J’ai aucune idée de quoi écrire en intro… je vous invite donc à juste lire cette histoire :p
Pas de podcast cette semaine vu le retard, je ferai un double épisode ce dimanche avec l’histoire de la semaine.
Je suis Spiderman
Tous les jeudi après-midi, je me rends au Queen’s Children hospital être Main Street et Booth Memorial Street.
Mais je ne suis pas un patient : je vais rendre visite aux gamins dans le service pédiatrie et je les aide à oublier la maladie le temps d’un instant. Personne ne connait ma vraie identité là-bas, car j’avance visage masqué, mais même un enfant qui vient d’arriver sait immédiatement comment il faut m’appeler. Parce que dès que je franchis les portes automatiques du grand hall dans ma combinaison, je ne suis plus moi-même : je suis Spiderman.
Je n’ai pas besoin de dire grand-chose pour briser la glace, parce que dès que les gamins voient mon costume rouge vif, on fait connaissance en un instant. Chez les plus petits, après un instant de surprise, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. Les grands eux essayent de rester sérieux, de faire ceux qui ne se font pas avoir par un type en costume mais certains sont quand même impressionnés de me voir et…
Houla mais je vais peut-être un peu vite là ! peut être que le mieux serait que je commence par le commencement :
C’était y’a quelques années, du genre pas tout à fait cinq ans, et je n’étais pas dans une situation reluisante. Peine de cœur, pas d’argent, et l’impression que tout le monde m’en voulait sans que je sache vraiment pourquoi… oui on peut le dire j’étais vraiment mal, quasi au bord de la dépression.
En feuilletant le journal, je suis tombé sur un article qui racontait comment un célèbre acteur avait pris de son temps pour rendre visite a un gamin très gravement malade pour lui redonner de l’entrain. Sur la photo qui illustrait l’article, on voyait l’acteur dans son costume de super héros en train de faire un grand sourire vers la caméra ton en faisant un « tape m’en cinq ! » avec le gamin. Sur le coup je me suis dit « et ben : celui-là qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour se faire de la pub ! bravo la promo gratuite ! ».
Mais j’avais tort : la tête du gamin sur la photo en train de regarder son héros préféré, ça valait tout l’or du monde, et je compris que l’acte de cet acteur était véritablement altruiste et désintéressé.
Je compris que c’était ça dont j’avais besoin : le regard de quelqu’un qui m’admirerait, ou du moins quelqu’un pour qui j’aurais de l’importance, même juste le temps d’un instant, même si c’était factice…
Sauf que moi je ne suis pas acteur. Je ne suis pas un célèbre sportif, ni un influenceur célèbre. Moi je suis juste moi. Mais j’avais le costume, le légendaire costume rouge et noir de Spiderman, et la carrure pour rentrer dedans sans rougir. Je n’avais pas grand-chose à perdre, même pas du temps, alors ni une ni deux, je me décidais a moi aussi aller faire mon numéro à des enfants bloqués dans un lit d’hopital.
J’ai enfilé mon costume, mis une veste à capuche et suis monté dans le bus. Ça peut vous sembler dingue, mais dans le Queens, rabattre sa capuche sur sa tête c’est aussi efficace pour devenir invisible que lorsque Superman met des lunettes. Même le bas de ma combinaison ne choquait personne, parce que… bah c’est New York !
Je me suis arrêté une station avant l’hôpital, parce que je ne voulais pas que les mômes voient leur héros descendre du bus comme un quidam lambda. J’ai retiré ma veste avant de la rouler en boule dans mon sac à dos, puis j’ai fait le reste du chemin a pied.
Evidemment, voir Spiderman qui arpente les rues avec son sac sur le dos comme s’il revenait du basket fit s’interroger mal de monde. N’empêche que les gamins que je croisais ouvraient tous de grands yeux quand ils m’apercevaient. Je leur adressais des salut de la main, et des p’tits coucous de la tête. Bien sûr, y’avait aussi dans le lot des ados qui se moquaient ou bien carrément des adultes qui se cachaient hypocritement pour pouffer…
Ça je ne vous cache pas que ça m’a un peu découragé.
