L’honneur des Chateauciel
Le modeste comté de Chateauciel, situé non loin de Chantilly, était le fief d’une des familles les plus renommé de France et ce depuis l’époque de Charlemagne. En effet, le comte de Chateauciel et ses enfants étaient tous destiné à devenir les protecteurs du Roi. Vivant pour le devoir, rompu au combat et prêt à tout les sacrifices, ils étaient des parangons de droiture et d’honneur.
En ce jour d’été orageux, le comte Henri de Chateauciel donnait la leçon à sa fille Elise dans la salle d’arme du manoir familiale. Cette grande pièce au sol de marbre blanc était un immense espace vide dont seuls les murs étaient pourvut. Ils étaient en effet couvert d’armes de toute sorte, généralement de qualités exceptionnelles, que la famille se passait de génération en génération. Chaque membre se faisait un devoir d’entretenir ce patrimoine et de trouver de nouvelles pièces pour l’agrémenter.
Henri avait choisit d’utiliser une lourde hallebarde dont le manche était fait d’un solide morceau de frêne afin d’entraîner Elise à affronter un adversaire avec plus d’allonge. Tournant autour d’elle à bonne distance tandis qu’elle le suivait du regard, il égrainait ses conseils de sa voix puissante :
« …les armes d’Hast sont tes pires ennemis : leur allonge est supérieure à celle de l’épée et leur estoc est imparable sans bouclier. Ta seule chance c’est ta vitesse et ta petite taille : c’est une arme lente a cause de son amplitude, et si ton adversaire manque son coup tu peux le terrasser avant qu’il ne réarme son attaque. Mais dis toi bien que tu n’auras pas deux fois l’opportunité de tromper un expert… »
Elise ne répondit que d’un hochement de tête. Lors des entrainement, il n’était pas question d’émettre un avis ou de prononcer un mot. Durant ses moments, ce n’était plus son père à qui elle faisait face, mais à un maître d’arme a qui elle devait respect et obéissance.
Henri porta un premier coup d’estoc droit dans la ligne d’Elise que cette dernière évita rapidement en se décalant d’un pas sur le côté. mais l’habile combattant avait prévu ce mouvement : il fit tourner la hallebarde de façon à ce que le côté tranchant se trouve à l’horizontale tandis qu’il ramenait l’arme vers lui. Elise réalisa trop tard la feinte et reçut le coup tranchant le long de son biceps qui heureusement était protégé par une cotte de maille.
La jeune femme pesta : a chaque début d’entrainement elle refusait d’enfiler cet accessoire qui pour elle était plus une gêne qu’autre chose, et à chaque fois elle finissait par recevoir une attaque qui l’aurait gravement blessée sans cette protection.
Henri put lire dans ses yeux la détermination et la hargne : exactement ce qu’il voulait. Il était convaincu que tout comme une épée, un bon combattant se forgeait avec des coups dans le feu d’un affrontement réel. Il fallait aussi que le combattant ait soif de victoire, et c’est pour cela qu’il avait constamment défié Elise depuis son plus jeune age afin qu’elle cherche à le dépasser.
Le comte de Chateauciel était fier de sa fille, car c’était sans doute une des meilleures lames du royaume, mais il craignait toujours qu’elle ne soit pas assez préparée. Aurait il agit différemment si le Seigneur lui avait donnée un fils ? il éluda la question, estimant que ses filles valaient bien dix soldats chacune.
Lors des passes d’armes suivantes, Elise fut plus attentive aux mouvements de la hallebarde et commença à comprendre comment se décomposaient les mouvements d’attaque : préparation, impulsion, pivot, rétractation puis remise en garde. Le rythme était beaucoup moins fluide et vif qu’a l’épée, mais la portée de l’arme et sa puissance ne lui offrait pas d’opportunité de contrer. Henri était trop habile pour laisser paraître de faille dans sa défense.
