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Highway to Hell
Le sol rocailleux et sec de la plaine était parcouru par un vent chaud qui avait là toute la place qu’il voulait pour s’élancer. Çà et là, d’immenses statues de guerriers antiques s’arrachaient du sol, culminant à plus de 100m de haut, la plupart encore entourée par des échafaudages où s’activaient des ouvriers zélés.
Le ciel, bleu et parsemé de nuages d’un blanc cotonneux, aurait été parfait s’il n’y avait pas eu cette énorme faille dimensionnelle qui survolait la plaine comme une soucoupe volante, déversant de temps en temps des myriades de personne venu d’on ne sait où.
Étrangement, aucun ne s’éclatait comme un fruit trop mûr en touchant le sol.
Lorsqu’ils se relevaient, hébété et courbaturé, toutes ces gens semblaient surpris d’être là, pas tant par l’incongruité de ce lieu étrange, mais plutôt parce qu’en théorie il était tous mort.
Tous les groupes, formé d’un échantillon hétéroclite de la société, remarquaient qu’une large estrade de 15m de large avait été installé prêt de leur point de chute, et qu’un pupitre surmonté d’un micro y trônait. Une armature métallique formait un cadre à l’arrière-plan où était suspendu un grand rideau de velours rouge, ainsi que des hauts parleurs dont on voyait les câbles zigzaguer le long de l’armature comme du lierre sur un rebord de fenêtre.
Observons l’un de ses attroupements voulez-vous ?
La foule s’agglutina devant l’estrade, certain que quelque chose allait venir. Après tout c’est logique : une estrade ça sert à ça, et personne n’aurait déployé autant d’effort à installer une telle structure si ce n’était pas pour y faire quelque chose. En attendant, les gens discutaient, se demandant mutuellement « où sommes-nous ? » et se répondant au diapason « Bah alors là j’en sais fichtre rien ! »
Arriva alors un homme légèrement dégarni et portant des petites lunettes ronde à monture fine. Il avait la bouille sympathique des gros bébés aux joues pleines et aux pommettes saillantes, et aurait été plus que rassurant s’il n’avait pas eu la peau rouge vive et des petites cornes sur le crane.
Méthodiquement, il tapota deux fois sur le micro pour s’assurer que le son fonctionnait, et commença un discours que l’on devinait apprit par cœur sur un ton monotone :
« Bonjour à toutes et à tous, soyez les bienvenus dans l’antichambre de l’au-delà. Je suis Mattylidiladidadidoudi, démon d’accueil. Nous sommes ici dans la plaine du jugement dernier : veuillez nous excuser si les installations ne sont pas conformes aux descriptions des brochures, mais nous sommes encore en travaux… »
Matty marqua une petite pause car comme toujours à ce moment-là, tout le monde se mettait à regarder les statues alentours. Il reprit avec un ton un peu plus enjoué :
« Tout d’abord sachez que vous êtes bel et bien décédé : vos enveloppes charnels ont été laissé à la disposition des autorités compétentes. Pour ceux qui n’ont pas pu assurer la prise en charge de leur cadavre, sachez que nous disposons d’un service dédié à cet effet et dont les frais vous seront adressés ultérieurement. Sachez aussi que ces prestations de qualités professionnelles bénéficient de nos supers offres d’échelonnement de payement allant de 4 mois à l’Éternité… »
Comme prit d’un doute, Matty tira de la poche de son pantalon à pince gris clair, un petit bristol qu’il consulta en plissant les yeux avant de reprendre à nouveau :
« Pour les victimes de guerre parmi vous, veuillez vous adresser au guichet 7 à votre arrivée pour le recensement de vos membres : ça serait dommage qu’on vous recolle les bras d’un autre ! »
La perplexité du public ne fût pas une grande surprise pour Matty : au bout de quelques siècles à accueillir les morts, il savait parfaitement comment réagissait la foule des nouveaux venus. Comme à chaque fois, il leur laissa un peu de temps pour que l’information soit assimilée.
Il expliqua à la foule que chacun d’eux était destiné à une des trois zones : Paradis, Purgatoire et Enfer, selon ces actions dans sa vie précédente. Pas de bol : il précisa que puisque la faille dimensionnelle les avait déposés ici, c’est qu’ils étaient voués à la damnation.
La panique se répandit comme une traîne de poudre : devant l’inévitable, certains partirent en courant à l’opposé de l’estrade. Mais à peine eurent ils fait 50m que le sol d’argile sec se brisa, laissant paraître la bouche emplie de dent acéré d’un prédateur. C’était un Kraglad, une sorte de vers des sables géants qui se jetaient sur tous ceux qui essayaient de prendre la fuite.
Matty fit un signe de la main pour calmer tout le monde :
« Ne vous inquiétez pas : c’est juste un petit contretemps : ces personnes seront recraché par la faille dimensionnelle d’ici 24h. Vous êtes en Enfer ici : vous tuer ne vous libère pas »
Étrangement, certains furent rassurés par l’idée que quoi qu’il arrive il ne pourrait pas « mourir » dans le sens où on l’entend habituellement. Pas de néant éternel, c’était pour beaucoup plus qu’il ne pouvait en espérer.
Profitant de ce sentiment de soulagement, Matty repris son discours et expliqua les règles aux nouveaux. Chacun devait se présenter au pupitre, s’identifier, et recevoir un ticket de bus pour l’Enfer. Après quoi, chacun monterait à bord d’un des 666 bus qui attendaient derrière le rideau et qui les conduirait sur la route des Enfers jusqu’à Dis, la cité des Enfers.
Ça faisait beaucoup d’Enfers, mais unanimement la foule acquiesça et se mit en rang pour passer prendre un ticket. Durant l’attente, certains constataient que partout dans la plaine, à des dizaines de kilomètre d’intervalle, ce jouait la même scène : l’estrade, les Kraglad et surtout les bus.
Ceux-ci avaient fier allure, avec leur peinture rouge vive et les motifs de flammes sur les côtés. Les roues étaient d’un diamètre imposant et couverte de pic, et les pare choc étaient renforcé avec des têtes squelettique d’étranges créatures qui ne devaient clairement pas venir du monde des humains.
Chaque bus avait son chauffeur qui accueillait ses passagers avec plus ou moins de bonne volonté : entre ceux qui n’en avait rien à faire, ceux qui brutalisaient les nouveaux venus à coup de fouet enflammé et ceux qui distribuait des petites brochures informatives : y’en avait pour tous les goûts.
Kurt, son billet en main, se dirigea vers le bus 404 comme il était mentionné. Hagard, le jeune garçon de tout juste 18 ans semblait sous l’effet de psychotrope, marchant d’un pas mécanique, les yeux rouges et les cheveux ébouriffé.
La chauffeuse du bus 404, une démone à la peau bleue et aux yeux jaune scintillant, l’agrippa in extremis alors qu’il allait s’écrouler.
« Hey : ça va ? C’est quoi ton nom ?
– Je… je m’appelle, Je… Kurt ! Je m’appelle Kurt !
– Salut Kurt : moi c’est Nelkykikakokan, démone de la vitesse, mais tu peux m’appeler Nel
– Je… qu’est ce qui m’arrive ?
– C’est rien : ça arrive souvent aux gens qui meurent d’avoir des symptômes comme ça, mais t’en fais pas ça va passer. Tu me fais voir ton billet ? Ok, ça à l’air nickel »
Avec bienveillance, Nel aida le jeune homme à monter dans le bus et l’installa sur la banquette du fond. Elle demanda aux autres passager de le tenir à l’œil et de la prévenir s’il y’avait quoi que ce soit et retourna à la porte du bus prendre en charge les autres passagers.