Et puis y’a cette petite fille. Elle devait avoir 6 ou 7 ans, haute comme trois pommes, mignonne comme tout. Elle s’est jetée dans mes jambes pour m’enlacer comme si j’étais le père noël. Je me suis penché vers elle, et son sourire m’a transpercé le cœur.
« Spiderman ! me dit elle de sa voix de poussin, Tu vas bien ? »
Les parents de la fillette jouèrent le jeu :
« Oh c’est vous Spiderman ! dit le papa, on vous a vu en fâcheuse posture à la télé hier : on pensait que le bouffon vert vous avait fait prisonnier…
– C’est ce qu’il croyait ! répondis-je a la petite fille tandis que mon cœur battait à tout rompre, Mais j’ai plus d’un tour dans ma toile et je me suis sauvé par le plafond ! »
La petite fille jubilait et me sauta dans les bras cette fois ci. Papa me demanda si je voulais bien faire une photo ce que j’acceptais avec plaisir.
Je pris la pose, un genou à terre, encadré par la fillette d’un côté accroché à mon coup et Maman de l’autre. Papa lui, smartphone en main, se plaça a bonne distance et nous donna le signal.
« attention… dites cheeeeeeese ! »
C’était stupide, mais malgré ma cagoule, je fit l’effort de sourire.
La filette était heureuse d’avoir sa photo et sauta dans les bras de papa pour la voir. Pendant ce temps là, Maman me tendit discrètement un billet de 20 dollars.
« Merci monsieur, me dit-elle, c’est très gentil à vous…
– euh… merci madame mais ce n’est pas la peine, ça me fait plaisir… »
Maman me fit un tape amicale sur le bras tandis que Papa et la petite fille s’approchaient de nous.
Je voulu lui demander s’il pouvait m’envoyer une copie de la photo, mais soudainement je réalisais que ce n’était peut-être pas quelque chose à demander à un parent sans que ça ait l’air extrêmement louche. Je dus donc me contenter de garder ce cliché dans ma mémoire…
Lorsque je repris ma route après avoir saluer la petite famille une dernière fois, je pris conscience que je ne connaitrai jamais le prénom de la petite fille…
J’étais enfin arrivé au Queen’s hospital. De l’extérieur, ça ressemblait a n’importe quel gros bâtiment administratif, avec des tas de voiture garées devant et des minuscules fenêtres occultés par des rideaux blancs. La pression montait mais j’étais fier de m’être lancé dans la démarche, d’autant plus que ma rencontre avec la petite fille m’avait galvanisé !
Ma joie retomba lorsque je voulu entrer dans le hall et que des gardes en uniforme virent me stopper. Forcément, avoir le visage cagoulé dans un tel endroit, même si ce n’était qu’un costume, ça n’était pas très rassurant. Je fis cependant de mon mieux pour qu’ils me laissent passer :
« Salut les gars… dites, je sais que je devrais vous montrer mon visage mais… je suis Spiderman ! mon identité est secrète et…
– Monsieur, coupa l’un des gardes, c’est un hôpital ici, vous perturbez le calme dont les patients ont besoin
– Oui bien sûr… je veux… je veux seulement aller en pédiatrie, pour distraire les enfants ! allez soyez sympa les gars, vous croyez pas que ça leur ferait plaisir ? »
L’un des gardes s’approcha de moi et se pencha à mon oreille…
« Bah alors Spiderman ? t’es pas censé nous lancer une pique et t’en sortir avec une pirouette ?
– Que… pardon ?
– Les gamins c’est des clients exigeant, continua-t-il avec un sourire, le show commence dès maintenant mon gars ! »
Ces mecs étaient géniaux.