« Tu ne gagneras pas en te précipitant sans réfléchir Elise » reprit Henri « Les armes d’Hast ont un point faible, et ce n’est que lorsque tu l’auras compris que tu pourras espérer dominer ton adversaire »
Henri ne donnait jamais directement à ses filles la réponse à un problème. Il préférait les laisser s’en sortir par elle même, afin que si jamais elles se trouvent face à une situation inconnue, elles aient le réflexe de réfléchir. De toute façon, Elise était bien trop fière pour accepter une réponse toute faite…
Elle observa Henri attentivement, jaugeant chacun de ses mouvements. Comment il répartissait ses appuies au sol, la manière dont il tenait l’arme, où se portait son regard, mais aussi comment ses épaules s’alignaient avec ses hanches avant de frapper et à quel moment prenait il son souffle. Chaque détail se gravait dans son esprit, formant un tableau si précis qu’elle aurait put le revoir en fermant les yeux.
Henri savait quelle genre de réflexion avait sa fille, et était persuadé qu’elle allait rapidement trouver la solution. Cependant, pour la titiller, il porta une attaque soudaine afin de la déconcentrer, mais surtout pour lui rappeler que sur le champ de bataille, il n’existe aucun moment de répit.
Prise au dépourvut, Elise recula d’un pas tandis que Henri portait un estoc de bas en haut. Sur sa lancer, il avança de deux pas et agita la hampe de son arme pour continuer d’agresser son opposante qui recula encore en se couvrant de son épée. Henri accéléra alors son avancée ce qui décida Elise à prendre l’initiative. Elle s’avança en couvrant son côté gauche ou se trouvait la hallebarde, et se prépara à frappé d’estoc. Mais alors qu’elle piqua en avant, ce ne fut que le vide que sa lame rencontra : Henri avait anticipé l’assaut. Il avait tourné sur lui même de la droite vers la gauche pour porter un coup latérale avec la hampe tout en se dégageant de la ligne d’attaque de la jeune femme.
Elise reçu le coup en plein dans le dos et s’écroula sur le torse dans un lourd claquement provoqué par sa cotte de maille. La douleur était fulgurante, d’autant plus que sa protection n’était d’aucun secours contre une attaque de ce genre. Pire encore, elle n’avait fait que la renforcer, l’impact s’étant concentré sur les maillons, tout juste amorti par l’épaisse tunique de coton qu’elle portait en dessous.
Henri lui attendait que Elise se relève, son arme dressé à côté de lui.
« Et bien Elise ? était ce là tout ce que tu avais trouver à faire pour m’atteindre ? »
La jeune femme compris aussitôt au ton employé que l’exercice était fini et que la parole lui était de nouveau permise.
« Votre arme est lente : je pensais pouvoir frapper avant que vous ne repreniez votre posture… » dit la jeune femme toujours au sol.
– Redresse toi lorsque tu me parles ! » hurla Henri avec autorité.
Elise roula sur le côté et mit un genou à terre péniblement. C’est alors qu’elle vit sous son nez la hampe de la hallebarde. En redressant le regard, elle put lire de la bienveillance dans les yeux de son père. Malgré sa rigueur, Henri était un homme bon et qui aimait ses filles.
La jeune femme saisie la hampe et s’en aida pour se relever.
« Merci Père… » dit elle timidement.
– Elise tu es brave : mais attaquer ma ligne comme tu l’as fait c’est de la folie. Tu n’avais pas idée de ce que tu allais faire. Tu comptes trop sur ta chance.
– L’étoile des Chateauciel est une bonne protectrice Père. Plus d’une fois elle m’a sauvée la vie.
– Il est bon d’avoir le ciel pour gardien Elise, mais pour autant ne force pas trop sa bienveillance. Tant que tu ne comprendras pas la force des armes d’hast, ce genre de bravade pourra te coûter la vie ! »
Ce n’était plus l’intransigeant maître d’arme qui parlait, mais le père aimant et inquiet pour ses enfants.
« Je sais Père. Je vous promets de ne plus autant agir impulsivement…
– Oh… je sais bien que je te demande beaucoup : tu es comme ta mère ! Mais… épargne à un vieux soldat plus de frayeur qu’il ne pourrait en supporter d’accord ? »
Elise avait du mal à exprimer son affection pour son père, surtout dans ses moments intimes. Elle ne savait concilier son rôle de jeune fille avec celui de chevalier et distinguer le père du mentor.
Mais tandis que tout deux s’échangeait des regards pleins d’affection, entra avec fracas dans la salle d’arme Gaston, le serviteur dévoué des Chateauciel, ainsi qu’une escouade de soldat.
