres membres de l’équipe (déguisés mais elle ne savait pas encore en quoi à ce moment-là du récit) prendraient des photos compromettante le mettant en scène en train de tripoter une succube. Il suffirait ensuite de le faire chanter anonymement et d’exiger la paix pour Angélica. Les risques étaient minimes puisque la petite bande pourrait facilement déguerpir grâce au pouvoir de téléportation de Kap.
Ce dernier justement n’était pas très rassuré à l’idée des risques que Chypi voulait prendre. Oh bien sûr il n’était pas contre l’idée de fiche la zizanie chez les emplumés, mais il ne savait pas ce qui allait se passer lorsque l’Archange se mettrait à la toucher. Il se demanda aussi si les autres membres de l’équipe (et lui-même) garderaient leur calme en voyant Chypi se faire malmener, fusse il de son plein gré.
Cependant, le chef d’équipe de la hotline des enfers savait que la succube en avait gros sur le cœur et que sa fidélité en amitié ne saurait souffrir d’une telle situation. Il décida d’avoir le même comportement, et trinqua avec les autres lorsqu’ils firent serment sur le Styx de faire tomber coute que coute l’Archange Gabriel.
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Cela faisait une semaine que l’équipe avait établit son plan, et il était temps d’agir. Si pour la plupart des démons, entrer dans la cité céleste d’Elysion était un challenge ardu, cela l’était beaucoup moins pour quiconque connaissait un démon téléporteur. Une fois sur place, ils enfilèrent des déguisements rudimentaire constitué de bure de moine et de sandalette en cuir.
Evidemment, Chypi disposait d’un costume bien plus élaboré constitué d’une robe blanche bordée de rubans bleus, d’une perruque blonde, et surtout de plume collé tout le long de ses ailes de succube. Même en y prêtant attention, l’illusion était parfaite.
Guidé par Somni qui connaissait l’endroit comme sa poche vu que la moitié de sa famille vivait ici, le groupe arriva sans se faire remarquer devant le palais de marbre blanc ou officiait l’archange. C’était l’équivalent d’une gigantesque agence de pub où une armada d’anges travaillait d’arrachepied pour porter le message de Dieu aux humains, tout en dénigrant le travail des démons. Il y’avait beaucoup d’aller et venue, aussi il fut facile d’entrer dans le hall qui de toute façon n’était pas gardé, les anges étant naturellement confiant envers leurs semblables.
Prof avait une envie folle de tout casser tandis que Somni lui était sur le point de prendre des photos. Mais Chypi veillait au grain et rappela ses camarades à l’ordre, insistant bien sur l’importance de leur mission.
Elle s’approcha du plan gravé sur une large stèle de granit richement décorée et y chercha où était le bureau de Gabriel.
C’est alors que la succube senti une main délicate qui venait de saisir la sienne. Le temps d’un sursaut, elle reconnut Angélica qui se tenait à côté d’elle, le regard remplit d’émotion. L’ange était elle aussi vêtue d’une robe blanche à ruban bleu, les ailes dissimulées par une capeline en soie légère.
« Angie ! mais… qu’est ce que…
– Chypi, il faut que tu t’en aille vite d’ici… c’est dangereux !
– Quoi ? mais…
– Ton ami Kap ma prévenue de ce que tu veux faire… ne lui en veut pas il voulait t’éviter de t’attirer des ennuis… »
En bon ange gardienne qu’elle était, Angélica ne pouvait pas accepter que Chypi prenne d’aussi grand risque pour elle et avait prit les devant pour la convaincre de ne pas mettre son plan à exécution.
« Rien que le fait que tu ais essayé remplit mon cœur de bonheur. Tu es une véritable amie Chypi, mais s’il t’arrivait quelque chose je ne le supporterai pas.
– Mais Angie… toi il t’arrive quelque chose ! tu ne peux pas me demander de te laisser subir tout ça sans rien faire… c’est trop cruel ! et pourtant je suis une succube, alors question cruauté tu peux me croire j’en connais un rayon ! »
Angélica enlaça la main de la succube et la posa contre son visage.