Jouant le jeu, je fis un bond en avant pour forcer le passage en m’esclafant :
« J’espère que vous courrez au plafond parce que ça sera le seul moyen de m’arrêter ! »
L’un des gardes fit semblant de me courir après dans le hall tandis que je faisais en sorte que les gamins présent me voient bien. Bon sang je n’avais pas commencé ce pseudo job depuis une minute que j’étais déjà submergé d’endorphine à la vue de toutes ces petites frimousses émerveillé. Engaillardi, je fis quelques cabrioles, guettant du coin de l’œil si mon complice arrivait à suivre.
Le garde s’arrêta, prenant appuie contre un mur prétendant être à bout de souffle, me faisant ainsi comprendre qu’il allait devoir reprendre une activité plus sérieuse. Et tandis que je partais en trottinant vers les ascenseurs, je pu voir les gardes m’adresser discrètement un pouce en l’air…
L’ascenseur me déposa au 4eme étage, juste devant l’entrée de la pédiatrie, service tenu par le docteur Quinzel, grande spécialiste de la chirurgie… enfin en tout cas c’était marqué sur la plaque à l’entrée.
Je ne sais absolument pas pourquoi, mais personne, je dis bien PERSONNE dans ce service ne s’est donné la peine de savoir qui j’étais vraiment. Immédiatement, les infirmières, les aides-soignants, et même les médecins (bien qu’après tout pourquoi seraient ils différents ?) me saluèrent spontanément en m’appelant Spiderman.
Comprenez-moi bien : évidemment, j’ai le costume, et sans me vanter il me va plutôt bien si vous voyez ce que je veux dire, mais qu’est ce qui fait que naturellement j’inspire autant de confiance à de parfait inconnu ?
Mais bon, à ce moment-là de mon histoire ça n’est pas tellement le problème. Parce qu’en réalité ce qui ce jour là m’a tellement mis la pression, c’était le premier échange avec des gamins. Je vous vois venir, vous allez me parler de la petite fille sur le chemin ? non non non ! ça ne compte pas, ce n’était pas une enfant malade.
L’angoisse me fit une boule au ventre.
Je fixais le long couloir de l’aile Est sans être capable de me décider. Je vais où ? côté gauche ? droit ? mais au fait, est ce que je ne vais pas déranger quelqu’un ? a tous les coups un parent va me tomber dessus et me fiche dehors a grand coup de « chuuuuut » parce que je perturbe le réveil d’un gamin qui vient de subir une lourde opération ? Et si par erreur en entrant dans une chambre je me prenne les pieds dans un appareil super important ? que je blesse un des gamins ?
Super ! maintenant j’angoisse vraiment pour de bon.
Je senti alors quelqu’un me faire une tape dans le dos. Mais pas le genre super méchant qui veut vous trancher en deux, non, plutôt le bon copain qui veut vous donner du courage. Et en l’occurrence, le bon copain en question était une bonne copine : le docteur Sarah Eliott.
Interne en 2eme années, Sarah était une blondinette super mignonne, avec de grand yeux bleus, une pixie cut et bien sûr un sourire à tomber. Dans une sitcom, elle me serait apparue au ralentit avec du vent dans les cheveux… houla ! on se calme Peter !
« Je pensais que t’étais un peu plus petit Spidey ! me dit elle avec entrain. Je pensais surtout que tu avais moins peur que ça des enfants pour un type qui combat le crime à longueur de temps ?
– J’ai… j’ai pas peur de… »
Elle m’avait complètement scotché, j’étais devenu débile, incapable d’aligner un mot.
« Tu veux que je te fasse visiter ? profites en c’est ma tournée ! »
Si pour vous le terme « tournée » évoquait un bar et des bières fraiches, alors félicitations, vous et moi sommes très stupide, vu que bien évidemment elle me parlait de la tournée de ses patients.
