Le Bandit et le Lion
Depuis son plus jeune âge, Khal avait toujours été le plus fort. Il n’était pas juste plus puissant physiquement, mais il dominait aussi les autres par sa ruse, sa maîtrise du combat et son sang-froid. Et puis il y’avait cette magie latente en lui qu’il ressentait au plus fort des combats, et qui décuplait ses forces et le rendait aussi puissant que les guerriers de légendes. Ces talents auraient pu faire de lui un admirable soldat, voir même chevalier, mais la vie l’avait poussé sur des chemins plus sombres. Car même en étant fort, l’existence était difficile pour ceux qui n’étaient pas née sous une bonne étoile.
Brigand sans foi ni loi, Khal et ses compagnons sillonnaient le royaume de Cadren, pillant les voyageurs et détroussant les caravanes marchandes pour se remplir les poches. Khal en bon chef de groupe, était la tête pensante et avait su tirer le meilleur de ses amis : Tysslyn, un semi elfe aux origines incertaines, était un parfait éclaireur et un pisteur talentueux tandis que Braldarg, un humain qu’on aurait pu prendre confondre avec un troll tant il était massif, assurait une force de frappe sans égale.
Et c’est ainsi que lui et ses acolytes se retrouvèrent dans une auberge de seconde zone dans un quartier mal famé de Rhen Varat, la célèbre cité de l’Est, pour célébrer leur dernier coup… et préparer le prochain.
« Je lève mon verre à notre bonne fortune les amis ! » Dit Braldarg déjà rendu fort joyeux par l’alcool
– Moi de même ! » renchérit Tysslyn de sa voix calme « Que cette belle journée perdure à jamais ! »
Les deux brigands cognèrent leurs choppes l’une contre l’autre et attendirent une réaction de la part de Khal, mais ce dernier resta le regard perdu dans les volutes de son hydromel.
« Khal : qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? » demanda Tysslyn
– Rien… j’en ai juste assez de cette ville… » répondit Khal d’un ton terne.
– Alors ça c’est la meilleure : et depuis quand Rhen Varat et ses arènes te révulsent à ce point ? » relança Braldarg
– Depuis que vous deux pauvres idiots vous complaisez dans votre médiocrité ! »
Le ton brusque de leur ami surpris les deux bandits qui s’échangèrent un regard incrédule. Ce dernier se reprit et essaya d’être plus posé :
« Ce que je veux dire c’est que ça fait des mois qu’on se contente d’attaquer des petites caravanes… résultat nous ne ramenons que des clopinettes que ce marchand du Chemin d’Ombre nous rachète pour un prix ridicule !
– Tu exagères… » dit Tysslyn « On a pas à se plaindre…
– On devrait frapper plus fort ! » s’emballa Khal « et cibler une caravane Ocelot ! Rien qu’en prisme magique il y en aurait pour une fortune ! »
L’inquiétude se dessina sur de visage de Tysslyn
« Attends… tu es sérieux ? tu veux qu’a nous trois nous prenions d’assaut une caravane Ocelot défendu par des Zey Fema ?
– Pffff… les Zey Fema ne sont que des mercenaires comme les autres ! » fanfaronna Khal
– Des mercenaires qui portent des armures alchimiques qui valent souvent aussi chère que la marchandise qu’ils transportent !
– Justement… nous pourrons leur prendre leurs armes et agrémenter notre butin. Quand bien même la caravane serait vide que ce serait une affaire ! »
Au contraire du semi elfe, Braldarg fut enthousiasmé par la proposition.
« Alors ça c’est une idée de génie Khal ! J’ai entendu dire que le Chemin d’Ombre paye des fortunes pour des armures de Zey Fema !
– Imbécile ! s’ils payent si cher c’est parce que c’est un exploit de pouvoir s’en emparer… Par Faraan ! suis-je le seul à avoir un peu de bon sens ? » s’indigna Tysslyn.
Dans un geste d’apaisement, Khal leva les mains, paume en avant, en direction de ses amis.
« Allons allons… Tys, je comprends que tu sois inquiet, mais n’est tu pas d’accord avec moi ? est-ce que nous allons rester comme ça toute notre vie à écumer les tavernes et à vivre dehors ? Quant à toi Bral, ton enthousiasme me fait plaisir, mais Tys à raison : nous ne devons pas aborder ça à la légère…
– Bah voyons » répondit le colosse « Tu vas me faire croire que TOI tu vas agir avec modération ?