A sa grande surprise, arriva devant elle un couple de petit vieux nommé Tom et Dana Jones. Ils se tenaient la main comme des gamins, et avaient un énorme sourire, visiblement trop content de franchir les portes de l’au-delà ensemble. Nel les trouva tellement chou qu’elle leur demanda la permission de les prendre en photo avec son téléphone ce qu’ils acceptèrent avec amusement.
Arriva ensuite Mélissa, une femme d’une trentaine d’année au teint blafard qui semblait fascinée par tout ce qu’elle voyait. Elle toucha des deux mains la carrosserie du bus puis y plaqua son oreille en faisant un signe « chut » avec le doigt. Nel n’osa pas trop la déranger mais la pressa de monter. Mélissa lui expliqua que le bus avait quelque chose à lui dire : il fallait qu’elle soit plus délicate avec le pistolet de la station-service. Nel préféra chasser cette image de sa tête mais ne put s’empêcher de laisser s’échapper un petit rire.
La démone avait une voix très cristalline pour un ange des ténèbres, ce qui lui valait les moqueries de ses camarades qui eux avaient plutôt des voix grésillantes de chanteur de métal.
Le dernier passager qui se présenta était un asiatique à la carrure impressionnante. Il ne portait qu’un pantalon et une paire de chaussure de sécurité, ce qui laissait voir sa musculature parfaitement dessiné, et superbe tatouage en forme de dragon qui occupait tout son dos et dont certaines parties débordaient sur ses épaules.
« Bonjour ! » dit Nel avec son enthousiasme habituel « Bienvenue dans le bus 404 en direction de Dis ! pourrais-je voir votre ticket s’il vous plait ? »
L’asiatique resta immobile, son ticket dans la main droite. Il défiait Nel du regard, mettant la démone très mal à l’aise.
« Euh… monsieur ? »
L’homme au tatouage répondit dans une langue inconnue de Nel. Visiblement il y’avait eu une erreur d’aiguillage.
En effet, l’au-delà avait organisé les équipes de transit vers les différentes zones de façon à ce que les démons / anges en charge du processus puissent gérer facilement les personnes. Mais de temps à autre, une personne se retrouvait mal orienté et était largué à un point de récupération où on ne parlait pas sa langue. Cela arrivait souvent lorsqu’une personne mourrait dans un pays étranger.
Nel compris vaguement que l’homme au tatouage s’appelait Wulong (bien qu’au début elle ait cru qu’il voulait une tasse de thé). Avec moult geste elle parvint à lui faire comprendre qu’il devait monter dans le bus, ce qu’il fit sans discuter avec une discipline toute asiatique (bien que ça soit un cliché que Nel ne voulait pas entretenir plus que de raison).
Sa liste complète elle monta à bord et salua ses passagers via le microphone installé sur la console de commande du bus :
« Bonjour à tous : bienvenue sur la route de l’Enfer ! Je m’appelle Nelkykikakokan, mais vous pouvez m’appeler Nel ! Je serai votre chauffeur pour toute la durée du trajet qui est d’environ 6 300km… »
Les passagers estimèrent donc qu’ils allaient faire l’équivalent d’un voyage New York / Los Angeles, ce qui était métaphoriquement une assez bonne représentation d’un parcours vers l’Enfer.
Nel repris avec professionnalisme :
« Durant le trajet je vous donnerait un maximum de détail sur votre séjour et tous les bons coins à connaitre : avant même d’arriver vous serez aussi calé sur l’Enfers que des vrais damnés du moyen âge ! »
Après les vérifications d’usage, car on ne badinait pas avec la sécurité, Nel ferma la porte du bus et distribua aux passagers une petite collation faites de barres chocolatés et de chips aux vinaigres. Elle s’installa au volant, régla ses rétroviseurs et la caméra de recul, puis s’assura que le déclencheur de son siège éjectable était bien armé.
Par la fenêtre, elle aperçut un magnifique aéroplane qui ressemblait à un oiseau fait d’or et d’argent, et dont les plumes brillantes reflétaient la lumière divine qui venait d’à travers les nuages.
« Mesdames et messieurs » annonça Nel avec une pointe d’aigreur « Sur votre gauche vous pouvez voir cette bande de branleur prétentieux d’élu de Dieu, faire route vers le Paradis à bord de cette machine ridicule… pfff : même pas 800 bornes et ça à besoin d’un avion ! Et après ça vient dire que la paresse est un pêché ! »
La démone fit rugir le moteur qui gronda comme un dragon. Les pots d’échappements en chromes brillant lancèrent de larges flammes sur flanc du véhicule qui s’élança dans un crissement de pneu inexplicable… oui parce que normalement pour ça fasse ce bruit il aurait fallu un sol avec du bitume, et pas une espèce de plaine poussiéreuse… ça vous choque pas plus que ça ?
***
La première journée de voyage se déroula sans encombre. Les passagers étaient admiratif du paysage et apprenaient à faire connaissance : après tout, vu l’éternité de damnation qui les attendaient un peu de compagnie ne serait pas du luxe.
Nel chantait des chansons afin d’apprendre aux nouveaux venus les rudiments du langage démoniaque. Mélissa s’avéra une élève douée, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire elle avait appris par cœur une chanson démoniaque bien connu chanté sur l’air de « Kickstart my heart » de Motley Crew dont elle reprenait le refrain à tût tête.
« Woooo ! Yeaaah ! On est sur la route, prêt à être damné ! Woooo ! Yeaaah ! Ça nous fait par peur ! L’Enfer on connait ! »
Cette ambiance bonne enfant amusait aussi Tom et Dana qui n’avaient pas autant rigolé depuis leurs jeunes années, lorsqu’ils manifestaient pour les droits civiques en 1954.
Même l’impassible Wulong dodelinait de la tête en rythme, tapant la mesure du plat de la main.
C’est à ce moment que Kurt sorti de sa léthargie.
Il observa les passagers du bus, puis se précipita contre la vitre pour regarder alentour : rien que le vide poussiéreux et infini de la grande plaine. Il ne cessait de répéter « oh non… oh non… » la voix pleine d’angoisse.
Kurt traversa l’allée centrale du bus et demanda à Nel de s’arrêter.
« Hey ? Kurt ! » réagit la joviale démone de la vitesse « tu vas mieux ? Je me faisais du souci pour toi tu sais ?
– Il faut qu’on s’arrête on a oublié quelqu’un !
– Ah ? Mais qui ça ?
– Cassy, ma petite amie ! Elle était avec moi quand… »
Nel cala le volant avec ses genoux et attrapa son registre. Sans même regarder la route (ce qui semblait inutile vu que tous les bus avait fini par s’éloigner les uns les autres dans la vaste plaine et qu’il n’y avait aucun obstacle à perte de vue) elle feuilleta les pages, cherchant du doigt le nom des voyageurs.
Tournant sa tête à 180 dégrée, Nel se mit à compter à haute voix les passagers, puis une fois son compte fini, s’adressa à Kurt en toute innocence :
« Non pas de souci : tout le monde est là !
– Mais Cassy ! Où est-elle !?
– Je n’en sais rien, mais il n’était pas prévu qu’elle soit là en tout cas !
– Quoi ? Mais… mais c’est pas possible… je… »
Kurt retourna s’asseoir à l’arrière, totalement apathique.
Tom et Dona lui adressèrent un regard plein de compassion, puis le vieil homme s’installa à côté de lui.
« Salut… Kurt c’est ça ? Dis-moi petit, j’ai entendu ce que t’as dit à Nel et… je suis sincèrement désolé pour toi.