Moi je n’étais focalisé que sur la senteur de kiwi qui se dégageait d’elle…
Elle me tira de ma torpeur en entrant dans une des chambres et en m’annonçant triomphalement…
« Austin mon p’tit pote, est ce que tu me crois si je te dis que mon nouvel assistant est le super héros le plus cool de toute la ville ? »
Et c’’est ainsi que je fis la connaissance de mon tout premier « patient » le jeune Austin, 5 ans, souffrant de la maladie des os de verre. Lorsqu’il était tout bébé, ses parents furent arrêtés pour mauvais traitement à tort, a cause de toutes les blessures dont il souffrait à cause de sa maladie. Le diagnostic permit d’éviter une condamnation a ses parents, mais ces derniers furent traumatisée par cette histoire et devinrent très protecteurs.
Je m’imaginais l’horreur pour ses parents de se voir accuser de brutaliser leur enfant, le sentiment d’injustice, mais pire encore, l’angoisse de ne pas savoir ce qui lui arrive…
Bien calé dans son lit, le petit garçon avait les yeux si grands ouverts que j’avais peur qu’ils ne tombent de ses orbites. Je voulus lui faire un « tape m’en 5 » mais Sarah m’en empêcha de justesse :
« houla Spidey ! ça ne serait pas raisonnable de faire ça compte tenue de… ta super force ?
– euh… ah bah oui c’est vrai ! dis-je penaud. Dis moi Austin, est ce que tu sais à quel point je suis fort ? »
Le petit garçon secoua la tête pour dire non.
« … et bien figure toi que je peux soulever 150 fois mon poids !
– 150 ? dit le garçon tout en commençant à compter sur ses doigts avant de s’arrêter tant ce nombre lui parut gigantesque. Est-ce que ça veut dire que tu peux soulever une voiture ?
– Une voiture ? pfff fastoche ! l’autre jour entre Baker et Norringthon, j’ai arrêté un bus lancé a pleine vitesse avec ma toile… »
Je commençais a inventer une histoire complétement folle, décrivant avec force détail à mon nouveau copain comment j’avais accomplit un sauvetage héroïque. Et si Austin n’en perdait pas une miette, le Dr Eliott semblait aussi pas mal intéressé…
Sarah dut cependant nous laisser car elle avait beaucoup de travail à faire, et je fut confronté à un dilemme auquel je n’avais pas pensé : devais je rester encore un peu avec Austin, ou bien aller voir d’autres enfants ? Je compris aussitôt que j’allais devoir me poser souvent la question : quand est ce que je dois arrêter et passer à un autre enfant ?
« Dis Spidey, me demanda Austin, Est-ce que je pourrais être un super héros quand je serai guéri ? »
Il n’existe pas à ce jour de remède pour la maladie des os de verre, et a part via la thérapie génique, il y’a peu d’espoir que ça soit envisageable dans l’absolu. Mais je suis Spiderman pas vrai ? je suis censé donner du courage aux gamins ?
« Tu sais quoi Austin ? je pense que tu n’as même pas besoin de guérir pour etre un héro.
– Mais si je fais la bagarre ?
– Peut être que… je sais pas… tu connais Iron Man ?
– Oui ! il est trop fort !
– Et ben Iron Man c’est mon ami et… peut être que si j’arrive à le convaincre, il peut te créer une armure qui te protégera de tout et… »
J’avais envie de chialer sous ma cagoule… mais qu’est ce que j’étais en train de raconter à ce pauvre gosse ? il allait passer sa vie a se briser en morceau au moindre geste trop brusque, et moi j’étais en train de lui mettre en tête des bêtises qui ne ferait que lui causer plus de déception…
Mais après tout : est ce qu’un peu d’espoir ça n’était pas mieux que rien ? de toute façon la vie nous blessait tous un jour ou l’autre, alors pourquoi ce priver d’un peu rêve ?
« … et non seulement cette armure te rendrait insensible aux attaques, mais elle te permettra de protéger tout le monde ! Ta Maman, ton papa, et aussi tous tes copains !
– Oui ! j’aurais un super bouclier ! comme Captain América !