– Il n’a pas tort « renchérit le semi elfe « Je te connais : tu te moque du butin, tout ce que tu veux c’est tester ta force contre des adversaires de plus en plus fort pas vrai ? »
Khal ne répondit pas. Il se contenta d’esquisser un petit sourire du coin des lèvres qu’il dissimula aussitôt avec sa choppe dont il avala le contenu presque d’une traite. Il s’essuya la bouche avec le dos de la main gauche et lança des regards pleins de sous-entendus à ses amis. Aussitôt, ils comprirent le message et se levèrent puis quittèrent l’auberge.
***
Il y’avait énormément de caravanes qui partaient de Rhen Varat : de longs convois de plusieurs véhicules légers transportant de lourdes charges, de simple cavalier portant des courriers ou des objets précieux, et enfin les caravanes alchimiques de la guilde Ocelot.
Cette guilde marchande était dirigée par l’une des grandes familles de la bourgeoisie, les Ocelots, dont la fortune venait de leurs célèbres caravanes. Ces dernières, construites par les meilleurs ingénieurs en alchimie des 3 royaumes, pouvaient parcourir le pays à grande vitesse et en transportant d’importante charges. Elles constituaient tout autant une façon de transporter de la marchandise que de faire voyager les gens sur de grandes distance. Chaque caravane était tractée par une carriole « motrice » où se trouvait le générateur alchimique principal, à laquelle on raccrochait des wagons plus ou moins long et disposant d’aménagement spécifiques : transport, soutes, ou parfois motrices auxiliaires pour les caravanes les plus longues. Cette flexibilité dans la configuration des caravanes permettait un rendement optimal et une capacité d’adaptation à la demande indispensable.
Mais ce qui faisait la réputation des caravanes Ocelot, c’était surtout la troupe d’élite de la guilde qui avait en charge de la sécurité : les fameux Zey Fema. Ces mercenaires équipés d’armures et d’armes alchimiques étaient craint et redouté par tous les bandits qui les considéraient aussi dangereux que des soldats d’élite.
C’était exactement ce qu’il fallait à Khal…
Depuis son point de mire a la cime d’un grand troène, Tysslyn scrutait la porte ouest de la ville d’où sortirait les caravanes les plus intéressantes. Sa mission était simple : jauger les caravanes sortant, estimer leur valeur et anticiper leur direction. Non seulement la route empruntée était un excellent moyen de jauger le contenu, mais c’était aussi une façon de faciliter l’embuscade en privilégiant les caravanes passant par la forêt.
Après plusieurs heures d’observation, Tysslyn trouva enfin une proie intéressante. Utilisant un petit sifflet en os qu’il portait autour du coup et dont il pouvait moduler le son via 3 petit orifices, le semi elfe informa ses compagnons qui attendaient au sol en s’occupant des chevaux. En réponse, Khal siffla entre ses doigts pour approuver le choix de Tysslyn qui redescendit aussitôt en bondissant avec grace de branche en branche.
« C’est un beau gibier Khal » dit-il en reprenant son souffle « une caravane à 3 wagons avec tout juste 2 Zey Fema pour la sécurité.
– Marchandise ? » demanda Khal
– deux wagon sur trois. Le dernier est pour des voyageurs.
– Un seul wagon de voyages ? il prend quelle route ?
– Il part vers le sud-ouest, je parie qu’il fait route vers Koesh. Si c’est le cas en coupant par les bois on pourra les intercepter dans moins d’une heure.
– Parfait : tu pars devant pour nous guider ! » Ordonna Khal.
La chevauché fût intense jusqu’au lieu de l’embuscade, et le jeune bandit trépignait d’impatience d’en découdre. Peu lui importait les richesses, tout ce qu’il voulait c’était toujours de livrer un combat épique contre des adversaires dignes de lui.
Suivant leur tactique habituelle, Tysslyn resterait en retrait pour couvrir ses amis de ses flèches, Braldarg couperait la route à la caravane en faisant s’écrouler un arbre sur le sentier, et Khal lancerait l’assaut, embusqué depuis le bord du chemin.
Le plan était simple certes, mais c’était cette simplicité qui en garantissait la bonne marche.
