Reconversion
La salle d’attente du bureau de recrutement était aussi cosy que les bars chics de l’aéroport, ceux avec un grand piano à queue dont joue un pianiste en costume à qui on laisse un billet dans un verre à cognac.
C’était le genre d’endroit ou Jane se sentait à l’aise, comme si c’était son milieu naturel. Elle scrutait avec attention la toile fixée sur le mur à sa gauche : était-ce un Zapparelli ou bien un Lucano période « étoiles » ? En tout cas c’était une très belle œuvre, représentant une vierge Marie cosmique tenant dans ses bras un bébé Jésus qui ressemblait au surfer d’argent.
Le responsable de recrutement entra alors dans la salle d’attente. C’était un homme d’une bonne trentaine d’année, les tempes grisonnante, vêtu d’un strict costume gris souris :
« Madame Smith ? Je suis William. B Bernstein, chargé de recrutement : ravi de vous voir enfin en personne ! «
Bernstein tendit la main vers Jane qui la regarda avec circonspection.
« Euh… dites Willy… je peux vous appeler Willy ? vous vous êtes lavé les mains récemment ?
– Pardon ?
– Oui oui je sais ça semble très saugrenu dit comme ça, mais avec le fluorure qu’il y a dans l’eau, si vous vous êtes lavé les mains et bien c’est toxique… remarquez maintenant que je dis ça si vous ne vous êtes pas lavé les mains ça ne serait pas très hygiénique non plus… oh je sais ! faisons-nous la bises ! »
Aussitôt Jane se leva de son siège et fit la bise à Bernstein qui se demanda un instant s’il n’allait pas refuser, puis, après réflexion, estima que ce n’était pas tous les jours qu’une aussi belle femme vous proposais aussi spontanément un peu de contact physique, aussi subreptice fût-il.
Après cette entrée en matière peu académique, Jane réajusta son blazer rouge « Rosso Corsa » et adressa un grand sourire à William et attendit la suite. Bernstein, faisant fi des énormes traces de rouge à lèvres qu’il avait sur les joues, fit signe à Jane de le suivre et la conduisit dans son bureau.
Tout comme la salle d’attente, c’était un bel espace, très lumineux avec sa baie vitrée qui laissait voir la ville, et très luxueux avec son mobilier design tout en métal et en cuir brun. William prit place derrière son bureau minimaliste en verre opaque et invita de la main Jane à s’asseoir dans le grand fauteuil style bergère qui lui faisait face. Elle s’installa en ondulant sensuellement les hanches pour se baisser, jambes serrées et termina en tirant légèrement les plis de sa jupe fourreau.
William faisait son possible pour garder son sérieux, mais Jane était troublante et attirante, avec sa longue chevelure blonde cendrée et ses yeux verts émeraude qui vous caressait à chaque regard.
Jane se rendit compte du trouble qu’elle suscitait chez son interlocuteur. Elle avait l’habitude de faire cet effet aux hommes, et savait en jouer avec parcimonie. Etre juste « une belle plante » n’avait jamais été son objectif, mais elle n’allait pas s’enlaidir pour éviter qu’on la dévorer des yeux. De toute façon, la plupart des hommes dévisageaient les femmes sans scrupule, quelle que soit leur apparence, elle n’avait donc aucune raison de se priver d’un peu de coquetterie.
Le recruteur tira d’une pochette cartonnée le CV de Jane et commença à le relire pour se remettre dans le contexte.
« Alors, madame Smith…
– Allons Willy… appelez-moi Jane.
– Très bien Jane. Et bien sachez tout d’abord que nous avons été impressionné par votre curriculum. Que ça soit vos références et les résultats de vos tests d’aptitude : c’est du jamais vu ici.
– Oh vous me flattez Willy…
– Je suis sincère, vraiment, nous sommes un cabinet d’expert et nous voyons passer beaucoup de gens de talent, mais vous… une expertise comme celle-là c’est extraordinaire !
– Ah que voulez-vous : j’ai roulé ma bosse ! »
C’est vrai que Jane n’avait pas chômé ces 20 dernières années.
« Du coup Jane je suis bien embêté car je ne sais pas quelles offres vous proposer : vous seriez parfaite pour n’importe quel poste que nous avons à offrir !
– Formidable : du coup je vais pouvoir choisir ?
– J’aimerai en effet vous soumettre quelques propositions que j’ai sélectionné et qui pourraient vous aider dans votre reconversion. »
William tira de la pochette quelques fiches correspondant aux postes possibles et en prit une en particulier :
« On commence ! que diriez-vous de devenir enseignante à l’université de science politique de San Francisco
– Oh ça à l’air passionnant ! et puis j’adore leur équipe de football.