– Hum fait attention il est du genre jaloux ! mais cela dit pour toi il fera une exception ! et puis il faudra bien qu’il prenne sa retraite un jour. Quand tu seras grand je lui parlerais de toi pour devenir son remplaçant ! »
Pendant une heure après ça, j’ai aidé Austin à dessiner son armure de super héros, a choisir ses supers pouvoirs, et bien entendu un nom de super héros. Je lui fis alors la promesse qu’un jour, il serait « the Iron Shield » le héros le plus résistant de l’univers.
La famille d’Austin vint lui rendre visite, et je pris la décision de profiter de l’occasion pour aller voir d’autres enfants. Je lui fit la promesse de revenir le voir, et de l’aider à concevoir les plans détaillé de sa super armure. Parce que bon, Tony Stark était un génie, mais faire un plan bien dessiné c’était pas trop son truc.
En me retrouvant dans le couloir, je fus submergé par pleins d’émotions contradictoires : la joie bien sûr, mais aussi une certaine forme de tristesse, voir presque de la colère. C’est injuste de voir des enfants si jeunes souffrir autant, et pourtant ils sont là, plein de vie, cherchant juste à être normaux et a s’amuser…
Sarah passa dans le couloir à petite foulé tandis qu’une infirmière dans une des chambres au loin l’appelait :
« Dr Eliott ! Elle convulse ! »
Sans savoir pourquoi, je lui emboitais le pas. Lorsqu’elle entra dans la chambre, je vis sur le lit une ado qui ne devait pas avoir plus de 16 ans en train de trembler de tout son long comme si l’électrocutait. Les 2 infirmières présentes faisaient leur possible pour la tenir sur le côté tandis que Sarah se dépêchait de remplir une seringue et d’en injecter le contenu dans la perfusion de la jeune fille. En quelques secondes, elle cessa enfin de convulser.
Elle jeta un regard dans ma direction, puis de façon incompréhensible se mit à sangloter. Sarah se pencha vers elle pour la rassurer :
« Hey Jessica, dit elle avec douceur, c’est finie ma grande, t’as plus à avoir peur…
– Je crois que mon cerveau à un truc… je vois Spiderman ! »
Tous les regards se tournèrent vers moi tandis que Sarah éclata de rire, soulagée de comprendre ce qui avait fait paniquée la jeune fille.
« Nan Jess, tu n’hallucines pas mon nouvel assistant est bel et bien l’Incroyable Spiderman ! »
Cette fois ce furent les infirmières qui se mirent à pouffer, entrainant Jessica et Sarah dans leur fou rire.
*******
Jessica avait besoin de repos, aussi Sarah me demanda à tout le monde de sortir. Lorsqu’elle referma la porte en soupirant, je compris que le Dr Eliott avait essayé de faire bonne figure mais que le cas de la jeune fille était plus sérieux que ça. Malgré les traits figés de mon masque et l’impossibilité de lire dans mon regard, elle comprit que je m’interrogeais :
« Je comprend mieux le coup du masque, me dit-elle, ça vous permet de vous lâcher pas vrai ? Moi il faut que je me cache pour ne pas qu’on voit mes coups de fatigue…»
En fait ce visage souriant, cette bonne humeur et cette joie de vivre, c’était son masque à elle pour tenir le coup et affronter les horreurs qui pouvaient se cacher dans les recoins d’une chambre.
Pour d’autres, le masque était dur et méchant pour repousser les sentiments, ou encore cynique et détachés pour éviter qu’un sentiment ne vous attrape et ne vous blesse.