Au loin, on pouvait déjà entendre le grésillement caractéristique de la motrice alchimique et le claquement des roues des wagons qui piétinaient le sol à toute vitesse. La caravane serait là dans quelques instants, et les bandits, chacun à leur place, attendaient de voir apparaitre l’engin à la lisière du sentier pour agir.
Khal se rappelait du sentiment d’émerveillement qui l’avait envahie la première fois que, étant enfant, il avait vu un de ses engins arriver dans son village, et la peur qu’il avait ressentie en voyant descendre les mercenaires dans leurs impressionnantes armures. Mais le temps avait passé, et la peur avait laisser place à une sorte de sentiment de revanche : ce n’était plus à lui d’avoir peur. Depuis sa position, il pouvait apercevoir Braldarg prêt à frapper le tronc d’un arbre qu’il avait commencé à trancher.
La caravane était maintenant en vue. La face avant de la motrice ressemblait à une tête de dragon dont les naseaux soufflaient des volutes d’énergies magiques blanches et bleues qui formaient un sillage soulignant le mouvement du véhicule, et lui donnait un air irréel. Mais pas le temps de rêvasser : Khal tira son épée or de son fourreau et la brandit en l’air pour faire signe à Braldarg. Ce dernier frappa un colossale coup de hache sur l’arbre déjà meurtri et qui commença à basculer sur la route. Le conducteur de la motrice freina en urgence, ce qui libéra encore plus de flux d’énergie magiques. Le long serpent que formait la caravane se crispa, les wagons se plaçant en travers les uns les autres.
Khal se précipita sur le wagon de tête et guetta les Zey Fema. Cependant à sa grande surprise, aucun ne sorti du véhicule pour le défendre. Il grimpa alors dans la motrice où il trouva l’ingénieur alchimique chargé de la maintenance et le pilote, tous les deux cachés sous le pupitre de commande, tremblant de peur et implorant pour leur vie.
Braldarg arriva à ce moment-là, lui aussi avec l’envie d’en découdre. Voyant les deux le pilote et l’ingénieur il voulut passer ses nerfs sur eux, mais fut aussitôt arrêter par Khal : ces deux hommes ne représentaient aucun danger, et les tuer risquait de faire grimper en flèche la prime sur leur tête. Le géant salua la présence d’esprit de son camarade sans réalisé que ce dernier avait en fait agit par pitié envers plus faible que lui.
Khal ligota les deux hommes par sécurité. C’est alors que Braldarg, qui était sorti faire le guet, se mit à hurler :
« Khal ! viens voir ça ! on a de la compagnie ! »
Le bandit passa la tête hors de la cabine et vit son compagnon en train de pointer le doigt vers le wagon de transport. Une jeune femme en était sortie, et semblait aider une autre personne à descendre. C’était une large et grande silhouette enroulée dans une lourde cape, capuche rabattu ne laissant entrevoir qu’une imposante barbe grisonnante.
Khal n’était pas du genre à abuser des femmes, mais il aimait le pouvoir de séduction que le métier de brigand lui procurait, et en l’occurrence, il avait envie de flatter son ego. La jeune femme avait de long cheveux noir corbeau, une peau diaphane, de longues jambes bien dessinées mises en valeur par sa tunique rouge vif qui s’arrêtait à mi-cuisse et ses longues bottes noires qui lui arrivaient sous le genou.
Le brigand s’avança tranquillement vers elle suivi par Braldarg et commença à fanfaronner.
« n’ayez crainte ma jolie ! c’est votre jour de chance : pour une telle mésaventure il ne vous en coûtera qu’un baiser. Le grand Khal n’est pas le genre d’homme qui s’en prendrait à votre vertu… »
Mais à peine sa phrase fût-elle fini que le second individu se dévoila,retirant sa capuche et poussant un rugissement si effrayant que la forêt elle-même retint son souffle.
C’était un Jafka, un homme lion dont la race vivait habituellement dans un archipel à des lieues d’ici. Sa capuche dégagée on pouvait voir sa face féline dont l’imposante crinière formait une couronne solaire.
Les Jafkas étaient très protecteur, et si la jeune femme était sa protégée, il est clair que la remarque de Khal l’avait mis en colère. Ce genre de rugissement était tout autant un avertissement qu’une promesse de mort pour tous ceux qui l’entendaient.
Pour Khal, ce fut un délicieux frisson d’excitation.