« Monsieur le comte ! » hurlait Gaston « Je vous conjure de me croire ! ses messieurs sont entrés de force dans le domaine ! Ils n’ont pas voulut m’écouter !
– Du calme mon ami… » dit Henri afin d’apaiser son serviteur qui tremblait comme une feuille « Et vous messieurs ? que signifie tout cela : de quel droit forcez vous ma porte et effrayez vous mes gens ? »
Au milieu des soldats émergea un chevalier portant les armoiries du Cardinal de Richelieu. Il se présenta respectueusement devant Henri, retira son chapeau, et lui tendit un billet cacheté du sceau du cardinal afin de prouver sa légitimité.
« Monsieur le comte, je me nomme Flavien de Sartac, et au nom du Cardinal de Richelieu je vous somme de nous suivre sans opposé de résistance…
– Monsieur de Sartac… auriez vous l’obligeance de me dire pour quelle raison je serai amené à vous opposer une quelconque résistance ? »
De Sartac hésita. Scrutant du regard, il tenait à s’assurer que les soldats qui lui faisaient escorte étaient vigilant, car la réputation d’Henri l’intimidait grandement.
« Son… son éminence à demandé votre arrestation…
– Oh ? et pour quel motif ? » demanda Henri sans se départir de son calme.
– Quelqu’un à mit le feu à l’atelier de maître Dobreson hier au soir…
– Dobreson ? l’armurier des mousquetaires ?
– Lui même messire…
– Diantre voila qui est terrible : c’est un brave homme dont le travail est exemplaire. J’ai moi même souvent recours à ses services. Mais quel est le rapport avec moi ?
– L’incendiaire à été aperçu par des hommes de la milice tandis qu’il faisait son affaire… ils se sont même battu et ils les à tous tués. Maitre Dobreson à prit par au combat et est formel quand à la description de l’incendiaire… et surtout… il utilisait une épée unique en son genre : une Ascalon »
Les lames d’Ascalon étaient des épées qui furent forgés des siècles de cela par un maitre armurier qu’on disait béni par saint Georges. Elles étaient non seulement de fort belle facture, parfaitement équilibré et coupante comme des rasoirs, mais aussi robustes au point qu’on les disaient invulnérables. Avec le temps, il ne resta plus qu’une poignée de ses armes encore en circulation…
« Hum… je vois. » repris Henri « Et je suppose que je correspond à la description de votre incendiaire ? et que bien entendu vous tenez du Cardinal lui même que je possède une Ascalon ?
– Oui messire… » répondit timidement De Sartac « C’est pourquoi nous sommes tenu de vous mettre aux arrêts et de…
– MENSONGES ! » Hurla Elise de colère.
La jeune femme se précipita sur les soldats en tirant l’épée.
« Comment osez vous insultez mon Père sous notre toit !? Je vous jure sur la saint croix : je passerai par le fil de mon épée quiconque le traitera encore de criminel ! » dit elle en menaçant les gardes.
Mais avant qu’ils ne réagissent Henri gifla Elise si soudainement qu’elle en lâcha son épée.
« Elise Angélique Charlotte ! Ces hommes sont des envoyés du Cardinal : tes menaces sont une injure à son éminence !
– Mais Père… » soupira la jeune femme déboussolée
– Suffit ! Si tu ne sais pas te tenir, tu n’es pas digne de porter notre nom ! »
Elise avait connu bien des combats, et endurée milles blessures. Mais ce que venait de dire son père était la pire douleur qu’elle n’avait jamais ressenti.