– Vous auriez en charge des classes de tout niveau, et vous feriez 6 cours par semaines.
– Mais est ce que j’aurais le droit de venir en cours en blazer ?
– Euh… eh bien oui : au contraire, je suppose que cet établissement exige une certaine tenue pour ses enseignants.
– Oh excellent alors. En plus j’adore les enfants : ils sont si mignons.
– Hum… sauf que là vous savez ce seront de jeunes adultes.
– Hum… quel dommage : j’aurais préféré des plus petits si c’est possible ? »
Le recruteur haussa un sourcil. Sans doute était-ce une boutade, aussi il décida de rire poliment.
« Sinon tant pis… » compléta Jane un peu déçue « mais leur enseigner s’ils ont déjà 18 ou 20 ans c’est peine perdue !
– Comment ça ? je ne vous suis pas…
– En fait il se trouve que dans mon précédent job, je faisais déjà ce genre de chose, et c’était avec des enfants de 8 ans…
– Euh attendez justement ! concernant votre ancien job j’ai omis de vous demander une précision… » dit William en cherchant sur le bureau le CV de Jane « Ah ! le voilà… vous mentionnez que vous avez travaillée pendant 26 ans pour diverses filiales du même groupe, NWO… j’ai du mal à situer, c’est quoi comme entreprise ?
– NWO ? oh ! mais bien sûr ! suis-je bête : j’aurais dut l’écrire plus clairement ! c’est le New World Order ! »
William resta à nouveau figé, pas sûr d’avoir bien compris, et marmonna du bout des lèvres :
« Vous… vous voulez dire… Le nouvel ordre mondial ? les…
– Oui c’est ça : les Illuminatis ! Ah je vous prie sincèrement de m’excuser, mais j’ai tellement l’habitude de l’abréger comme ça ! c’est évident qu’un non initié n’aurait pas compris ! »
Jane se mit à rire tant elle était confuse de son erreur. William lui, n’avait toujours pas bougé d’un centimètre et gardait la même expression figée sur le visage.
« En fait le groupe est assez strict sur les reconversions, mais il se trouve que le chef de la loge Septentrionale du Massachusetts avait fait voter un amendement à ce sujet à l’époque ou-il à voulut devenir magicien illusionniste. Du coup on s’est tous demandé…
– Attendez ! stop ! vous me dites que vous êtes une ancienne illuminati ?
– Oui… enfin j’ai encore droit à la newsletter et à mon ballotin de chocolat a noël, mais pourquoi cette question ?
– Mais enfin ça n’existe pas les Illuminatis !
– N’est-ce pas la preuve que nous faisons bien notre travail ? hum ? »
Cette réponse en forme de question bloqua totalement William. Effectivement, si les Illuminatis existaient, et qu’ils souhaitaient se reconvertir, il serait compliqué de prouver ce qu’ils disent vu leur légendaire sceau du secret…
« Mais alors dans ce cas pourquoi me racontez-vous tout ça !? ah ah ! je vous tiens !
– Oh non mais ça c’est simple : vu que des gens SAVENT que les Illuminatis existent, nous pouvons l’affirmer sans crainte puisque ce n’est pas un vrai secret. Pourquoi gâcher le plaisir des paranoïaques en plus ?
– Enfin ça n’a pas de sens !
– Comment vous croyez que j’ai pu amasser un CV pareil ? en travaillant pour l’IRS ou à la direction d’une multinationale ? Une femme à 4 fois moins de chance d’avoir une promotion dans ces milieux interlope je vous ferais dire !
– Alors que chez les Illuminatis…
– Et bien chez nous les femmes ont les mêmes salaires à compétences égales ! »
Il fallut un instant à William pour digérer l’information. Jane avait l’air parfaitement sérieuse et il était évident qu’elle était parfaitement convaincue de son histoire.
« Bon alors mettons que ça soit vrai et que vous soyez réellement une illuminati : pourquoi voudriez-vous changer de métier et perdre tout ce pouvoir ?
– Ca me parait pourtant évident !
– Et bien pas à moi » répondit William du tac au tac.