Les Jafkas étaient réputé pour être des guerriers redoutables, sauvages et bestiales s’il le fallait, mais aussi habile dans le maniement de l’épée. Plus grands que les humains, ils étaient aussi bien plus fort, et leurs sens félins les rendaient plus alerte et vif.
Le Jafka se mit à parler dans sa langue, utilisant un mélange de sons étranges quasiment impossible à reproduire pour un humain. Dès qu’il eut fini, la jeune femme s’improvisa interprète :
« Le Maitre dit que si vous partez maintenant, il consent à ne pas vous punir pour votre manque de respect à mon égard…
– Le « Maitre » dis-tu ? » répondit Khal à la jeune femme « Es-tu l’esclave de cette chose ? »
Ce fût cette fois la jeune femme qui s’emporta :
« Maudit chien ! Comment oses tu insinuer que mon maître est un esclavagiste ? Traite le encore de « chose » et je t’arracherai la langue moi-même par Jal Kar Dan ! »
Khal n’y comprenait plus rien. Jak Kar Dan était la divinité solaire que vénéraient les Jafkas, il était donc étrange qu’une humaine y fasse référence. Ou bien était-elle l’esclave du Jafka depuis si longtemps qu’elle avait fini par en prendre la culture ?
Le Jafka se remit à parler, et la jeune femme à nouveau de traduire :
« Le Maitre ne veut pas vous faire du mal inutilement, alors allez-vous en !
– Ton « Maitre » semble être quelqu’un de tout à fait raisonnable ma mignonne, mais ce n’est malheureusement pas notre cas. Et j’ai même envie de dire que je meurs d’envie d’en découdre avec lui !
– Imbécile : crois-tu que je te laisserai ne serait-ce qu’approcher de lui ? »
Et joignant le geste à la parole, la jeune femme tira sur sa ceinture qui s’avérait être en réalité un long fouet noir comme la nuit qu’elle avait portait autour de sa taille et s’interposa entre Khal et le Maître. Ce dernier réagit immédiatement et posa la main sur l’épaule de sa protégée avant de lui adresser quelques mots. Respectueusement, la jeune femme s’inclina et remit son arme en place d’un seul geste vif et habile.
« Le Maitre me demande de vous laisser l’affronter… c’est un immense honneur qu’ils vous fait… mais vous ne le méritez pas ! »
Le Maitre s’avança vers Khal sans le regarder ni prêter attention à Braldarg. Il prit une grande respiration, relâcha ses muscles et expira longuement.
« Alors Maitre » dit sarcastiquement Khal « Prêt à mourir ? »
L’homme lion ne répondit pas, et resta inerte, les yeux mis clos.
« Quoi ? vous pensez que je vais attendre que vous ayez fini votre sieste ? allez ! tirez votre arme et mettez-vous en garde !
– C’est déjà fait ! » dit la jeune femme narquoise « le Maitre n’a pas besoin d’arme et il a déjà pris sa posture de combat… »
Khal s’inquiéta. Son sixième sens se mit à carillonner dans sa tête. Pourquoi avait-il cette sensation ?
Braldarg qui lui aussi en avait assez d’attendre se jeta à l’assaut :
« Trop tard Khal ! fallait être plus rapide : la boule de poil est à moi ! »
Le colosse se jeta sur le Jafka et porta un rapide coup de hache du haut vers le bas. Dans un geste fluide et harmonieux, l’homme lion se déplaça sur le côté et esquiva le coup sans que cela n’eut paru difficile. Braldarg enchaina immédiatement et porta un coup latérale cette fois ci. Sauf que là encore, le Jafka sembla éviter le coup sans y penser en effectuant un demi-cercle sur sa droite.
Braldarg sourit : ce petit jeu l’amusait et il jubilait à l’idée de faire danser le Jafka jusqu’à ce qu’il commette une erreur et reçoive un coup qui serait forcément fatal. Il frappa de taille et d’estoc, feinta, enchaina les passes d’armes les plus complexe qu’il connaissait, et à chaque fois l’homme lion reculait, se décalait, sautillait et tournait pour se mettre hors de portée.
Khal de son côté était plus anxieux. Braldarg ne réalisait pas que son adversaire était en train de le ridiculiser : sans même avoir besoin d’une arme pour parer sa hache, il lui tournait autour sans que ce dernier ne puisse l’effleurer. Le Jafka était un combattant expérimenté qui avait une parfaite maitrise de son placement dans l’espace, et il allait continuer ainsi jusqu’à épuiser Braldarg avant de lui porter une contre-attaque.