Et soudain je les voyais tous, portant leur masque de héros capable de regarder la souffrance de ces gamins droit dans les yeux. C’était pour ça que personne ne se demandait ce que je faisais là, parce que j’étais venu faire mon devoir, avec mes armes à moi, avec mon masque à moi, avec mes cabrioles et mes aventures à raconter. En fait ils m’avaient tous adopté parce qu’on avait la même mission, les mêmes ennemis, et les mêmes personnes à aider…
Mais ici pas le temps de rêvasser bien longtemps : le bipper de Sarah sonna et son regard n’annonçait rien de bon tandis qu’elle lisait le message…
« Prêt pour une nouvelle mission Tête de Toile ? »
J’acquiesçait d’un signe de tête et suivis Sarah dans une autre aile du bâtiment. Les couloirs étaient déserts, faisant résonner le claquement de nos pas. C’était étrange, car bien qu’on soit en pleine journée, j’avais l’impression d’avancer dans un tunnel.
Sarah ne courrait pas, comme si elle craignait d’arriver. A chaque pas je sentais que son souffle se serrait. A mi-chemin elle s’arrêta et se tourna vers moi :
« Ecoutez… j’suis bête je ne vous ai même pas demander votre prénom… Ce qui va suivre est vraiment moche et… je me sens pas de vous lancer la dedans sans vous en dire plus… »
Ce changement de ton me fit l’effet d’une douche froide saupoudrée généreusement de grosses louches d’angoisse.
« Le patient qu’on va voir là est un petit garçon de 4ans atteint d’une maladie qui affecte ses fonctions cérébrales et… toute la famille est là pour lui dire au revoir. Moi je vais m’occuper des grands mais… si vous pouviez m’aider avec les petits je… je te revaudrait ça Spidey ! »
Sans attendre de réponse, Sarah repris son chemin avec détermination dans le long tunnel de pénombre qui se dressait devant nous.
A quelque mètres de là, un enfant allait mourir sans qu’aucun super héros au monde ne puisse rien faire pour lui.
Pas même le super Dr Eliott.
Et moi, moi j’étais un mec en costume rouge avec une cagoule aux grands yeux blancs, en train de me demander qu’est ce qui avait bien put se passer pour que j’arrive là.
Dans quelques pas, je serais face a tous ces inconnus, et je vais devoir les soutenir autant que possible tandis qu’ils vivront une perte incommensurable. Sarah me prit le bras et m’encouragea… à moins que ces mots ne fussent pour elle-même ?
« Allez… il faut être là pour eux ok !? c’est rien que pour eux … rien que pour eux… »
Et puis je compris que interne de 2eme année ça ne vous donnais pas assez d’expérience pour vivre un truc pareil. Qu’elle avait peur, qu’elle était triste, parce que sans doute que ce gamin dans la pièce d’a côté, elle l’avait déjà vu, et qu’elle l’avait trouvé adorable et attendrissant. Ca faisait tout juste 2 heures qu’on se connaissait avec Sarah, mais j’avais déjà tout compris d’elle, et de pourquoi elle faisait ce métier malgré la boule au ventre, la peur et les échecs… Sarah Eliott faisait ce job parce qu’il le fallait, parce que quelqu’un devait être la pour ces choses là, pour soutenir les gens quand le monde entier se casse la gueule et leur tombe dessus. Et même si ça la faisait souffrir, elle enfilait son masque de médecin dynamique, souriante et optimiste, et elle montait au front pour mener des combats perdu d’avance.
Oui, je sais ça peut sembler terrible de dire ça, mais les médecins ne font que gagner du temps dans ce genre de situation. Il suffit a la Faucheuse d’être patiente, et elle gagnera la partie.
Sauf que Sarah savait tout ça, et elle montait au créneau malgré tout. Gagner du temps, atténuer la peine, c’était ça son job. Je ne suis pas très calé dans le domaine, mais il me semble bien que la promesse du serment d’Hippocrate, c’est « protéger de la souffrance ».
Tandis qu’elle avançait devant moi, je sentais que ses épaules se redressaient presque imperceptiblement. Sa respiration se calmait, son regard devient fort et direct. Oui je sais que je ne devrais pas pouvoir décrire son regard si elle est devant moi : mais croyez moi je le sentais, c’est mon intuition qui me le disait… mon « sens d’araignée ».