– Et bien tout simplement parce que ce pouvoir comme vous dites, c’est une énorme source de pression ! au quotidien diriger le monde c’est du stress, des obligations, et à peine 5min pour avaler un sandwich le midi ! ah c’est sûr que j’ai pu garder une ligne d’enfer pendant des années en mangeant comme un prêtre bouddhiste pendant tout ce temps ! » ironisa Jane « Sauf que moi j’ai envie d’avoir le temps de me faire des petits plats devant cuisine TV et de faire la grasse matinée le weekend !
– Vous n’aviez pas de weekend ?
– Le monde ne s’arrête pas quand le calendrier arrive en bout de course vous savez. Et puis comme on dit chez nous, il est toujours midi quelque part dans le monde ! Donc non Willy, ça fait des années que je n’ai pas profité d’un weekend, ni d’un petit moment de détente le soir après le boulot. J’ai VÉCUE dans mon boulot jusqu’à maintenant et j’ai très envie que ça change !
– Mais enfin vous devez avoir de l’argent ? pourquoi chercher un travail ?
– Ah ça c’est parce que je ne veux pas me ramollir vous savez… à mon âge… »
William consulta la fiche de Jane et constata qu’elle avait… 76 ans !
Le soudain redressement de tête qu’il effectua laissa comprendre à Jane qu’il était surpris. Sans manière, elle lui expliqua :
« Vous ne saviez pas qu’on utilise de la moelle de bébé pour se faire des masques rajeunissant ?
– Mais c’est horrible !
– Meuh noooon : quand c’est petit un bébé c’est tout mou, ça ne sent rien. Et puis avant d’utiliser la moelle on fait des prélèvements pour dépister des maladies : c’est gagnant gagnant !
– Seigneur !
– Roh attendez ne me dites pas que ça vous choque Willy !
– Si ! car je suis père de famille !
– Ah ? vous voulez dire que ça vous choque par rapport à Dylan et Raquel ?
– Comment vous connaissez leur prénom… ? » demanda William d’une voix blanche
Jane se mordilla les lèvres et leva les yeux au ciel.
« Raaah je suis gênée je n’aurais jamais du vous le dire… excusez-moi c’est une seconde nature : quand je vais rencontrer quelqu’un c’est maniaque, je lis toujours sa fiche avant.
– Ma fiche… quoi vous m’observez ?
– Bah oui : comme tout le monde, via votre mobile et vos ordinateurs »
Jane se pencha vers William et sourit d’un air complice :
« D’ailleurs je sais que vous êtes allez sur des sites un peu… olé olé !
– Euh… c’était un accident ! à cause d’une publicité…
– Vous savez qu’on vous voit aussi à travers la webcam ?
– … des fois je me sens seul parce que ma femme voyage beaucoup » confessa William.
Jane poussa un soupir de compassion :
« Oh pauvre Willy. Je pourrais vous faire rencontrer des filles si vous voulez ?
– Non merci ! j’aime ma femme !
– Ah mais ne soyez pas si obtus, j’ai dit « rencontré » je ne suis pas une mère macrelle. C’est juste que j’ai plein d’amie qui comme vous ont besoin d’un petit coup de boost affectif.
– Ecoutez Jane je crois que nous allons en rester là et…
– Oh non s’il vous plait ! »
La supplique de Jane avait jailli comme un éclair.
« J’en ai marre d’être une illuminati, de connaitre les secrets de tout le monde et de manipuler la société. Je veux juste être une femme normale avec un travail, une jolie maison… peut-être même que je me trouverais un gentil mari et qu’on aura des enfants !
– à 76 ans ?
– Vous vous ne connaissez pas encore les techniques de clonage hybride hein ? » dit Jane avec un clin d’œil.
William regarda sa cliente : sa sincérité ne faisait aucun doute, elle voulait vraiment changer de vie. Après tout, si ses compétences étaient là, est ce que les raisons importaient vraiment ?
« Willy, je suis compétente ! je parle 7 langues et j’ai 3 masters. J’ai beaucoup d’expérience et j’ai très envie d’un vrai travail ! vous ne pouvez pas me reléguer en bas de la pile comme ça…
– Non en effet » dit le recruteur d’un ton calme « et c’est une erreur dont je vous prie de m’excuser. Je n’ai pas à me baser sur vos anciens employeurs : seule vos compétences comptent. »
Jane retrouva le sourire
« Ah merci Willy… alors on continue ? qu’est-ce que vous auriez à me proposer d’autres ? »
William tira une autre fiche de la pile et commença à en faire la lecture à Jane :
« Responsable d’une équipe de développement informatique auprès d’un fournisseur de la défense ?