Flavien de Sartac ordonna a ses hommes de se saisir de Henri et de chercher son épée comme preuve. Il demanda aussi qu’Elise soit mise aux arrêts pour s’être opposé a des envoyés du Cardinal. Henri accepta sans rechigner, mais lorsque Flavien passa à sa porté il le saisit par le bras et lui dit d’un ton menaçant :
« Monsieur… je ne suis pas homme à tolérer l’inconduite de mes enfants… et je crois que quelques jours de cachot ne feront pas de mal à cette petite furie… mais soyez assuré que si quelque mal lui soit fait impunément, les murailles de Paris ne seront pas assez épaisse pour vous protéger de ma colère : suis je clair ? »
Terrifié, de Sartac jura qu’Elise ne serait qu’enfermée une journée ou deux dans une cellule isolé ou elle n’aurait pas à craindre les autres détenus, ce à quoi Henri répondit qu’il ne valait effectivement mieux pas pour leur sécurité que d’autres détenus soient avec Elise…
***
La prison du châtelet disposait certes de cachots humides et sordides pour les criminels de bas étages, mais elle comptait aussi des cellules beaucoup plus « coquette » disposant de fenêtre avec vu sur la Seine qu’on réservait aux détenus « de marque ». Le plus souvent, il s’agissait de nobles ayant commis un crime ou bien qui attendaient leur procès. C’est dans une de ces cellules que fut conduite Elise manu militari.
Henri lui avait ordonné de se laisser arrêter et de ne pas opposé de résistance, ce qu’elle accepta à contre cœur. Cependant elle n’avait put tenir sa langue et tout le trajet durant jusqu’à la prison, elle avait traiter les soldats de tous les noms, leur promettant mille tourment s’il arrivait quoi que ce soit à son père bien-aimé.
Allongée sur le lit de paille situé sous la fenêtre barrée de deux lourds barreaux en fer forgé, elle se rongeait les sangs en songeant au sort réservé à Henri, et elle pestait contre son impuissance.
Elise essaya de garder l’esprit clair : elle savait que pour l’instant elle devait attendre, et décida de profiter de la situation pour se reposer jusqu’à ce qu’on la libère. Elle ferma les yeux, mais les questions qui la tiraillait la tenait éloignée du sommeil. Elle se tourna dans tous les sens, essayant de trouver une position confortable, mais dut se résoudre à rester éveillé.
L’affaire était complexe, car si c’était l’armurier des mousquetaires qui avait été visé, cela voulait dire que le capitaine de Trévise demanderait des comptes. De plus, il y’avait fort à parier que le Roi lui même s’implique, ne pouvant tolérer une atteinte a ses soldats d’élite.
Un cliquetis venant de la porte de la cellule interrompit Elise dans ses pensés. Elle se redressa et s’approcha à pas de loup de la porte tout en tendant l’oreille. Les cliquetis continuaient, se faisant de plus en plus insistant. Elise entendit alors le bruit du pêne de la porte qui se débloquait tandis qu’on poussait la porte. La jeune femme se prépara : si quelqu’un forçait ainsi sa cellule pour l’assassiner, elle vendrait chèrement sa peau !
Entra alors dans la cellule une femme splendide a la chevelure blonde qui semblait tout droit sortie d’un conte de fée. Elle portait une robe à crinoline jaune soleil bordé de rubans et de dentelles. Avec prestance, elle s’approcha d’Elise qui était éberluée.
« Ah Elise, mon ange te voila !
– Marion ? Par Saint George que fais tu ici ??
– Et bien de toute évidence je te délivre ma chère sœur…
– Comment as tu pu entrée avec… ce machin ! » dit Elise en désignant la toilette de Marion.
– Hum… tu réfléchis si mal mon petit ange : c’est par la grâce de ce « machin » que j’ai pu rentrer ! » répondit Marion malicieuse.
– Je vois… et je peux savoir pourquoi la « Reine de Glace » s’est donnée la peine de venir me sortir d’ici au lieu de s’occuper de Père ?
– Oh de grâce… veut tu cesser avec ce surnom ridicule mon ange ? Je suis là a la demande du Cardinal figures toi… »
Si Marion Léontine Prudence de Chateauciel portait le surnom de « Reine de Glace » c’était tout autant pour sa beauté froide que pour son attitude : agent du Cardinal en tant qu’espionne émérite, elle savait masquer ses émotions et lire dans celles des autres pour mieux les manipuler sans remords. Si Elise était une combattante féroce, Marion était une stratège préférant résoudre les conflits avec son intelligence et son charme plutôt qu’avec ses poings. Comme tous les Chateauciel, elle était dévouée à la cause du royaume et le servait au mieux sans sourciller.
« Le Cardinal à fait arrêter Père mais il te demande de me faire évader ? quelle diablerie est ce cela ? » s’indigna Elise.