Ce dernier commençait à manquer de souffle justement : sa lourde hache lui demandait beaucoup d’effort à chaque mouvement. De plus, il s’énervait et ne prenait plus le temps d’ajuster ses coups. En voulant aller plus vite, non seulement il manquait de pertinence dans ses assaut, mais il se fatiguait encore plus rapidement ainsi.
Conscient que le Jafka ne cesserait de le tourner en ridicule, Braldarg décida de cesser le combat à la régulière. Il brandit sa hache et la fit pivoter rapidement d’un quart de tour, signe demandant à Tysslyn de faire feu sur son adversaire. Presque aussitôt un sifflement se fit entendre depuis les branches d’un arbre adjacent.
C’est alors que Braldarg s’écroula à terre, une flèche plantée dans l’épaule.
« imbécile ! » hurla le colosse fou de rage envers son camarade « tu m’as touché salopard d’oreille pointu ! »
Khal avait entrevu la trajectoire de la flèche, et Tysslyn n’avait pas manqué sa cible : c’est la flèche qui au dernier moment avait changé de direction pour aller se planter dans l’épaule de Braldarg. D’ailleurs il aurait été impossible qu’un tir direct le touche de cette manière puisque Tysslyn étant dans son dos, la flèche ne pouvait l’atteindre de face.
Il existait bien des magies capables d’un tel tour de passe-passe, mais Khal savait que les Jafkas étaient de piètre sorcier. Peut-être était-ce la jeune femme qui discrètement lançait des sorts de protection sur son « maître » ?
Le Jafka reprit la parole, toujours traduit par sa disciple.
« Même avec des tactiques aussi lâches, tu n’as aucune chance de vaincre le Maître. Il te propose une dernière fois de te rendre.
– Tu vas voir tête de chat si je vais me…
– le Maître à épargné ta vie, mais la prochaine fois c’est dans ta tête qu’il renverra la flèche ! N’insiste pas : abandonne !
– je suis un guerrier… Et un vrai guerrier ne se rend pas !
– un vrai guerrier savoir reconnaître sa défaite… » dit le Maître en langue humaine.
Braldarg fut stupéfait par le regard que lui portait l’homme lion : il n’y avait ni colère, ni violence dans ses yeux, simplement de la compassion.
« Maître » dit Khal en s’interposant avec calme « nous vous demandons humblement de nous pardonner nos offenses envers vous et votre disciple. La conduite honteuse de mes compagnons n’est que le fait de leur ignorance. Ce n’est pas tous les jours que nous croisons un authentique Maître du Zay Cali… »
Le Jafka esquissa ce qui s’approchait le plus d’un sourire pour les gens de sa race. Il reprit dans sa langue, appréciant peu parler celle des humains qu’il prononçait mal.
« Le Maître est étonné qu’un simple bandit connaisse l’art du Zay Cali, et encore moins qu’il sache le reconnaître en combat…
– Oh je n’ai aucun mérite. Lorsque j’étais enfant, mon grand-père qui avait été soldat me racontait les aventures qu’il avait vécu durant les guerres contre le Fléau, et notamment celle de guerriers Jafkas maîtrisant un art du combat si puissant qu’il pouvait détourner une volé de flèches. Il disait qu’ils étaient des sortes de moines guerrier au service de Jal Kar Dan, et qu’ils portaient le titre honorifique de « porteur de la flamme »…
– ta connaissance de la culture Jafkas impressionne le Maître… Tu dois donc savoir que tout cela est inutile ?
– inutile ? Au contraire je vois là la parfaite occasion dont je rêvais. Je vais enfin affronter un adversaire à ma mesure ! »
Khal était comme en transe.
« Maître accepteriez-vous de me combattre ? Je fais le serment sur mon honneur que cet affrontement sera loyal.
– L’honneur ? » dit la jeune femme avec hargne « En es-tu seulement pourvut ? Une telle demande de la part d’un misérable comme toi un affront !
– Belle demoiselle, n’est-ce pas présomption de ta part que de me juger sur ma seule apparence ? peut-être suis-je plus honorable que tu ne le penses ? et peut-être que toi même tu es bien moins vertueuse que tu ne le voudrais à juger de la sorte ?