– Qu’est ce qui c’est passé putain ? J’étais en train de lui parler et… qu’est-ce que je vais devenir sans elle ?
– Elle… elle est morte avec toi ? Je veux dire, vous avez eu un accident ou un truc dans le genre ? »
Kurt fixa le vide, les yeux exorbités. Il s’agrippa le crane des deux mains et se recroquevilla doucement.
« Je… j’en sais rien ! Je sais plus putain : c’est le trou noir ! »
Dana de son côté ce dirigea vers Nel pour l’avertir de l’état du jeune homme.
« Nel ? excusez-moi de vous déranger mais je pense que ce jeune garçon, Kurt… il ne va vraiment pas bien…
– Oh ? hum… c’est gênant. Et qu’est-ce qu’il a ? » demanda naïvement Nel.
– Visiblement c’est sa petite amie qui lui manque : vous savez si elle est morte avec lui ? »
La démone fit signe de la main à Dana d’approcher, puis lorsque celle-ci se fut exécutée, elle lui susurra :
« Y’a des chances qu’elle soit parti avec l’avion de tout à l’heure… »
Dana porta sa main à la bouche comme pour retenir la stupéfaction qui venait de la saisir. Elle jeta alors un coup d’œil en direction de Kurt que Tom essayait de réconforter du mieux possible. La vieille dame ne pouvait que trop bien comprendre la peine que ressentait le jeune garçon : qu’aurait elle fait ici sans son mari a ses côtés ?
Nel l’invita à garder cette information pour elle et d’essayer autant que possible de ne pas donner du grain à moudre à la morosité de Kurt.
Dana s’installa près du jeune garçon, du côté opposé à Tom. Elle repensa à son propre fils, Jeff, et à sa belle-fille Andréa. Ces deux-là s’aimaient comme pas possible, alors comment réagiraient-ils le jour où l’un des deux mourrait ? En regardant Tom, Dana comprit la chance qu’elle avait d’être avec lui-même dans la mort. Tous les autres, Kurt, Mélissa et Wulong, étaient seuls et abandonnés à leur sort.
Finalement, il n’y avait que la gentille Nel pour s’occuper d’eux.
« C’EST LA PAUSE ! » hurla cette dernière en pilant net ce qui fit se dresser l’arrière du bus et se soulever une montagne de poussière. Lorsqu’elle retomba, les passagers purent voir qu’ils étaient arrivés dans une petite station-service a l’étrange nom de « SandCastle »…
Nel expliqua aux passagers qu’ils avaient droit à 15min de pause pour se dégourdir les jambes et prendre des boissons dans la station-service. Pour le payement, Nel leur recommanda d’utiliser comme monnaie un de leurs souvenirs heureux. Cela leur donnerait d’une part la possibilité de faire des achats (puisque aucun d’eux n’avait de dollars infernaux) mais aussi de se débarrasser d’une chose très encombrante en enfer, à savoir le souvenir de leur ancienne vie.
Tous refusèrent… enfin on suppose que pour Wulong il s’agissait plus d’une incompréhension que de refus stricto senso.
Nel tira le pistolet de la pompe et commença à faire le plein du bus, non sans se rappeler ce que lui avait dit Mélissa avant le départ. Elle glissa donc très doucement le pistolet dans la fente du réservoir.
Le glouglou monotone de la pompe qui déversait son nectar dans le réservoir fût soudain couvert par un lourd bruit de moteur qui attira l’attention de Nel. Avec empressement, elle appela tout le groupe :
« Hey les amis ! » hurla Nel « ramenez-vous vite par ici s’il vous plait ! »
Tous obéir, à part Kurt qui était resté prostré à l’intérieur. Wulong s’approcha lui aussi, mais sans doute plus pour faire comme tout le monde que réellement parce qu’il avait compris.
« Vous voyez ce qui arrive par là-bas ? » demanda Nel
– La grande poussière ? » dit Mélissa « Elle va nous manger ?
– Euh bah ça se discute tu vois » répondit la démone « Ce sont des chasseurs d’âmes : ne les laissez surtout pas vous embrouiller ok ? Sinon vous allez avoir des ennuis ! »
Tous acquiescèrent et retournèrent marcher un peu.
Tandis que Nel finissait son plein et replaçait le pistolet sur la pompe, les chasseurs arrivèrent en trombe, se plaçant devant le bus comme pour lui barrer la route. Ils étaient trois, chevauchant d’énormes motos à tête de dragon, recouvertes de piques rouillés et de lames sanguinolentes. Nel les interpella sans trembler :
« Hey les abrutis ! Barrez-vous de mon bus chemin si vous voulez pas que je bousille vos trottinettes !
– Oula ! Doucement ma mignonne » dit l’un des démons dont la peau était toute couverte d’écaille rougeâtres. « On a parfaitement le droit d’être ici. On propose des supers affaires à tes passagers c’est tout !
– Et si je faisais passer mon poing dans ta gorge jusqu’à ton colon ? Ça serait une bonne affaire pour qui d’après toi ?
– Arrête de te la jouer : tu sais très bien que t’as rien à dire ! »
Effectivement, les chasseurs d’âmes avaient parfaitement le droit de sillonner le territoire neutre de la plaine du Jugement Dernier pour proposer des contrats aux âmes des défunts qui n’avaient pas encore fait allégeance aux anges où aux démons. Les conducteurs des bus ne devaient pas interférer, tout au plus avaient ils le droit de mettre en garde leurs passagers comme Nel l’avait fait plus tôt.
L’un des démons descendit de moto et fit quelques pas vers les passagers qui étaient sur le point de remonter dans le bus. Il portait une grande veste de cow boy en cuir et un chapeau qu’il avait surement extorqué à Slash des Gun’s And Roses (car sachez-le, ce dernier était en réalité un démon du heavy métal). Il s’alluma un gros cigare tout sec dont la fumé acide format une épaisse fumée noire et commença son speech avec le même ton qu’un marchand de potion miraculeuse.
« Bonjour à tous messieurs dame ! » dit le démon « je suis Rickardanrastrastopheles, et je représente des groupes d’intérêt privé qui souhaiteraient vous permettre de faire fructifier votre capital en vous proposant des offres si exclusives qu’elles sont prohibées en Enfer. En effet, ces contrats surpassent largement ceux qui vous seront proposés à Dis, mais malheureusement nous n’avons pas le droit de vous les soumettre là-bas… clause de non concurrence soit disant… enfin bref, si certains d’entre vous ont des souhaits à exaucer, nous vous proposons une étude rapide en 5min et un devis sans engagement de votre part ! »
La petite troupe était sur la défensive : l’avertissement de Nel avait fait son petit effet. Mais c’est alors que Kurt fit son apparition dans l’encadrement de la porte du bus…
« Hey ! Vous là ? Rick machin chose… c’est vrai ce que vous dites ? Vous pouvez exaucer un vœu ?
– Mais bien sûr mon gars, c’est notre job ! Pas vrai les gars ? » demanda Rick à ses camarades.
Les deux chasseurs d’âmes secouèrent la tête en cadence et firent un signe du pouce pour montrer que tout était cool. C’est bien connu, les humains se rassuraient plus facilement quand on faisait ce geste là (du moins c’est ce qu’il pensait après avoir regardé une dizaine de fois tous les épisodes de la série « Happy Days »).
« Ça serait quoi ton vœu petit ? » demanda Rick un grand sourire aux lèvres
« Je… je veux retrouver ma copine… je veux qu’on soit ensemble !