« Je suis un ange, c’est mon devoir de te protéger, même si je dois souffrir mille mort pour ça…
– arrête ! dit Chypi au bord des larmes, t’as pas le droit de me dire ça, c’est pas normal ! moi je te laisserai pas tomber ! que tu le veuille ou non ! »
Angélica enlaça Chypi et fit un signe de tête a Kap pour lui demander de les laisser seules un moment. Perspicace, le manager de la hotline fit signe a Prof, Somni et Mexicopheles de le suivre à l’extérieur.
Chypi se sentait abattu, mais elle comprenait que ce combat n’était pas le sien, et que la seule chose qu’elle pouvait faire c’était de soutenir Angélica, et de se battre à ses côté lorsqu’elle en aurait la force. Triste, elle pleura à chaude larme sur l’épaule de son amie.
« Ch’uis désolééééééé… sanglota la succube.
– Ne t’en fais pas, dit la bienveillante céleste, ça m’aura permis de voir à quel point tu es brave et courageuse… et aussi à quel point tu es jolie en ange. »
Elles échangèrent un sourire complice, mais en un instant un masque de terreur s’abattit sur le visage de Angélica. Aussitôt la succube comprit…
« Hey Angélica, ma gardienne préféré ! dit une voix céleste a nulle autre pareil. Tu me présente ? »
C’était l’Archange Gabriel en personne.
Grand, vigoureux, un sourire parfait, des ailes d’aigle, une auréole large et brillante au-dessus de la tête, on ne pouvait que reconnaitre que l’Archange était un être proche de la perfection.
Angélica tremblait, mais elle devait tenir bon et mettre Chypi hors de danger, sans quoi elle risquait gros si on découvrait sa véritable identité. Galvanisé par l’enjeu, l’ange se découvrit quelques facilité pour le mensonge.
« Oh Gabriel c’est vous ! permettez-moi de vous présenter euh… Joséphine ! une amie ange gardien de 1er rang.
– Une débutante ! s’exclama Gabriel tout en réajustant sa chevelure soyeuse, Alors dis moi Jo… je peux t’appeler Jo ? comment tu trouves nos locaux : la classe hein ? »
Chypi se retenait de pas coller son poing dans la figure de l’archange.
« C’est super ! dit la succube en essayant d’imiter le mieux possible l’accent céleste d’Angélica, J’aimerai vraiment pouvoir travailler ici un jour… c’est le rêve pour nous toute !
– Hey ouais… c’est vrai que c’est chouette, ajouta Gabriel, tu sais quoi, laisse un CV à Angie, et je verrai ce que je peux faire pour toi : je suis sûr que t’as un énorme potentiel ».
En disant cela, Gabriel scrutait les ailes de Chypi ce qui lui colla la nausée
« Bon ben ça a été un plaisir de faire ta connaissance Jo ! Angie j’ai besoin de toi dans mon bureau… c’est pour… enfin le mieux c’est que je t’explique ça au calme là-haut hein ? »
Angélica acquiesça timidement et emboita le pas à Gabriel. Elle se retourna vers son amie et lui adressa un sourire qui semblait être le dernier. Chypi ne pouvait accepter que l’ange se jeter volontairement dans la gueule du loup pour la sortir de l’embarras. Si elle était ici c’était parce qu’elle l’avait voulu, ce n’était donc pas à Angélica d’en subir les conséquences.
« Hey attendez ! dit Chypi, Gaby… je peux vous appeler Gaby ? vous voudriez bien me montrer votre bureau ? Angie n’arrête pas de… me parler de son travail et de combien il est… excitant ! »
En tant que succube, il était facile à Chypi de faire un numéro de charme à l’archange, elle devait cependant veiller à ne pas trop tirer sur la corde afin de rester crédible.