– Ca serait sympa mais… j’ai un peu peur de retomber dans mes anciens travers… non quelque chose qui n’implique pas la sécurité du pays serait plus raisonnable
– Hum… je comprends » dit William avec empathie « Et que diriez-vous de travailler pour un bureau d’étude automobile spécialisé dans la motorisation ?
– Je ne sais pas trop… avec l’énergie noire les moteurs classiques seront obsolète : je n’ai pas envie de travailler dans le vide »
Le regard figé de William fit comprendre à Jane qu’il ne comprenait pas un traître mot de ce qu’elle venait de dire.
« En fait cela fait un moment que nous avons découvert l’énergie noire, une source d’énergie bon marché et très puissante, et d’après notre grand agenda, celui ou on planifie toutes nos opérations des années à l’avance, on va révéler cette technologie au monde d’ici 2 ans. D’ailleurs je ne devrais pas vous le dire mais comme je vous aimes bien, sachez que si vous voulez vous faire un petit pactole, il faut spéculer à la baisse sur les compagnies pétrolière !
– Oh ? c’est très gentil ça comme conseil Jane
– Mais non voyons : vous m’aidez dans ma reconversion, c’est normal que je vous renvoie l’ascenseur… et puis vu que les prix pour l’université vont grimper en flèche il faut vous faire une cagnotte dès maintenant pour envoyer Dylan à… »
A nouveau William était figé de stupéfaction.
« Désolée ! vraiment ! Ah je me sens nouille : mais c’est parce que vous m’êtes sympathique Willy !
– C’est bon… » dit-il dans un soupir « mais bon calmez-vous avec ce genre d’allusion s’il vous plait ?
– Oui oui promis !
– Bon sinon je vois une autre offre très intéressantes : travailler dans la recherche et développement pour un éditeur de jeu vidéo ?
– Ca serait bien, mais ça aussi c’est un milieu qu’on noyaute depuis des années…
– Ah bon ? les jeux vidéo ?
– Notre but est de faire en sorte que les gens ne voient plus la frontière entre réel et virtuel. Comme ça on pourra plus facilement passer à l’étape des modifications génétiques vu que les jeux donnent l’habitude aux gamins d’avoir des upgrades.
– Fichtre ! c’est drôlement bien pensé comme plan ! Tordu mais bien pensé
– Oh vous me flattez Willy…
– C’est vous qui vous occupiez de ça ?
– Oui c’était un de mes projets. C’est pour ça que j’ai autant de référence dans ce domaine. »
William et Jane échangèrent un rire complice
« Et pourquoi pas un boulot dans la presse ? » enchainât William « J’ai quelques clients qui seraient ravi d’avoir une rédactrice en chef de votre calibre !
– La presse écrite ? c’est vrai que ça pourrait être sympathique. Mais ça serait pour des journaux ?
– Non : un magazine people. Du coup pas de risque de retomber sur des gens de chez vous »
Jane esquissa un sourire malicieux
« Sauf que c’est tout le contraire mon p’tit Willy : le milieu people regorge d’illuminati. Par exemple, le tube de la chanteuse Red Tina, et bien c’est quelqu’un de mon équipe qui l’a composé !
– ça par exemple ! c’est vous qui avez créé « Don’t Let my booty lonely » ? je n’ai pas arrêté d’écouter cette chanson, c’est un vrai tube.
– Et pour cause : nous l’avons créé sur la base d’un algorithme performatif qui établit tout ce qu’il faut pour faire un hit. Rythme à 80 pour coller au rythme cardiaque fœtal, suite d’accord LA, MI, FA, SOL et j’en passe. Par-dessus ça nous avons inclut un signal subliminal qui boost les niveaux de sérotonine de ceux qui l’écoute ce qui du coup procure une sensation immédiate de bienêtre.
– Ah ! c’est pour ça que cette chanson relaxe autant ? je me disais aussi… Mais pour en revenir au job, vous êtes sûre que ça ne vous tente pas ?
– Là encore j’aurais peur de retomber dans mes anciens penchants. C’est comme être un ex fumeur et devoir gérer un bureau de tabac : trop de tentation. Je serai trop faible.
– Ne soyez pas si dure avec vous même Jane. Il faut de la force de caractère pour faire ce que vous faites. Moi je suis admiratif !
– C’est vrai ? oh Willy vous êtes un amour… Allez : proposez moi autre chose je suis sûr que cette fois-ci ça sera la bonne »
William tira alors une autre pile de fiche qu’il se mit à parcourir. Bon nombre d’entre elles auraient parfaitement convenue à Jane, mais désormais le recruteur ajoutait le paramètre illuminati dans son analyse. Il s’arrêta sur une fiche et demanda à Jane :
« Dites-moi : vous contrôlez aussi le monde associatif ?