– Ah ah ! C’est tout ? Mais mon p’tit père ça c’est rien du tout pour des gars comme nous ! Ton vœu on va te l’exaucer en 5min montre en main ! »
Nel s’interposa et attrapa Rick par le col de son blouson de biker.
« Écoute-moi bien gros balourd ! Le p’tit est un peu chamboulé, alors tu vas pas lui faire ton numéro de baratineur pigé ?
– Nan mais elle va me lâcher la terreur du volant !? J’ai le droit d’exercer et…
– Trouve toi une autre proie !
– Et comment je…
– Comment tu feras ton business si je te cloue à l’avant de mon bus et que je t’utilise comme bélier pour écraser les Kraglad ? »
Nel entendit un cliquetis métallique venant de sa droite. L’un des chasseurs avait sorti un fusil à canon scié et le pointait en direction des passagers.
« Tu fais quoi là ? » demanda Nel inquiète
– A ton avis ? Je la joue stratégique… mesdames et messieurs, permettez-moi de vous initier à nos règles. En tant que démons, moi, mes camarades et la petite demoiselle ici présente ne pouvons être tués au sens où vous autres mortels l’entendez. Cependant, vous autres, si vous êtes tués, vous repartez immédiatement dans le vortex pour être à nouveau largués au beau milieu de la plaine. Evidemment si cela arrive, votre chère conductrice ne pourra pas faire demi-tour et vous serez obligé d’attendre le prochain bus en évitant les Kraglad… si ces derniers vous mangent… rebelote dans le vortex et ce jusqu’à ce que vous tombiez sur un bus. Croyez-moi ça peut prendre du temps. Alors vu que la diplomatie ne vous convient pas, je vais être un peu plus direct ! Faites un vœu n’importe lequel je m’en fiche, mais vendez nous vos âmes ! »
Rick repoussa Nel d’une pichenette et attrapa dans l’une des grosses sacoches de sa moto une pile de contrat qu’il distribua à Tom, Dana, Mélissa, Kurt et…
« Bah… il est passé où l’asiatique ? » demanda-il en se tournant vers ses associés.
Ces derniers étaient toujours juchés sur leurs motos… mis à part qu’il leur manquait la tête.
Le temps de comprendre, Wulong était déjà en train de le chargé, un katana à la main, prêt à frapper un coup décisif.
Rick s’écroula par terre et se roula en boule : tout démon qu’il était, le combat n’était clairement pas son fort (ce qui avait fait de lui un chasseur d’âme tout trouvé puisque la majeur partie du boulot était basé sur le baratin) et il avait compris à qui il avait à faire.
Nel aussi de son côté avait fini par comprendre ce que Wulong faisait ici, et d’où il avait sorti un katana capable de trancher du démon. C’était tout simplement parce qu’il était un moine exorciste, et que son tatouage était le réceptacle énergétique de son arme forgé au feu de sa volonté.
La lame au fil si parfaitement aiguisé qu’on entendait l’air se déchirer dessus s’approcha de la tête de Rick, mais Nel l’interrompit :
« Bien joué Wulong ! T’es euh… subarashii ? Euh non ça je crois que ça veut dire délicieux… euh… saikyo ? Hein ?
– Saikyo dessu ? » demanda Wulong dont le nom à consonance chinoise ne laissait pas deviner qu’il parlait un japonais tout à fait convenable.
– Euh… oula t’emballes pas mon grand parce que les deux autres trucs que je sais dire en japonais c’est « je te prie de mourir avec ardeur » et « Non grand frère, pas là : c’est trop gênant »… Baisse ton arme s’il te plait hein ? D’accord ? »
Se basant sur les gestes que faisait Nel, Wulong comprit sa demande et relâcha sa posture de combat. Nel en profita pour aider Rick à se relever…
« Aller mon gros : remonte sur ta bécane et fou le camp d’ici avant que je dise à mon pote de te saucissonner façon tempura !
– Mais… les tempuras ce sont des aliments cuits dans une panure ? Tu veux pas plutôt parler de sashimi ?
– Oh ça va hein ! Je m’y connais peut être très mal en cuisine, mais toi et moi on sait ce qui se passera si jamais je le laisse te tailler en cube !
– D’accord d’accord ! Je m’en vais ! Mais qu’il reste tranquille ! »
Sans demander son reste, Rick monta sur sa moto et s’en alla à toute allure le plus loin possible du bus 404. Wulong passa alors son épée dans son dos, et aussitôt elle redevint son superbe tatouage. Il s’avança ensuite prêt de Nel et se mit à genou devant elle de manière très protocolaire. La démone ne sût pas trop comment réagir…
« Euh… Merci beaucoup Wulong : tu nous as bien aidé sur ce coup-là mais… euh, t’attends quoi exactement ? »
Mélissa posa ses mains sur ses épaules et sembla entrer en transe :
« Oh… je vois ! » dit-elle « il veut se repentir parce qu’en ne réagissant pas immédiatement à ton ordre il t’a déshonorée à cause de son impulsivité… il veut que tu le frappe et qu’ensuite tu l’attaches sur le toit du bus pour qu’il fasse pénitence un jour entier…
– T’arrives à voir tout ça rien qu’en lui tripotant les deltoïdes ? » demanda Nel curieuse « faut que tu m’apprennes ! »
Pendant que Nel et Mélissa essayaient de convaincre Wulong qu’il n’avait pas besoin d’une séance de bondage sur le toit du bus, et qu’il aurait largement le temps d’expérimenter des sévices imaginatifs une fois arrivé à Dis, Tom et Dana retournèrent auprès de Kurt. Ce dernier tenait dans ses mains un des contrats que les chasseurs d’âmes avaient perdu pendant l’affrontement et essayait vainement de le compléter en se servant du sang qui avait coulé des plaies des démons en guise d’encre.
Dana posa une main bienveillante sur son épaule et passa l’autre dans les cheveux du jeune garçon qui finit par sangloter bruyamment.
« Là… c’est fini mon grand. Nel a eu raison de ne pas nous laisser parler à ces charlatans.
– J’aurai pu la retrouvé… je… je peux sûrement trouver d’autres chasseurs…
– Il semble que monsieur Wulong soit une sorte d’exorciste : il n’en laissera pas un seul nous approcher…
– Il faut que je sache où elle est… si elle morte ou bien si… »
Nel se planta devant Kurt et le redressa sans ménagement, l’empoignant avec force.
« Ça suffit maintenant Kurt ! J’ai été sympa avec toi parce que t’as eu un réveil difficile, mais maintenant tu vas m’écouter okey ? J’ai vérifié dans les registres, et ta copine voyage en ce moment dans un bel avion fait d’or et d’argent conduit par des emplumés ! C’est une élue de Dieu, et elle va passer le reste de l’éternité au Paradis…
– Je peux peut être la contacter et…
– KURT ! TU NE LA REVERRAS PLUS JAMAIS ! »
Consciente de la violence de ses propos, Nel blotti la tête de Kurt sur son épaule.
« Pardonnes moi… j’aurais pas dû dire ça… Kurt je suis tellement désolée… »
Contrairement aux autres, c’est seulement maintenant que Kurt se senti mourir.
Le vide, le vrai néant, il venait de s’ouvrir béant dans son cœur et le laissait sans rien. Les souvenirs, les bons moments, la chaleur de son corps contre lui, le son de sa voix, sa façon de remettre ses cheveux derrière ses oreilles, son parfum sur les draps lorsqu’elle se levait avant lui, le claquement de ses pieds nus sur le carrelage, son regard beau à en crever quand il se voyait dedans et qu’il se sentait comme la personne la plus importante au monde parce qu’il pouvait exister dans ses yeux… tout ça c’était parti.