Lorsque nous arrivames enfin a destination, je faillit tomber des nues : ce n’était pas un groupe d’une dizaine de personnes, mais plutôt cinquante qui nous attendaient. Voyant Sarah, ils se précipitèrent vers elle pour la bombarder de question, mais d’un signe de tête et d’un geste de la main, elle stoppa la foule comme si elle avait dressé un champ de force infranchissable devant nous. Sa voix se mit alors a rugir avec force pour réclamer le calme. En un instant le silence arriva.
Sarah expliqua aux parents que j’étais là pour m’occuper des enfants et pendant que nous serions dans la pièce d’à côté, elle répondrait à leurs questions.
Elle m’ouvrit la porte de ce qui ressemblait à une salle de jeu, et me donna une tape d’encouragement. J’avais envie de lui retourner ce geste, car il était évident qu’elle aussi avait besoin de courage, mais j’eut à peine le temps d’y penser qu’une douzaine de gamin de 5 à 15 ans entrèrent, m’obligeant à les suivre.
Les ados semblaient très émus, bien assez grands qu’ils étaient pour comprendre toute l’horreur de la situation tout en étant encore très fragile émotionnellement. Mais c’était tous des braves gosses qui faisaient front pour ne pas retransmettre leur tristesses aux plus petits qui eux réagissaient surtout par empathie.
Au début, je voulu les distraire en faisant le pitre, mais ce n’était pas de ça dont ils avaient besoin. Alors je leurs proposait simplement de nous asseoir en cercle sur le grand tapis de jeu en feutrine multicolore, et de parler.
Ca fait drole d’entendre un enfant d’a peine 8 ans vous raconter qu’il est triste parce que son cousin va mourir. Je béni mon masque qui m’offre le luxe de pouvoir relâcher un peu la pression en sanglotant silencieusement sans que ça ne se voit trop.
Ils me posent des questions auquel je ne peux donner aucune réponse. Ils veulent savoir s’il va monter au ciel, ou bien s’il va devenir un fantôme qui pourra leur rendre visite…
Même pour ce genre de situation horrible, les mômes arrivent à vous dire des trucs supers mignons.
« … vous savez les enfants, un jour j’ai perdu ma meilleure amie dans un accident. Bien sûr j’étais très triste… et pendant longtemps je me suis senti très seul. Et puis un jour, j’ai reçu un coup de téléphone, un truc bête et vraiment pas important, mais il se trouve que je devais noter un truc et… y’avait un bloc et un crayon juste à côté du téléphone. C’était elle qui l’avait mis là parce que je cherchais toujours un papier et crayon partout dans l’appartement »
Je repris une respiration pour laisser passer la boule dans ma gorge.
« … elle était là en fait, juste à côté de moi, dans chaque chose qu’elle a laissé dans ma vie, mais aussi dans tous ce qu’elle à laissé dans mon cœur. Des sourires, des moments de joies… toute cette part d’elle je l’avait en moi depuis toujours. Et je pense que là c’est pareil pour votre cousin… votre ami… il ne cessera jamais d’être avec vous. En grandissant, il va vous donner de la force quand vous vous sentirez perdu. Il est déjà dans votre cœur, prêt à sortir de temps en temps pour se rappeler à vous. Et si vous pensez à lui, même si c’est un court instant au milieu d’un rêve, vous pourrez partager encore des choses avec lui. Mais vous devez aussi accepter qu’il a maintenant besoin de partir, pour ne plus être malade et ne plus souffrir. »
Les gamins étaient silencieux. Certes ils étaient toujours tristes, mais leur souffrance semblait moins violente.
« Dites les amis, vous voulez bien me parler un peu de lui ? comme ça moi aussi je pourrais l’avoir un peu dans mon cœur avec vous ? »
Et tous les enfants se mirent à me raconter qui était Joshua, leur cousin, leur ami, le petit garçon qu’il babysittait, le plus adorable des bambins…
*****
Le moment fatidique arriva : Joshua était parti sans souffrance, entouré de l’amour de ses proches. Sarah et moi avions fini note mission, et il nous fallait maintenant laisser cette famille faire son deuil.