« Oh qu’est-ce que je raconte ! ajouta-t-elle avec une fausse timidité. Je m’emballe, mais c’est ce lieu… il me fait un tel effet… et puis vous…
– Moi ? répondit Gabriel polisson, et bien écoute Jo, je crois que te voir en action sera beaucoup plus pertinent qu’un simple CV… aller c’est parti les filles ! on y va ! »
Chypi prit la main d’Angelica qui la serra très fort.
******
Le bureau de Gabriel était situé au dernier étage dont il occupait toute la surface. Décoré comme un cabinet d’architecte, on y trouvait tous les plans médias à venir, et toutes les idées sur lesquels travaillait Gabriel, comme par exemple ajouter une deuxième lune dans le ciel pour permettre aux humains d’avoir plus souvent des éclipses.
Il ouvrit une armoire qui dissimulait un bar à smoothie et sans leur demander ce qu’elle voulait, servit deux grand verre à ses invitées.
« Goutez moi ça : saveur banane… » dit-il langoureusement.
Chypi en était maintenant certaine : ce type était un looser. Le coup de la banane, même elle ne le faisait plus depuis un bail. Comble de la beauferie, Gabriel appuya sur une commande murale qui changea l’ambiance lumineuse pour qu’elle soit plus tamisé, puis lança la chanson « Careless wisper » sur le système audio surround du bureau.
En voyant la mine terrifié d’Angélica, Chypi comprit que c’étaient les conditions que Gabriel affectionnait pour faire ses saloperies. Qu’à cela ne tienne : elle allait jouer coup pour coup.
Chypi détacha une attache de son harnais ce qui dégagea un peu plus ses ailes. Emoustillé Gabriel s’approcha et commença à faire danser la succube.
« Dis donc Jo… tes ailes sont… incroyables !
– On me dit toujours que je les tiens de ma mère…
– hum… voyez vous ça… »
Gabriel passa sa main dans le dos de Chypi et commença à caresser les plumes collées.
La colère de Chypi était à son paroxysme, pas tant a cause de ce que faisait Gabriel, mais parce qu’elle ressentait ce qu’avait subi Angélica. Elle resta concentré, et guettait la moindre ouverture.
Gabriel plongea sa tête dans la nuque de Chypi pour frotter sa tête contre le plumage de celle-ci. Il remarqua alors quelque chose d’étrange…
Empoignant Chypi par les épaules, il la scruta de haut en bas.
« Hey Gaby… mais qu’est ce que…
– La ferme maudite engeance ! tu crois que je suis stupide à ce point-là ? tu sens les bonbons ! tu es une succube ! »
Chypi dut admettre que l’expertise de Gabriel en créature démoniaque n’était pas usurpée. Car en effet, l’une des caractéristiques les moins connus concernant les succubes étaient leur odeur naturelle qui ressemblait à s’y méprendre à celui d’un gros sachet de bonbons. Démasqué, Chypi n’avait plus à se retenir.
Prenant Gabriel par surprise, elle lui expédia un coup de tête pile sur l’arrête du nez afin de lui faire lâcher prise puis enchaina avec un rapide coup de coude en plein thorax.
Tandis que l’archange chancelait, Chypi reprit son apparence normal et secoua ses ailes de cuir pour en faire tomber les plumes collé dessus.
« Plus de subterfuge mon mignon ! dit la succube, je suis venu pour te coller une raclé ! »
Chypi bondit sur Gabriel et essaya de le transpercer avec ses talons pointu comme une rapière. Mais l’archange était vif et il esquiva l’assaut avec facilité et contre attaqua aussitôt en assenant un violent coup d’épaule dans l’estomac de Chypi. Pliée en deux par la douleur, la succube tomba à genou.
Arrivant derrière elle, Gabriel lui attrapa les ailes et commença à tirer dessus, mais sans y mettre toute sa force, afin de prolonger la souffrance de Chypi.