Aidé par Nel et Wulong qui le soutenaient, Kurt remonta dans le bus et s’effondra, pleurant comme un môme, hurlant des sanglots déchirant qui tiraillait l’âme de tous ceux qui l’entendaient. Tous reprirent place, mais la bonne humeur du départ laissait place à la mélancolie et à la tristesse…
***
La seconde journée fût morose. Personne ne parlait, personne ne bougeait de son siège. Même Nel pourtant joyeuse et enthousiaste par nature n’avait plus le cœur à s’amuser. Alors que le bus quittait enfin la plaine pour entrer dans le territoire des enfers, elle prit à peine le temps de raconter les anecdotes qu’elle connaissait sur « la mare des noyés bourrés à l’absinthe » ou sur « la montagne des espoirs déçu de gain au loto » qu’on voyait au loin.
Elle tira de sa poche un paquet de cigarette dont elle extirpa une tige du bout des dents. Elle l’alluma par pyrokinésie puis lança le paquet sur le tableau de bord. Nel s’était dit qu’elle aurait pu proposer une clope aux autres, mais elle n’avait pas assez de courage en elle pour fixer le regard des passagers. Ce qu’elle avait dit à Kurt avait foudroyé le jeune homme, mais indirectement cela avait aussi affecté les autres.
L’apparente folie de Mélissa ne faisait que cacher ce qu’elle redoutait : la perte de sa conscience. Typique des victimes de maladie du cerveau.
L’impassible Wulong lui avait sans doute réalisé qu’il serait toujours et à jamais un étranger perdu au milieu d’un monde qui n’est plus le sien.
Et que dire de Tom et Dana ?
On pourrait croire qu’ils étaient les plus chanceux, ensemble même dans la mort, mais la médaille à un revers : ils réalisèrent qu’en permanence ils vivraient dans l’angoisse de se perdre, ne profitant d’aucun moment de paix dans ce monde où on peut vous arracher aux vôtres et vous envoyer à des milliers de kilomètre de distance sans espoir de se revoir…
Au moins quand votre conjoint meurt sur terre, vous pouvez aller le voir au cimetière, lui rendre visite, lui apporte des fleurs et lui parler en murmurant. Mais ici c’est différents : si l’un des deux était « tué », il tomberait à nouveau au milieu de la grande plaine, à attendre le bus, espérant arriver à destination pour au final retrouver l’autre… mais était-ce seulement possible ? Nel leur avait expliqué que l’Enfer était si dangereux que les simples damnés ne pouvaient espérer y circuler sans risquer de se faire attaquer. Si vous aviez vendu votre âme c’était pire puisque vous ne pouviez quitter la zone qui vous était désigné en fonction de vos fautes. Et autant dire que les couples heureux n’étaient pas légion là-bas…
Est-ce que l’appréhension de perdre l’autre n’est pas infiniment plus cruelle et douloureuse que de le perdre vraiment ? C’est en tout cas ce que pensait Nel tandis qu’elle accélérait encore et toujours, cherchant dans la vitesse un défouloir, et dans le vrombissement assourdissant du moteur une façon comme une autre de ne plus entendre les lamentations de Kurt.
***
Le troisième jour, Nel décida de laisser le bus se conduire lui-même (ce qui n’avait rien de bien surprenant pour un bus infernal) afin de passer un peu de temps avec les passagers.
Elle remarqua dans un premier qu’un bien étrange duo s’était formé entre Mélissa et Wulong. Tandis qu’elle essayait de lui apprendre sa langue, ce dernier lui apprenait ce qui semblait être une technique de respiration. Sans vraiment se parler, ces deux-là avaient réussi à nouer des liens d’amitié bien réconfortant lorsqu’on fait route vers les ténèbres.
Kurt lui était toujours abattu malgré les efforts de Tom et Dana pour lui remonter le moral. La vue du vieux couple était douloureuse et lui rappelait qu’il ne reverrait plus jamais Cassy. Elle demanda au jeune homme si elle pouvait lui parler en privé. Ce dernier accepta mollement, et accompagna Nel sur le toit du bus via un escalier coulissant dissimulé dans le plancher.
Kurt découvrit qu’il y’avait une banquette escamotable installé sur le toit que Nel ouvrit après quelques efforts avant de se jeter dessus.
« Ah ! On est trop bien sur ce truc ! Je pourrais passer l’éternité vautrée là a manger des ChocoCroc et des glaces à la vanille ! »
La démone invita Kurt à s’asseoir et se mit à lui parler à cœur ouvert :
« Écoutes, je voulais te redire à quel point je suis désolé pour Cassy et toi. Mais tu sais ça arrive souvent que des gens soient séparés par la mort.
– Si c’est pour me faire ton baratin de démon c’est pas la peine ! Tu m’as privé de la seule chance que j’avais de…
– Oula oula arrête toi avant de dire quelque chose que tu pourrais regretter ! J’ai fait ça parce que je savais le genre d’entourloupe qu’ils allaient te faire… pfff, tu crois vraiment que des merdeux de seconds rangs comme eux aurait pu te ramener à elle ? Des démons qui pourraient amener un damné comme toi jusqu’à la porte du Paradis pour rendre visite à une Elue ? ha ha ! Quelle blague ! »
Kurt resta le regard dans le vague tout en parlant à Nel :
« Alors du coup il me reste quoi à faire ? Être privé d’elle ça va être ça mon châtiment éternel ?
– Y’a des chances. Je connais pas le détail de ton dossier, mais c’est une punition classique. Le prends pas mal mais… t’aurais pas été un gros connard avant de mourir ? »
Le jeune homme se pinça les lèvres : c’était difficile de faire preuve d’hypocrisie lorsqu’on roulait à tombeau ouvert en direction de l’Enfer…
« On se disputaient souvent ces derniers temps. Je lui disais qu’elle ne me comprenait pas, qu’elle m’empêchait de m’épanouir…
– Hum… ah ouais quand même : des belles conneries !
– Un soir je m’étais saoulé et… je suis passé la voir pour parler, histoire de remettre tout à zéro. J’ai voulu la forcer à m’embrasser. Elle s’est débattu alors je… je l’ai giflé…
– Ah d’accord ! Mais en fait fallait commencer par-là : évidement que tu vas en chier ici !
– Je sais que je la méritais pas… mais j’espérais qu’elle pourrait me pardonner… et je… c’est ma faute si elle est morte ! »
Nel resta interdite, attendant la suite de l’histoire avec anxiété.
« On était en bagnole, on s’est pris une autre voiture parce que j’étais tellement en colère que… merde putain : j’ai pas juste gâché ma vie je lui ai volé la sienne ! »
La démone se fit la remarque que Kurt avait sans doute aussi causé la mort des passagers de la voiture d’en face, mais préféra ne pas en rajouter.
« Kurt mon grand… c’est normal de s’en vouloir… et je dis pas ça pour t’excuser, parce que là ce que tu me décris c’est mon quota habituel de gros connard que je transporte tout le temps. Vous les humains vous êtes parfois incapable de réaliser la chance que vous avez d’être en vie, d’être ensemble, de pouvoir construire des choses… enfin tu me comprends ?
– Je crois…
– Mais bon voilà c’est fait ! T’es mort, elle aussi et maintenant tu dois assumer et faire face à ce qui t’attends. Tu vas finir en Enfer mon grand, c’est une certitude. Y’a pas de plan B, pas de sauvetage miracle, pas de rédemption. Tu y es et c’est comme ça. Par contre, là où tu as le choix et où tu peux faire la différence, c’est comment tu vas continuer ton existence de damné. Et moi je t’aiderai du mieux que je peux. D’accord ? »
Kurt acquiesça. Il avait du mal à soutenir le regard de Nel, et pas simplement parce que la démone était plutôt jolie ou bien parce qu’elle avait des yeux bizarres jaunes brillants. Il était tout simplement intimidé.