– Par Qwal Reid Ap ! tu vas gouter de mon jugement ! » s’emporta la disciple.
La voix du Maître raisonna alors. Forte, autoritaire, presque menaçante. Aussitôt la jeune femme mis genou à terre et s’inclina.
« Pardonnez mon arrogance Maître… »
Khal observa la scène avec stupeur. Le Jafka semblait véritablement en colère contre sa disciple.
« Allons l’ami… ne la grondez pas pour si peu. Je l’ai provoqué après tout !
– N’avoir pas crainte pour elle » dit péniblement le Jafka « mais je contrarier… car je devoir parler maintenant. Tu vouloir un affrontement, mais tu savoir ce que être réellement un affrontement ?
– Je sais seulement que vous êtes la réponse à mes questions. Depuis toujours j’ai cette force en moi qui ne demande qu’a exploser. Je veux la voir, la sentir, et je veux comprendre pourquoi je ressens cette flamme du combat dans mes veines. Je vous l’ai dit Maître : c’est mon honneur que je mets en jeu, et c’est avec respect que je vous demande de combattre. Je veux affronter votre Zay Cali.
– Mon Cali être un Cali de paix. Je ne chercher nul conflit… mais je accéder à ta demande car je être curieux de voir ton véritable Cali… »
Le Cali était un terme Jafka qui désignait « la voie » dans le sens de destin. Chacun devait comprendre le Cali qui lui était donnée par les Dieux, mais aussi le forger pour en être le maître et non le jouet. La maîtrise du Cali était une quête tout autant spirituelle que physique.
Le Maître reprit sa posture et fit un signe de tête à Khal pour lui monter qu’il était prêt.
Vif comme l’éclair, le jeune bandit se précipita sur lui, prêt à frapper. Mais alors que le Jafka allait se décaler pour éviter l’assaut, Khal anticipa son esquive et lança un coup de pied latérale à contre sens de son coup de poing qui n’était finalement qu’une feinte. Le message était très clair : contrairement à Braldarg, lui savait mener un assaut et lire dans les mouvements de son adversaire.
Le Maître ne fût pas pour autant prit au dépourvut : il amorti le choc du coup de pied avec sa main tout en reculant d’un pas dans le sens de l’attaque, absorbant ainsi toute la force du coup, le rendant inefficace. Cela lui permit aussi de tenir Khal à distance afin qu’il ne puisse pas contre attaquer immédiatement.
Le jeune bandit était fou de joie d’affronter un adversaire capable d’une telle lucidité. Il attaqua de plus belle, misant tout sur la vitesse afin de tromper la vigilance du Jafka. Peine perdue : ce dernier repoussait chaque coup juste avant l’impact, déséquilibrant à chaque Khal.
Ce dernier comprit d’où venait la puissance du Zay Cali : tout était une question de timing pour dévier la course d’une attaque en profitant de l’impulsion de celle-ci. En effet, lorsqu’un coup rectiligne est au maximum de son intensité, il est très « facile » de le dévier vers la gauche ou vers la droite puisque toute la force est concentré vers l’avant. Quel que soit la force du coup envoyé, la technique du maitre lui permettait de le dévier.
Cela demandait cependant des nerfs d’acier et un parfait sens du rythme : un instant trop tôt ou trop tard et on recevait l’attaque de plein fouet. Galvanisé par l’intensité de l’affrontement, Khal senti monter en lui une sensation frénétique.
« Pourquoi tu me ménager ? » demanda l’homme lion « Tu n’être pas à ton maximum. Ne pas avoir crainte pour moi, je être plus robuste que tu le croire…
– Vous avez raison Maître… c’est vous faire offense que de ne pas mettre tout mon cœur dans la bataille. Mais croyez-le ou non c’est tout autant par respect que je veux éviter de vous blesser.
– Oh ? tu penser que ta force être si grande que je devoir être cajolé ? Mon garçon : chez les Jafkas nous vivre sur une terre hostile où les volcans dévorer la terre et les mers engloutir le rivage. Nous survivre parce que l’enseignement de Jal Kar Dan nous permettre de porter la Flamme dans les épreuves. Tes poings être trop petit pour me blesser »
Khal n’était pas naïf : ce que le Maître disait était une provocation pour lui ôter tout scrupule et lui permettre de combattre à son plein potentiel. Il n’y avait plus à hésiter, il fallait tout donner maintenant.