« Sale petite mouche… je vais prendre beaucoup de plaisir à t’arracher les ailes ! »
La succube essayait de toute ses forces de résister, mais elle ne pouvait rien contre la puissance incommensurable de celui qu’on disait être « la force de Dieu » et allait être déchirée en mille morceau. Dans un ultime effort, elle se tourna vers Angélica et lui cria de s’enfuir.
Paralysé de peur, l’ange gardien regardait impuissante son amie souffrir le martyr.
« Gabriel je vous en supplie au nom du tout puissant ayez pitié ! » dit Angélica qui se mit à genoux « je ferai tout ce que vous voudrez sans me plaindre, mais laissez Chypi tranquille… pitié… »
L’archange relâcha les ailes de la succube mais l’écrasa avec son pied contre le sol.
« C’est vrai ça Angie ? demanda Gabriel, tu feras vraiment tout ce que je te demande sans rechigner ?
– Oui je le jure au nom de Dieu tout puissant !
– Oh ! c’est un sacré serment ça dis donc… très bien : j’accepte de laisser partir cette immonde créature à une condition… je veux que tu t’arraches une poigné de plumes et que tu me les offres. »
Chypi se débattait, mais sa rage ne suffisait pas pour se dégager.
« Angie ne fait pas ça… Salopard je vais te tuer !
– Ne t’en fais pas Chypi, si c’est pour te sauver c’est un prix ridicule à payer… » dit l’ange avec détermination.
Angélica passa sa main dans son dos au niveau de ses ailes et attrapa une poigné de plumes, puis elle tira d’un coup sec. Un rictus de douleur passa sur son visage, mais il fut aussitôt effacé par une expression de courage qui impressionna Chypi.
L’ange s’avança devant Gabriel, mit un genou a terre et lui tendit ses plumes en offrandes.
Gabriel se saisit de son trophée puis commença à le renifler et a le passer sur son visage.
Mais tandis qu’il jubilait, il sentit que quelque chose n’était pas normal. Une partie du bureau était plongé dans l’obscurité bien plus qu’elle ne le devrait. Il se concentra sur cette partie de la pièce et remarqua alors une silhouette qui semblait tenir quelque chose à la main.
« C’est dans la boite ! » dit Somni tandis que la brume d’ombre qu’il avait projeté pour se cacher se dissipait. Derrière lui se trouvait Kap qui jubilait :
« La vidéo d’un archange qui menace une ange de mutiler une succube si elle ne s’arrache pas les plumes… si ça sa fait pas au moins un million de vue je rends mon tablier !
– Comment êtes-vous entrez ici !? hurla Gabriel fou de rage tandis qu’il réalisait ce qui était en train de se passer.
– Manipulation de l’espace à travers la pyrolyse, expliqua Kap, un truc démoniaque cherche pas à comprendre mon grand »
Gabriel attrapa Chypi et Angelica par la nuque.
« Donnez-moi cet enregistrement ou je les brises ! menaça l’Archange
– Nan ça je ne crois pas : MEXI ! PROF ! A VOUS DE JOUER ! »
Arrivant de derrière, Mexicopheles sauta sur les épaules de Gabriel puis, profitant de son inertie, s’enroula autour de sa nuque avant de basculer en avant, le forçant à lâcher ses proies pour pouvoir amortir sa chute.
« HURRACANRANA ! » hurla Mexicopheles a travers son masque de catcheur mexicain. Car en effet, nous ne vous l’avions pas dit, mais Mexi était un démon de la lucha libre, ce style de catch typique du Mexique constitué d’acrobatie suicidaire et de costume extravagant (si ça peut vous consoler jusqu’à présent l’équipe de la hotline ignorait quel était le type démoniaque de Mexicopheles).
Prof, lui aussi arborant un masque de luchador (principalement pour être coordonnée avec son ami) avait sorti une chaise pliante d’un placard et se mit à en asséner de violents coups sur le dos de Gabriel tandis que Somni aidait Chypi à se redresser.
Kap se prépara à téléporter tout le monde loin du Paradis, mais Gabriel comprit la manœuvre et fit appel a sa toute-puissance divine.