« – Hier à la station t’as dit qu’on avait intérêt à vendre nos souvenirs… tu crois que ça m’aiderai ?
– Tu ne penseras plus à Cassy, ni aux problèmes que vous aviez. Tu sauras pourquoi tu es là mais tu n’auras plus aucun sentiment. Ça sera déjà ça de moins à supporter…
– Tu es un démon non ? Donc tu pourrais racheter mes souvenirs ?
– En principe oui… mais t’es vraiment sûr de ça ?
– Non… mais ça me fait tellement mal que je ferais n’importe quoi pour que ça s’arrête. Et en même temps… est-ce que ça ne serait pas pire de continuer à exister sans son souvenir ?
– J’en sais rien bonhomme. Peut-être que tu devrais prendre le temps d’y réfléchir. Tu sais quoi ? Attends demain, et si tu es décidé à franchir le pas, alors je te débarrasserais de tes souvenirs avec plaisir… et je te ferai un prix d’ami !
– Merci Nel » dit Kurt en se blottissant contre la démone.
– Pas de quoi bonhomme… pas de quoi… »
***
Le reste de la journée fût éclairé d’un jour plus optimiste. Nel avait appris de nouvelles chansons démoniaques à la petite bande et Wulong, avec l’aide de Mélissa, raconta une blague très drôle à propos d’un chat qui souffre d’agoraphobie.
Tom et Dana racontèrent leurs souvenirs de l’été 1969, lorsque la fièvre hippie avait déferlé. Ils possédaient à l’époque un commerce de détail dans la ville de Kingstown, situé dans le même comté que Woodstock, qui avait été pris d’assaut par les festivaliers. Cela était dû au fait qu’ils étaient les précurseur dans la région du végétalisme et qu’ils proposaient déjà à l’époque des produits qu’on qualifiera aujourd’hui de « commerce équitable ». C’est alors qu’avec un talent insoupçonnable, Wulong fredonna dans sa langue la chanson « with a little help from my friends »
Le bus tout entier entonna cet hymne, dodelinant de la tête, et battant doucement la mesure.
***
L’arrivée était toute proche, et Nel continuait à prodiguer ses bons conseils aux passagers. Ne jamais faire de pari avec un démon d’Asmodée, ne jamais provoquer du regard un démon de la fureur, ne pas se laisser baratiner par les succubes, et surtout SURTOUT garder ses mains sur ses fesses lorsqu’on parlait à un démon téléporteur.
Cela faisait plusieurs heures qu’on pouvait apercevoir au loin une gigantesque cité aux tours cyclopéennes faites de pics aux courbes étranges. Mélissa demanda alors très sérieusement si le bus se rendait sur le tournage d’un film de Tim Burton.
Il s’agissait en fait de la cité de Last Cross : l’ultime carrefour avant Dis.
Construite comme une petite forteresse ceinturant la cité de Dis par le nord, Last Cross servait d’aiguillage entre l’Enfer et le Purgatoire. En effet, certaines âmes pouvaient prétendre à séjourner dans la zone du repentir, tandis que d’autres, suite à des résultats peu concluant, retombaient d’une strate pour finir en Enfer.
C’est le point de passage obligatoire des bus pour achever leur parcours, et un lieu critique pour les chasseurs d’âmes qui pouvaient y traquer ceux qui leurs avaient échappé dans le désert.
Nel arrêta le bus à environ 5km de l’entrée principale, puis elle monta sur le toit pour observer les alentours à la jumelle. Comme elle s’y attendait, les motards qu’avait décapités Wulong étaient là à les attendre pour se venger.
Car si tuer un humain dans ce monde le renvoyait sur la plaine du jugement dernier, tuer un démon l’expédiait illico presto dans les bureaux du service de gestion de l’incompétence situé à Dis… et autant dire que c’était un endroit que les démons fuyaient comme la peste. Les fonctionnaires qui géraient ce bureau étaient des démons de l’intransigeance, une espèce parmi les plus cruelles de tous les cercles infernaux, et ils châtiaient sévèrement ceux qui avaient le malheur de les déranger en se faisant tuer. Ils devaient donc être particulièrement remontés…
Nel envisagea plusieurs stratégies pour éviter les ennuis. La priorité était de passer la grande herse qui séparait Dis de Last Cross, mais foncer dans le tas était impossible à cause de tous les bus qui faisaient la queue pour passer le long des 9 routes dont l’accès était sévèrement contrôler par des fonctionnaires très tatillons.
Arrivant discrètement derrière la démone, Mélissa lui mis brusquement les mains sur les yeux ce qui la fît sursauter :
« Nel… » dit Mélissa d’une voix traînante « le Vent raconte qu’on va avoir des ennuis et que toi seule peut nous aider
– Melissa ! Par pitié me refait plus jamais ça : je suis démone et j’ai failli me faire dessus !
– Le Vent trouve qu’on ne devrait pas rester ici…
– Il a pas tort… on court moins de risque en étant mobile.
– Tout à l’heure le tatouage de Wulong s’est mis à danser sur son dos. Lui aussi il sent le danger.
– Euh… d’accord… t’as pas pris un coup de soleil toi ? »
Le bus 404 reprit la route et en quelques minutes arriva devant la grande herse. Celle-ci, haute d’une trentaine de mètre, était une ligne de défense lourde en cas d’invasion angélique bien que pour beaucoup c’était un immense gâchis de temps et d’argent vu qu’aucun ange saint d’esprit (ce qu’ils étaient tous) n’aurait voulu mettre les pieds dans un endroit pareil.
Faisant la queue parmi autres bus, Nel laissa son véhicule en mode automatique et remonta sur le toit faire un peu de surveillance. Elle n’était pas la seule : d’autres conducteurs de bus étaient sur le toit de leur engin, mais pour la plupart c’était simplement pour être tranquille et laisser les humains se lamenter dans le bus.
Et oui, Nel faisait partie des rares à se soucier de ses passagers.
Certains avaient simplement comme Nel des banquettes escamotable, là ou d’autres avait carrément des meubles de jardin, une petite sono et un parasol.
Elle reconnut sur sa droite, à une vingtaine de mètres sur la 5eme route, Loulilalalalidoudadim, un vieil ami de sa famille. C’était notamment lui qui lui avait offert son premier sapin décoratif pour le rétroviseur de son bus lorsqu’elle avait été admise il y’a des siècles de ça.
« Louuuuu ! Louuuuuuu ! » hurla elle en faisant des grands signes « hey hooooo !!!!
– Ah bah ça par exemple ! » dit-il « La petite Nelkykikakokan ! Mais t’as bien grandie dis donc : t’es canon avec quelques siècles de plus !
– Sacrée Lou… » dit Nel pour elle-même avant de demander plus fort « Comment vont Patashakapatapondon et les enfants ? »
– Oh toute la petite famille va bien, merci de t’en inquiéter. Et ton père ? Toujours à la Hotline ?
– Et oui : toujours au service de nuit. Tu le connais, il ne serait pas capable de faire autre chose !
