C’est pas moi qui le dit, c’est la radio. Parce que figurez vous (et je sais que cet exercice de style vous siée à ravir) que j’écoute assidument la radio, que ça soit le matin au réveil pour me désoxydé les cerveaux (le droit ET le gauche) des sottises que j’avais entendu la veille, et aussi pour essayer de faire rentrer un peu de cette foutue actualité dont tout le monde parle et que je parvient jamais a comprendre du premier coup.
La radio disais-je.
Un énième fait divers (remarquez c’est de saison) frappait l’opinion et l’homme de la rue, avec la terrible histoire d’une jeune fille agressée par un maniaque. Le journaliste d’un ton dur mais plein d’une ferme confiance en la raideur de la justice, débattait de la question avec un chroniqueur dont la répartie était tout aussi inflexible envers le criminel que celle de son collègue. Cependant, et je ne comprenait vraiment pas pourquoi, l’un comme l’autre s’obstinait a parler de la victime qui s’était faite agresser.
Toujours partant pour me livrer aux plus durs exercices de représentation mentale, je tentais de m’imaginer la scène en respectant les indications des deux brailleurs du poste. C’était assez étrange, comme un film de David Lynch, mais sans bande son. Il y’avait là une jeune fille, belle et fraiche comme un dimanche à Bamako. Cette jeune fille donc, dont le doux visage diaphane était encadrée par une crinoline de fin cheveux aux reflets blonds et chauds, se tenait là, fixe au milieu du trottoir tandis que les passants, digne de leur sobriquets, passaient mollement, comme s’ils ne la voyaient pas. La pauvre enfant, sans doute meurtri par cette indifférence, empoigne la première silhouette qui passe :
“Ah monsieur” lui dit elle pleine de confiance en la charité chrétienne “Monsieur je vous prie, pourriez vous me gifler violement en me traitant de chienne ?”. Dressant sourcils et plissant les lèvres, l’immonde salopard de vieux grincheux retire son bras de la main de la demoiselle. Elle insiste “Monsieur, s’il vous plait, plaquez moi juste contre le mur en tirant mes cheveux : ça me dépannera au moins une heure et ne vous prendra qu’un instant”. L’homme réajuste son béret couleur olive, et reprend son chemin en maugréant quelques inconvenantes paroles a l’encontre de cette sotte qui osa l’importuner pour quémander quelque faveur de sa part. Le vieux avait bien assez de sa femme a houspiller et de sa propre fille à gifler a l’heure du souper venue.
La jeune fille garde espoir, elle le sait, là, au fond de son petit cœur dissimulé sous son gros pull de laine blanche a mailles tressées, elle sait que quelqu’un, peut être ce monsieur qui passe dans son Audi TT en réajustant sa casquette Lacoste, ou même ce jeune adolescent a la démarche floue dont le pantalon flotte a mi course, indécis entre l’aine et les genoux, oui ! l’un d’eux forcement l’aidera, et lui donnera la torgnolle dont elle à tant besoin. Si d’aventure elle remarque que son sauveur est bel homme, elle lui proposerait même la bagatelle, car après tout, il serait bien normal de lui rendre quelques politesses pour ses bienfaits…
En finissant cette scène dans ma tête, je ne put retenir un “mouaif” d’insatisfaction. Car quand bien même un monsieur aurait la gentillesse de gifler et insulter une jeune fille qui le lui demande, aurait il le temps d’accepter par pure politesse, ne serait ce que la moindre petite fantaisie buccale ? Evidement non, un homme moderne est à l’efficacité ce que le Soleil est au ciel : une évidence ! et un homme moderne ne saurait donc sacrifier a son temps précieux pour badiner avec une jeune Sabines à la joue rouge, alors qu’il lui reste 5 tableaux Excel à éplucher pour finir le dossier de monsieur Roucardeau.
Mais alors qu’elle sortisses m’avait encore dite la radio ? il n’existerait donc pas de jeune fille, belles et mutines, coquines et provocantes, qui eussent couru les rues à la recherche de quelques aventures avec un inconnu baroudeur au fier visage de prince pirate ?
Je vis soudain la vraie scène dans ma tête, celle bien moins drôle que l’autre, mais malheureusement bien plus réel. Encore aujourd’hui, on à l’impression qu’être une victime ressemble à un choix de carrière. “Je me suis fait racketer” dit l’enfant revenant de l’école sans son blouson, “je me suis fait renvoyer” dit l’ouvrier sorti de son usine bien avant l’heure, “je me suis fait violer” dit l’adolescente en pleurs blotti dans les bras de sa meilleure amie.
Le plus grand mal des victimes voyez vous, c’est qu’au delà de la souffrance physique ou morale, ils pensent en être les responsables…
3 commentaires
Le propos est un peu hors de propos (en effet la langue française contient des tournures de phrases très (trop) alambiquée mais qu’elle est jolie à entendre (et dure à apprendre)), mais c’est beau comme un plateau de fromage et un vin chaud après une belle journée de ski.
Oui le titre tape un chouilla a coté du sens profond de mon article, mais que veux tu : je ne sais pas resister à une phrases bien roulé et dont les mots sonnent comme une roucoulade langoureuse à mes esgourdes.
Je connais en effet tont goût pour ce genre de plaisirs simples et fantaisistes