A bout de nerf, nous restames tous les deux dans la salle de jeu le temps de nous remettre. Sarah avait fini sa garde depuis presque une heure, mais elle n’avait pas la force de bouger, bouleversée qu’elle était par la mort du petit Joshua.
« Ca va aller doc ? lui demandais-je inquiet.
– Je…je crois pas, dit-elle du bout des lèvres. La bonne nouvelle c’est que mon patron dit que c’est bon signe si ça me fait encore mal : ça veut dire que j’ai encore un cœur.
– Je comprend… mon oncle Ben me disait souvent : « Peter : pour être un homme il faut qu’avec le temps tu ais l’œil sec, mais que ton cœur reste tendre… » Sacré Ben… il avait toujours des dictons pour tout…
– Votre oncle s’appelle Ben… et vous Peter ?
– Oui je sais c’est bizarre hein ? »
Un ange passa.
« Peter ? demanda Sarah
– Oui ?
– Merci d’avoir été là pour les gamins. C’est important pour eux qu’un ami soit présent pour les soutenir. Et vous… vous êtes plus que ça : vous êtes un héros, vous leur donnez de l’espoir.
– Oh vous savez… j’ai rien fait de….
– Oui mais vous l’avez fait. C’est ça qui compte vraiment. C’est ça qui fait de vous un héros… ça et le super costume…
– Il est chouette hein ?
– Et permettez-moi de vous dire que vous lui rendez hommage » ajouta Sarah avec un petit rire.
– Dites Doc… vous pensez que je pourrais revenir un autre jour ? y’a plein de gamin que j’ai pas vu et… je voudrais bien voir Austin pour son projet d’armure super high tech…
– Ah oui c’est vrai que vous êtes aussi un génie normalement ?
– C’est-à-dire ?
– Ce n’est pas vous qui avez inventé vos lances toiles ?
– Ah non, moi je suis la version Sam Raimi, celle avec de la toile organique… nan et puis un lanceur de toile officiel ça coute une fortune !
– Hum c’est vrai que ce n’est pas avec ce que vous paye le Buggle que vous aller rouler sur l’or, ajouta Sarah
– J’aurai dut faire médecine…
– Oui mais oncle Ben vous l’a dit : un grand pouvoir…
– … implique de grande responsabilité. C’est vrai… »
Sarah prit son courage à deux mains pour s’extirper de son siège malgré la fatigue qui lui tordait les muscles. Elle s’étira de tout son long puis en un éclair remis son masque de super docteur Eliott, sourire aux lèvres et dynamisme dans la voix.
« Allez Spidey ! me dit elle avec entrain, ça vous dirait de prendre un café avec moi… je suis vidé mais j’ai pas envie de rentrer chez moi tout de suite ? »
…. Et c’est comme ça que ce termina ma première journée a rendre visite aux enfants.
Mais du coup je sais que vous vous posez une question. Est-ce que je suis Spiderman ? je veux dire le VRAI homme araignée, avec les supers pouvoirs et tout le toutim ?
Peut-être suis-je juste un mec avec un costume qui fait bien illusion ? peut être que je suis un super héros venu d’une autre réalité et qui mène une vie tranquille dans un monde où il n’y a pas de super vilain à combattre ?
Mais du coup… est ce qu’il y’a bien une vraie docteur Sarah Eliott ? et le petit Austin ?
Je ne suis peut-être que le fruit de l’imagination d’une petite fille qui à croisé un homme en costume de Spiderman et qui à fait une photo avec lui en allant au parc avec Papa et Maman ?
On est peut-être tous des Spiderman, des héros, des enfants qui ont besoin de rêver…
Et peut être que c’est oncle Ben qui a le fin de tout ça quand il me disait « Peter : quand le sage montre la Lune, ne regarde pas son doigt… »
Sacré oncle Ben…