– Pourquoi est-ce qu’il changerait ? Ce bon vieux Somni est parfaitement à sa place ! »
C’est alors qu’un bruit puissant venant du fin fond de la plaine résonna. On aurait dit le son d’une corne, dont les vibrations de basse faisaient trembler les lourds chaînons de la herse. Et puis aussitôt, quelqu’un hurla :
« LES KRAGLAD ! »
Une meute de milliers de vers des sables déferla comme un tsunami sur les bus, se faufilant entre eux, frappant et griffant de leurs crocs. Ils suivaient une puissante moto qui trainait un cadavre attaché au cadre par une longue chaîne aux maillons épais, et conduite par un démon visiblement très en colère.
Rick !
« TOUT LE MONDE SUR LE TOIT ! Ordonna Nel, imité par les autres chauffeurs.
Les vers des sables n’attaquaient pas les démons, mais raffolaient de chair humaine, aussi Rick pouvait sans risque rameuter le plus de vers possible pour une ultime attaque sur Last Cross. Peut lui importait que certains en réchappent : il était certain qu’un bon tiers des humains présent allaient être dévorés et donc rejeté par le Vortex dans la plaine ou il pourrait de nouveau tenter de prendre leurs âmes.
Les démons conducteurs de bus reprirent les commandes de leurs véhicules : il était évident que les fonctionnaires de Last Cross allaient fermer la herse, il fallait donc passer le plus vite possible. Nel ne fit pas exception et reprit les commandes du bus 404 en faisant gronder le moteur.
« C’est parti bébé ! Défonce moi toutes ces limaces ! » Hurla Mélissa folle de joie à l’ intention du tableau de bord.
Comme répondant à sa demande, le bus cracha des flammes qui firent s’enflammer les Kraglad se trouvant trop prêt, répandant dans l’air une odeur de poulet grillé.
Nel fit un détour stratégique pour la gauche : même si cela lui faisait perdre un peu de temps, elle savait qu’en optant pour la route numéro 7, elle pourrait passer plus vite. En effet depuis toujours, les démons avaient une peur panique du chiffre 7, et il n’y avait rien de plus superstitieux qu’un chauffeur de bus. Comme elle le pensait, ils avaient autant que possible prit d’autres routes.
Le bus 404 accéléra à toute allure, mais le flot de Kraglad venait de partout et plusieurs de ces horribles bestioles parvinrent à passer par une des vitres en grimpant sur les corps mutilé de leurs congénères.
En un éclair, Wulong s’était levé et avait fait signe aux autres de se réfugier à l’avant du bus près de Nel. Il posa alors la main sur son tatouage qui glissa le long de son bras pour devenir un katana. Avec une maitrise et une assurance digne d’un maître en art martiaux (ou d’un héros de jeu vidéo selon vos références) Wulong trancha net les Kraglad qui s’avançaient. Cependant, il n’avait pas remarqué qu’un des vers, plus malin ou plus chanceux que les autres, avait réussi à ce faufilé sur le côté. Comme un serpent, il bondit droit sur Tom et Dana tout croc dehors.
Sans même réfléchir, Kurt s’interposa et fit barrage de son corps. La monstrueuse créature lui arracha le bras, faisant hurler le jeune homme. Mais ce n’était pas de la douleur ou de la peur, c’était de la rage, pure et sans limite.
« SALE MERDE ! FOU LEUR LA PAIX ! » dit-il en frappant de son autre bras le vers des sables avec tant de force qu’il l’explosa contre la portière du bus.
Wulong qui avait fini d’exterminer les Kraglad qui s’étaient accrochés retourna vers ses amis. Il secoua Kurt qui était comme Ko debout :
» Kurt-Kun : Daijōbu desu ka !?
– T’en fais pas mon pote » dit le jeune homme « ça fait juste super mal mais… pourquoi je meurs pas ?
– C’est parce qu’il t’a juste piqué un bras » répondit Nel tout en conduisant à tombeau ouvert « tu seras affaiblit mais ça repoussera avec le temps t’en fait pas »
Kurt acquiesça d’un air ravi.
Les ennuis des passagers du bus 404 n’étaient pas finis : La herse était quasi baissée, et il fallait faire vite. Nel compris que le bus n’arriverait jamais à passer à temps, aussi elle envisagea un plan risqué mais pas impossible : le plus tard possible, elle ferait pivoter le bus à 90 degré de façon à ce qu’il fasse barrage aux Kraglad pendant qu’ils fileraient derrière la herse. Le plan semblait simple, mais Tom et Dana ne pourrait jamais aller assez vite, et Kurt était blessé. Nel, Mélissa et Wulong allait chacun devoir porter ou au moins en aider un.
Wulong s’approcha de Kurt qui était repassé à l’arrière pour surveiller la progression des Kraglad. Le jeune homme lui fit signe de s’approcher, puis sembla lui susurrer quelque chose à l’oreille. Wulong acquiesça en posant sa main fermement sur l’épaule du jeune homme avant de retourner à l’avant.
« Okey les amis vous êtes prêt ? » demanda Nel « MAINTENANT ! »
La démone freina d’un coup sec et fit tournoyer le volant avec maitrise. Toute l’accélération du bus fit décoller la partie arrière du sol qui se plaça pile à 90 degrés avant de retomber lourdement. Le bus manqua de se renverser, mais termina finalement sa course dans la position voulue par Nel. Cette dernière ouvrit la porte et fit sortir Dana avec l’aide de Mélissa, puis Tom avec celle de Wulong. Alors qu’elle allait se charger de Kurt, elle vit ce dernier en train de monter sur le toit, l’épée de Wulong à la main.
« Kurt ! Qu’est-ce que tu fais imbécile !?
– Je vais vous faire gagner du temps ! Dépêchez-vous la herse est presque fermée ! »
La voix du jeune homme était presque éteinte. La blessure du Kraglad était bien plus grave que ce que Nel avait voulu lui laisser entendre. Si jamais il reprenait une morsure de ce genre, il allait s’écroulé et être dévoré et digéré vivant par les vers des sables.
« T’avais raison Nel ! » dit Kurt « j’ai déconné : c’est de ma faute si j’ai perdu Cassy… je veux pas que ça soit de ma faute si ces 4 là se séparent ! » dit-il en désignant ses compagnons de route « Toi non plus Nel, je veux pas qu’il t’arrive d’ennui avec tes patrons à cause de moi !
– Kurt… »
La mort dans l’âme, Nel rattrapa ses compagnons et les aida à avancer vers la herse qui n’était plus ouverte que d’à peine 30cm.
Vif comme l’éclair, Wulong fit une glissade pour rapidement passer de l’autre côté. Il se retourna et aida Tom à passer en le tirant par les bras, puis il aida Mélissa à en faire de même avec Dana. Nel, en bonne démone de la vitesse passa en accélérer au tout dernier moment.
La herse termina sa course dans un claquement métallique sinistre.
A travers les barreaux, les passagers du bus 404 voyaient Kurt combattre les Kraglad comme un beau diable. Animé par une volonté farouche de défendre ses amis, il avait continué à se battre malgré une douzaine de morsures, infligeant des pertes monumental aux vers des sables.
Cependant la fatigue commençait à gagner du terrain, et le flot des créatures allait finir par le terrasser. Reculant petit à petit, essuyant vague d’attaque après vague, il arriva finalement prêt de la herse. Au loin, il vit Rick dirigeant les vers avec un drôle d’artefact en forme de corne.
Nel s’avait que c’était la fin.
« Bravo Kurt » dit Mélissa comme sous l’effet de psychotrope « T’as été… whaaaou. Et ce look sanguinolent c’est très tendance tu sais ! »
Kurt se mit à rire de bon cœur
« Merci Mélissa… ça m’a fait plaisir de faire un bout de route avec toi. Wulong ? Je crois que je vais pouvoir faire passer ton épée à travers les barreaux : merci camarade, ça m’a bien aidé »
Le jeune garçon passa le katana par les barreaux. Lorsque ce dernier reprit sa forme de tatouage, ce fut la main de Wulong qui se trouva dans celle de Kurt.