Prenant son souffle, Khal se concentrait pour ressentir les forces magiques qui imbibaient le monde autour de lui. Il senti alors qu’elles convergeaient vers lui et glissaient sur sa peau, fraiches comme l’eau pure d’un lac. Le bout de ses doigts était traversé de milliers de picotement, et à chaque bouffé d’air il avait l’impression d’aspirer les nuages. Chaque battement de son cœur tapait comme un tambour de guerre, impulsant dans son esprit un tempo lourd. Il commença à bouger et se senti léger, comme un brin d’herbe emporter par le vent.
Enrobé d’énergie magique, il laissait dans son sillage un scintillement qui était la seule trace perceptible de son passage tant il était devenu rapide.
C’était le secret de la force de Khal : un don mystérieux qui le rendait surpuissant.
Le Maître fût surpris par cette soudaine explosion de magie, et ne dut qu’a son incroyable agilité et à sa grande expérience du combat de ne pas subir l’attaque de Khal. Le jeune bandit ne voulait pas le laisser souffler : il lança son coude en arrière pour rattraper sa cible, mais une fois encore le guerrier Jafka trouva le moyen de le contrer en pivotant sur la gauche.
Le coup de Khal, emporter par son élan, toucha un arbre dont le tronc explosa sur 12 pieds de haut avant de tomber lourdement en des milliers d’échardes.
Le jeune bandit ne renonça pas : il devait saturer son adversaire de coup, et avec sa puissance actuelle il était sûr d’y parvenir. Il frappait vite, variait entre direct, crochet, coup de pied et feinte, il changeait la cadence de ces coups pour tromper l’homme lion, il essayait d’utiliser l’environnement pour le troubler et le faire trébucher, mais assaut après assaut, le Jafka arrivait toujours à neutraliser l’attaque de Khal, soit en l’évitant, soit en déviant le coup.
Après plus d’une demi-heure d’affrontement, et quand bien même il utilisait toute sa force, Khal n’avait jamais réussi à toucher son adversaire. Ce dernier l’avait envoyé plusieurs fois valdinguer contre les arbres, dont certains s’étaient brisé à l’impact. Titubant, le jeune bandit essayait tant bien que mal de prolonger l’affrontement, mais le cœur n’y était plus.
Visiblement lassé, le Maître rompit sa posture de combat :
« Alors cela être ça le secret de ta force : un Draconis ! pfff… c’être pitoyable de s’en servir ainsi.
– Vous… vous savez ce que c’est ? » demanda Khal incrédule
– Cela être un Draconis, un esprit dragon. Tu être un élu qui recevoir bénédiction d’un Dieu dragon. Mais tu utiliser bien mal ce don. Tu acquerir superficiellement le pouvoir du Draconis. Résultat tu être battu par ta propre force.
– Mais qu’est-ce que… comment…
– Je ne savoir pas » coupa le Maître « mais si tu être un Draconis, alors tu devoir avoir grand destin. Tu devoir arrêter de voler et te battre. Sinon tu gâcher tes dons et ton avenir.
– Mais pourquoi ? pourquoi serait je promis à un grand destin ? vous l’avez dit vous-même, je ne suis qu’un voleur.
– Tu être voleur parce que tu avoir choisi de l’être. Mais toi et tes amis pouvoir être tellement plus. L’archer être habile, et le guerrier être très puissant. Tu avoir été choisi par un Dieu dragon, mais cela impliquer que tu agir convenablement. Ce pouvoir être colossale si tu le domestiquer bien, mais si tu n’etre qu’un vaurien, alors ce pouvoir être de même nature que toi. »
Khal était saisi par le doute. Cette force qu’il avait enfoui en lui depuis toujours était un signe du destin, mais en avait-il vraiment envie.
« Le Cali de chacun se façonner selon sa nature. Je ne connaitre pas ton Cali, mais sa nature être celle du Draconis, celui d’un défenseur du Bien. A toi de choisir si tu façonner ton Cali dans ce sens ou non.
– Mais comment ! comment je pourrais changer ce que je suis !