« TEMPUS FUGIT ! »
Aussitôt tout le monde fut figé dans une stase temporelle ou seul Gabriel pouvait se mouvoir. Il s’approcha de Somni, lui prit des mains son smartphone et le brisa d’une seule main.
« Au revoir les preuves ! » jubila l’Archange.
Il se dirigea alors vers Angelica qui était tombée à genou, les mains jointes en prière. Comme a son habitude il lui passa la main dans les plumes.
« Ah ma petite Angie… ne t’inquiète pas je vais nous débarrasser de ces horribles démons, et nous allons pouvoir reprendre nos bonnes petites habitudes… »
Gabriel entendit alors un grognement derrière lui. Il se retourna et vit Chypi en train de ramper sur le sol avec peine tant la stase temporelle était puissante.
« Je…. T’ai dis… de… la… laisser !
– Je dois admettre que ta force mentale est ahurissante : ce n’est pas un mince exploit que de t’arriver à te glisser hors de mon contrôle temporelle… »
Gabriel s’approcha de Chypi et s’assit à califourchon sur son dos.
« Tu sais… j’ai toujours eu un faible pour les succubes… je ne devrais pas le dire bien sûr, c’est une déviance, mais toi par exemple, je te trouve… à tomber ! »
Gabriel se coucha sur Chypi et commença à caresser ses ailes de cuir.
L’archange savoura l’instant, ravi qu’il était de pouvoir le prolonger à sa guise. Il ne savait pas combien de temps la succube l’amuserait, mais il se dit qu’au pire il pourrait retourner auprès d’Angélica…
Une minute…
Pourquoi avait-elle les mains jointes ?
Gabriel comprit mais trop tard ce que faisait Angélica. L’ange, qui avait supportée toute ces humiliation et toutes ces souffrances, ne pouvait accepter une seule seconde de voir son amie endurer la même chose. C’est avec toute la dévotion dont pouvait faire preuve un ange gardien qu’elle s’était mise en prière pour en appeler à l’ultime recours. La foi d’Angélica était si forte, et son désir de protéger Chypi était si grand que ses mains se mirent à saigner. Et lorsqu’une goutte de son sang sacrée toucha le sol du bureau, une vague de lumière divine déferla dans toute la pièces, brisant la stase temporelle ainsi que toutes les vitres de l’étage et envoyant Gabriel plusieurs mètres en arrière.
Angélica, fatiguée mais heureuse d’avoir trouvé la force de riposter se précipita auprès de Chypi et la prit dans ses bras. L’archange se releva, furieux.
« Petite trainée… je vais te piétiner ! pour qui te prends tu ? je suis l’Archange Gabriel ! je porte la parole de Dieu ! toi tu n’es rien ! rien qu’une petite écervelée tout juste bonne à me servir ! En plus de ça tu es amie avec une immonde succube… je vais m’occuper d’elle et ensuite ça sera ton tour !
– Arrière Gabriel ! dit Angélica avec assurance. Jamais je ne vous laisserai la toucher à nouveau ! Vous pouvez me briser et m’arracher les ailes, mais je fais le serment que moi vivante vous ne ferez plus de mal à personne ! »
Le courage d’Angélica impressionna les démons qui assistaient à la scène étalé sur le sol, encore groogy qu’ils étaient de la stase temporelle. L’ange venait de se libérer de l’emprise de son bourreau, et même si la défaite était assurée, elle avait la satisfaction de frustrer l’Archange.
Ce dernier s’était rapproché et s’apprêtait à porter le coup de grâce, lorsqu’arriva par la vitrine brisé un être de lumière aux ailes d’argent tenant une épée de feu…
L’Archange St Michel : le bras armé de Dieu. Il avait entendu la prière d’Angélica, et a travers elle avait vu Gabriel s’en prendre a Chypi et à l’ange.
« Gabriel ! mais enfin que signifie cette folie ! dit l’archange en désignant l’ange et la succube de son épée de feu.