« Sarabada… Kurt-kun
– Arigato mon frère… »
Terrassé de fatigue et de douleur, Kurt mis un genou à terre.
« Tom ? Dana ? Vous êtes là ?
– Oui Kurt ! » dit la vieille femme « nous sommes là mon grand…
– Vous aussi je voulais vous remercier… d’être ce que vous êtes. Même si j’ai pas pu sauver Cassy, même si j’ai pas pu rester avec elle pour toujours, au moins je vous ai sauvé vous pas vrai ? Au moins j’ai sauvé un bel amour… quelque chose qui en valait la peine ?
– Bien sûr que oui ! On ne pourra jamais assez te remercier Kurt…jamais ! »
Nel ne savait pas quoi dire. Les chances qu’ils se revoient tous étaient pour ainsi dire quasi nulle.
« Nel ? »
Rick avait lancé l’ultime charge : les Kraglad déferlaient vers Kurt comme une vague de chair prête à le tailler en pièce.
« T’avais promis que tu m’achèterais mes souvenirs pas vrai ? Que tu le laisserais pas me les prendre ?
– Bien sûr ! je t’en donnes…
– Non laisse tomber : je te les offres. Débarrasse moi de ma peine… tu veux bien ? »
Nel posa sa main sur le front sanguinolent de Kurt
« Pas de problème mon pote… »
Les Kraglad arrivèrent enfin sur leur proie, la dévorant aussi brusquement que brutalement.
***
Kurt se réveilla avec un mal de crane épouvantable. Lorsqu’il regarda autour de lui, il ne vit qu’une gigantesque plaine parsemé de titanesques statues dont certaines semblaient encore en construction. Il avait la sensation que le temps s’était écoulé… mais difficile de savoir depuis combien de temps. Plus étrange encore, il ne se rappelait de presque rien.
Il marcha dans la plaine, frictionna son bras gauche qui était étrangement courbaturé, un peu comme si un gros chien l’avait mordu tout du long.
Il finit par apercevoir une grande structure à quelques dizaines de mètre : une estrade, avec un pupitre. Il s’en approcha d’un pas tranquille, comme si rien ne pressait. Il vit alors une jeune femme assise sur le bord de l’estrade, sifflotant un air joyeux qui lui semblait étrangement familier. Lorsqu’il fut prêt d’elle, sans comprendre il se mit à chanter :
« Oh, I get by with a little help from my friends
Mm, I get high with a little help from my friends
Mm, gonna try with a little help from my friends »
La jeune femme lui sourit. Elle avait la peau bleue, et des yeux d’un jaune brillants plein de bienveillance et de tendresse.
« Salut… euh… où sommes-nous ?
– Alors là : pas la moindre idée ! » dit la jeune femme toujours le sourire aux lèvres « mais quelque chose me dit que ce n’est pas le plus important ! »
Kurt haussa les épaules puis tendit la main :
« Je m’appelle Kurt
– moi c’est Nelkykikakokan, démone de la vitesse, mais tu peux m’appeler Nel
– démone de… alors c’est l’Enfer ici ?
– Je dirais que ça dépend de ce qu’on y apporte… ça peut être un endroit très chouette parfois »
Nel descendit de l’estrade et fit signe à Kurt de la suivre. Ils contournèrent l’installation, et derrière le rideau rouge en velours épais se trouvait un bus étrange, rouge vif avec des flammes peintes.
Nel tendit quelque chose à Kurt qu’il attrapa du bout des doigts :
« Aller monte ! Je t’ai déjà pris ton ticket » dit la démone en se dirigeant vers le bus.
Kurt la suivi. Au moment où elle monta, il lui saisit le bras et demanda :
« Attendez ? C’est vous qui conduisez ce bus non ? »
Nel fit malicieusement non de la tête tandis qu’elle donnait son propre billet à Loulilalalalidoudadim.
« Je ne suis qu’une simple passagère : comme toi. T’as de la chance, je vais pouvoir te tenir compagnie jusqu’à destination
– Y’a que nous deux ?
– N’oublie pas Lou quand même ! Mais sinon tu as raison, service spéciale ! Y’a que nous deux.
– C’est cool ! Et bah… merci alors »
Kurt s’installa devant, mais à peine le bus avait fait quelques mètres qu’il ne se sentit pas à l’aise. Il se leva et s’installa dans le fond.
« Ah ouais… là c’est mieux… je pourrais passer l’éternité vautrée là à manger des ChocoCroc et des glaces à la vanille ! » dit il
Nel s’installa à côté de lui et commença la discutions
« T’es célibataire Kurt ?
– Ouha ! T’es directe toi au moins !
– Hum… on peut dire ça… mais te fais pas d’idée, c’est juste histoire de causer.
– Et ben en fait pour tout te dire, et ça va peut-être te paraître complètement dingue, mais j’ai comme un vide dans la tête.
– Oh ? Amnésie ? Comme dans la série Hopital Central ?
– Non c’est plus comme… comme si j’avais fait la paix avec moi-même et que je m’étais débarrassé de… Oh laisse tomber. Parle-moi de toi plutôt : t’es d’ici ?
– Oh que oui. Une vraie fille de la plaine…
– Ah bon ? Dis m’en plus alors. J’aimerai bien avoir des souvenirs dans la tête, même si ce ne sont pas les miens.
– Pas de problème mon pote… »
Et c’est ainsi que pendant que le bus 609 roulait à toute allure dans la plaine du jugement dernier en destination de la cité de Dis, Nel raconta à Kurt tous les souvenirs heureux qu’il lui avait offert. Car même si dans le lot certains étaient triste, il avait quand même un gout de nostalgie qui faisait du bien. Car en fin de compte au cœur des ténèbres, dans la cité de Dis, ce qui rendait heureux c’était parfois quelque chose d’aussi simple que le souvenir fugace d’un bon moment passer à chanter des chansons…
4 commentaires
Hey !
Décidément, tu creuses le sujet de l’enfer, mais on dirait que ça te réussit toujours plus ! J’ai vraiment bien aimé cette histoire, plus que pas mal d’autres je pense… je ne sais pas expliquer pourquoi là, à chaud, mais j’ai vraiment apprécié la lecture ! Par contre, j’ai l’impression que ça pourrait être encore mieux en sortant du format « histoire courte », en fouillant un peu plus les personnages peut-être (dans lesquels je sens du potentiel) ?
Quoiqu’il en soit, c’est un bon cru à mon goût !
A+ !
Didi
Ah mon Didi c’est clair que cet univers à du potentiel ! Et effectivement cette histoire est au dessus de lot. Je pense même que c’est la meilleure que j’ai écrite de tout le défi. Pendant que je l’écrivais je sentais déjà que c’était une histoire à part.
Ecoutes mon Podcast, tu constateras que j’ai déjà évoqué l’idée d’en faire une histoire plus longue :D
Bon, et pourquoi il n’y a que moi qui commente au fait ? Ils sont timides tes autres lecteurs ? Il faudrait du débat là !!! Je me sens limité en critique littéraire… Ou alors, l’action se passe ailleurs ??
T’es le seul qui laissent des commentaires publiques :p les autres me font que des messages privés (peut être qu’ils ont du mal à assumé d’être des fans du flashou ?)
Aller les gens ! hésitez pas à lacher vos commentaires ! ne laissez pas ce pauvre didi tout seul !!!