– Je dire que être possible, pas que être facile. Mais la nature de ton Cali être de faire le Bien, et si tu chercher des réponses, c’est dans cette direction que tu les trouver. A toi de façonner ton Cali mon garçon. Si tu vouloir qu’il soit guerrier, alors il le sera. Mais si tu accepter sa nature, c’être lui qui te guider vers les réponses. »
Un violent conflit intérieur saisit Khal. Cette force qu’il avait toujours ressenti était en train de prendre un sens nouveau, mais cette nouveauté lui faisait peur. S’il était réellement ce que le Jafka disait, un élu des Dieu dragon, alors c’en était fini de sa vie insouciante. Accepter ce pouvoir, c’était accepter le fardeau qui l’accompagnait. Cependant, au bout de ce fardeau l’attendait la vérité, toutes les réponses qu’il pouvait attendre était là, prêtes à être découverte s’il faisait l’effort d’arpenter cette voie.
« Tant que tu resteras sur la voie de la guerre, tu ne pourras jamais vaincre le maître » dit la jeune femme d’une voix apaisé « Son Cali est le Cali du vent, celui de l’immatériel. C’est comme vouloir saisir une feuille portée par le vent. Si tu as en toi les ressources pour devenir meilleur, n’hésite pas et écoute le Maître : façonne ton propre Cali et ne soit plus le jouet de ton destin. »
Le Jafka regarda sa disciple avec de la fierté dans le regard. Khal lui laissa s’échapper toute l’énergie magique qui l’habitait et mit genou à terre respectueusement devant le Maître.
« Messire… j’ai par trop abusé de votre patience. J’admets ma défaite…
– C’être bien mon garçon. Admettre être le premier pas vers le Cali. Repenser à notre affrontement, et demander toi où être ta place dans ce monde. Mais surtout, choisir ce que tu souhaiter être.
– Je le ferai Maître.
– Bien… »
C’est alors qu’au loin raisonna le son d’une corne.
« C’est la milice ! » dit Braldrag « votre combat a attiré leur attention ! »
Khal s’avança alors vers le Maître, les bras tendus et les poignets l’un contre l’autre.
« Maître, laissez partir mes amis et je vous donne ma parole que je me livrerais sans résistance
– Khal non ! » dit Tysslyn qui s’était rapprocher pour aider Braldarg « on ne part pas sans toi !
– On ne peut pas continuer comme ça. Le Maître à raison… cette voie-là n’est pas pour nous. Elle nous mènera à notre perte
– Et tu crois qu’il t’arrivera quoi si la milice t’attrape ! tu sais combien il y’a de Tika sur ta tête !?
– Peut-être, mais vous êtes mes amis, et c’est moi qui vous ai entraîné là-dedans… moi et ma soif de combat. Maintenant je sais ce que je cherche, et je ne peux plus vous demander de prendre ce genre de risque pour moi.
– Khal… » dit Braldarg avec un soupçon d’émotion dans la voix « il faut pas qu’on se sépare ! Si tu restes tu finiras sur une galère ! »
Le Maître répondit aussitôt d’un air décidé
« Le Maître dit qu’il se portera garant de votre ami » traduisit la disciple « Sur son honneur, il jure que personne ne lui fera de mal, aussi vrai que son nom est Vic Vanguard… »
Les 3 gredins se regardèrent médusé
« Vic… VIC VANGUARD ! » dit Tysslyn sur le point de vaciller « Le héros légendaire de Cadren ? celui qui a combattu le Fléau et qui dirige le Septime ?
– En personne !
– Mais alors vous êtes…
– Je suis Luna Asben 3eme du nom, fille de Rylène, disciple du seigneur Vanguard et capitaine des chevaliers de la Plume »
Khal était stupéfait, mais finalement pas tant que ça… qui d’autre qu’un héros de cette trempe pouvait lui faire entendre raison ? Quand à Luna, c’était elle aussi une héroïne, et aussi très certainement une grande combattante.
Pour la première fois depuis longtemps, Khal vit un monde de possibilité s’ouvrir devant lui, un monde ou il devait faire ses preuves, un monde ou de puissants rivaux se dresseraient sur son chemin, mais aussi un monde où il pourrait rencontrer des gens extraordinaires, des gens comme Vic Vanguard qui savaient regarder au delà des apparences.
Et tandis que ses amis partaient à toute jambe pour éviter la milice, Il s’assit par terre et regarda vers le ciel, réalisant que c’était la seule limite à ses ambitions.