– Ces démons m’ont attaqué ! ils ont essayé de s’en prendre à moi !
– Ah oui ? alors explique-moi ce tu tiens là ? »
Gabriel lâcha alors la poigné de plume qu’il avait exigé d’Angélica
« Au nom du ciel Gabriel ! mon frère ! qu’es-tu devenu ? dit Michel horrifié.
– Oh bien sûr toi tu es si parfait ! le soldat ultime de Dieu qui pourfend le mal ! tu vas me passer par le fil de ton épée parce que je me suis défendu de nos ennemis c’est ça ?
– Bien sûr que non : c’est à la justice de traiter ton cas. Ma colère envers toi ne m’autorise pas à appliquer de sentence. Je te réserver seulement mon mépris…
– Tu ne comprends rien à la situation, tu me juges sur quelques apparences…
– Silence ! dit Michel avec colère. Ne prends pas ma clémence pour de la naïveté : je suis venu parce que j’ai entendu la prière de la petite Angélica. Je ne sais pas complètement ce qui s’est passé, mais le cœur de cet ange à souffert à cause de toi, et ça je ne peux l’accepter ! »
Gabriel savait qu’il ne pourrait rien contre Michel, et il préfera se soumettre, misant sur le fait qu’il serait impossible a quiconque de prouver ce qui s’était passé.
Le bras armée de Dieu s’avança vers les démons qui s’étaient rassemblé autour d’Angélica et Chypi, rengaina son épée de flamme et mit un genou à terre.
« Merci à vous d’avoir défendue notre sœur aux périls de vos existences. Ce qu’a fait Gabriel sera jugé et puni comme il se doit.
– C’est surtout Chypi qu’il faut féliciter, dit Mexicopheles
– Oui pour sûr ! nous à la base on croyait même pas que votre frère c’était un enfoiré de première » ajouta Prof.
Saint Michel se redressa et leur demanda malgré leur acte héroïque de quitter les lieux, leur présence au Paradis ne pouvant qu’amener plus de chaos qu’autre chose.
L’équipe se rassembla autour de Kap afin qu’il téléporte tout le monde en Enfer. Avant qu’ils ne partent, Angélica, émue aux larmes, voulut leur adresser un dernier au revoir. Elle enlaça chacun des membres de l’équipe, et termina par Chypi. Les deux amies restèrent un long moment dans les bras l’une de l’autre, puis, sans besoin de dire quoi que ce soit, elles s’embrassèrent.
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Quelques semaines après cette rocambolesque aventure, les cieux étaient encore en ébullition a cause de ce que tout le monde appelait « l’affaire Gabriel ». Comme l’avait calculé l’Archange, les accusations initiales de Angélica n’avait pas pu être suffisamment étayé malgré le témoignage de St Michel, et le procès c’était fini par un non-lieu. Cependant, cette accusation avait créé un effet boule de neige : d’autres victimes de Gabriel, avaient décidé de parler, et une lente mais puissante vague de fond était en train de déferler sur les cieux. Oh bien sûr, les choses ne changeraient pas d’un claquement de doigt, mais la muraille était maintenant fissurée, et l’impunité allait pouvoir être mise à mal aussi souvent que nécessaire pour qu’au final aucun ange n’ait plus à subir de tripotage de plume.
En remerciement de ses hauts faits, l’équipe de nuit de la hotline reçu une attestation des cieux comme quoi il n’y aurait pas de plainte déposé à leur encontre (ce qui compte tenu du bordel qu’ils avaient foutu était largement plus que ce qu’ils espéraient). Quant à Angélica, grâce à l’intervention habile de Milton, elle fut officiellement reconnue comme réfugié politique en Enfer et fut nommé consultante à la hotline dans l’équipe de nuit pour tout ce qui concernait les célestes. Elle et Chypi devinrent colocataire, et certains allaient même jusqu’à dire que la succube avait peut-être enfin trouvé ce qu’elle cherchait depuis toujours.
Mais ça : c’est une autre histoire…