– Ça dépend : à quoi pensez-vous ?
– Et bien il y’a une ONG qui nous à demander à titre bénévole de chercher un candidat pour eux.
– Oh ! ça a l’air bien dites donc ! Et qu’est ce qu’ils font ?
– Ils font de la scolarisation en Afrique et aident au développement…
– Laissez-moi deviner : c’est l’association « Scolaris » ?
– Vous connaissez ?
– Oh que oui : c’est un projet d’un ancien collègue, il voulait utiliser ça pour désinformer l’opinion sur notre gros projet de déculturation des masses.
– C’est à dire ?
– Et bien en fait nous produisons des séries nulles et des émissions stupides pour rendre les gens idiots et donc plus facile à manipuler.
– Mais alors du coup pourquoi cette association.
– Comme je vous l’ai dit : c’est pour donner le change. On fait croire qu’on éduque les africains et zou, on diminue les craintes. Comme les gens sont très raciste, ils pensent que l’Afrique c’est un énorme pays, sans prendre en compte les spécificités culturelles locales, et ça les rassures de voir des actions qui visent à leur donner la même éducation que chez nous… sauf qu’en fait ils ne font rien la bas.
– J’ai lu qu’ils installent des puits et construisent des écoles…
– Oui, mais ça c’est pour faciliter notre plan de développement d’un grand complexe touristique : les puits apportent l’eau pour les SPA, et les écoles forment le personnel des futurs hôtels. Vous ne croyez quand même pas que dans un cinq étoiles se sont les clients eux même qui vont dépanner leur wifi ? »
William acquiesça, certain que l’expertise de Jane en la matière faisait office d’argument d’autorité.
Le recruteur regarda les fiches qui lui restait, et arriva malheureusement à la conclusion qu’il n’avait rien à proposer à Jane qui puisse correspondre à ses attentes. Il lui annonça la nouvelle avec tact, et attendit sa réaction qui ne tarda pas à arriver :
« Arf… je savais que ça ne serait pas facile. Et bien tant pis. En tout cas je vous remercie de vos efforts et de votre compréhension Willy. Je suis désolée de vous avoir fait perdre votre temps…
– Ne dites pas ça Jane, ça a été un plaisir de vous rencontrer… »
Jane se releva, défroissa sa jupe et tendit la main vers William.
« Vous ne craignez plus… ? » demanda le recruteur
– Je prends le risque » dit Jane
William lui serra la main et la raccompagna à la porte de son bureau. Mais alors qu’elle était sur le point de franchir le seuil, Il lui demanda d’attendre :
« Jane : donnez-moi un instant je vous prie ! juste une minute ! »
Il se précipita vers une large armoire à dossier qu’il fouilla frénétiquement avant d’en retirer une pochette mauve qu’il rapporta à Jane :
« C’est une demande de la part d’un éditeur qui recherche des auteurs
– Mais… je ne suis pas écrivain ?
– Peut importer, le but c’est de créer des romans pour ado.
– D’accord… mais ça ne change rien ?
– Et bien si ! ces romans ne sont pas le fruit d’auteur, mais d’équipe de développement !
– Ah bon ? » s’étonna Jane « mais enfin j’ai vu ces auteurs en dédicaces ou bien en interview pourtant ?
– Ce ne sont que des acteurs : les éditeurs les engagent, leur inventent une histoire et collent leur photo sur une couverture ! et c’est comme ça que tous les gamins ont l’impression que ce qu’ils lisent est de la vraie littérature !
– Ca alors ! mais c’est dingue ! et le grand public ignore tout ça ?
– Peu de gens le savent, la plupart ne veulent pas y croire.
– Et vous pensez que j’aurais mes chances ?
– Il faudra manipuler les gens, leur donner l’impression que tout est normal, que la réalité n’est pas ce qu’elle est et ce dans le but de faire des ventes… ne me dites pas que ça ne vous rappelle pas votre ancien boulot ?
– Oh je vois ! sauf que là j’aurais des weekends et des horaires normaux ! Oh Willy c’est formidable ! » dit Jane en lui sautant au cou.
– Et bien vous voyez ! on a fini par y arriver !
– Vous êtes le meilleur Willy : je vous recommanderai au grand maître de la loge de Sacramento ! »
William ne sût dire si c’était une bonne ou une mauvaise chose et se contenta de sourire.