– Peut être pourrions nous parler de tout cela dans un endroit plus propice non ? »
Marion fit signe à Elise de lui emboîter le pas. Cette dernière obtempéra, furieuse mais bien obligée d’admettre qu’il ne fallait pas traîner. Les deux sœurs descendirent le grand escalier qui menait au premier étage et longèrent une coursive pour contourner l’entrée principale.
Malheureusement, elles y firent une mauvaise rencontre en la personne de Flavien de Sartac qu’elles croisèrent au détour d’un couloir.
Ce dernier était retourné au châtelet après y avoir déposé Elise afin de rédiger le procès verbal de l’arrestation. Dès qu’il aperçu Elise, il porta la main à son épée, mais alors qu’il était sur le point de dégainer, Marion l’en empêcha en agrippant son bras. Le visage marqué par la peur et le supplia d’une voix délicate :
« Ah monsieur… cette jeune femme est sortie de nulle part et m’a menacée ! aidez moi je vous en prie ! »
Flavien voulut réagir, mais il sentit tout son corps s’engourdir. Sa respiration devenait paresseuse, et un bâillement lui traverser la mâchoire. Ses paupières tombèrent sur ses yeux comme un marteau sur une enclume et il tomba à la renverse.
Elise s’approcha à pas mesurés de sa sœur et la regarda avec dédain :
« Qu’est ce que tu lui as fait sorcière !?
– Oh trois fois rien… » dit Marion en montrant à Elise le dessous d’une de ses bagues d’où sortait un petit crochet perlé de sang.
Elise observa alors la main de Flavien et y aperçu la trace laissé par la bague.
« C’est un venin que je fais venir d’Afrique par un ami marchand : il suffit d’une piqûre pour endormir un homme pendant deux heures… ou un peu moins si c’est un beau gaillard » dit Marion avec malice.
Elise avait toujours eu du mal avec la façon de faire de sa sœur. Ce genre de ruse était un peu trop vicieuse à son gout, et elle préférait une bonne bagarre plutôt que de minauder. Elle dut cependant admettre l’efficacité du procédé et se contenta de soupirer tout en continuant sa route.
Tandis que les sœurs Chateauciel reprenait le chemin de la sortie, Marion se permit quelques remarques :
« Dis moi mon Ange, tu sais qu’il existe des toilettes plus seyantes pour une jeune fille que ta tunique ?
– J’étais à l’entrainement avec Père lorsqu’ils m’ont arrêter je te ferais dire !
– Oh… ces rustres ne t’on même pas permis de passer une robe ?
– Je n’en voyais pas l’usage…
– Hum… c’est vrai que ces choses ne sont pas pour toi…
– Que veux tu dire ? » s’énerva Elise
– Et bien… que certaines jeunes femmes n’ont pas un corps qui s’adapte à une belle robe… toi tu es plus… comme un garçon ? mais tu sais que je t’aime comme tu es mon Ange ?
– Suffit ! Je suis tout autant une femme que toi ma sœur !
– Mais ne t’énerve pas voyons mon Ange… » dit Marion taquine tandis qu’Elise fulminait « Tu es mignonne à ta façon… »
Les deux sœurs arrivèrent alors dans la grande cours du Châtelet. Problème, celle ci grouillait de milicien et de soldat qui se relayaient pour la patrouille ou bien qui prenaient simplement l’air afin de ne pas respirer la puanteur émanant des lieux. La porte d’entrée de la forteresse était gardée par 4 soldats en arme et armure qui contrôlait tout ceux qui passaient.
« Peste ! » dit Elise « Il va falloir qu’on se sépare : toi sors par devant, je vais tenter de contourner le mur Est et…
– Oh mais ne t’en fais pas j’ai tout prévu » coupa Marion.
La Reine de Glace plaça ses doigts entre ses lèvres et siffla si fort que tous les miliciens et tous les gardes se tournèrent vers elle.
« Mais que fais tu bougresse ! » demanda Elise « Voila la bien la peine de te donner tout ce mal à me faire sortir si c’est pour nous faire arrêter ainsi ! »
En guise de réponse Marion se contenta d’esquisser un sourire narquois.
Tandis que les gardes approchaient vers dans leur direction, une calèche légère tiré par deux chevaux noirs comme la nuit força l’entrée et traversa la cour à toute vitesse. Depuis l’arrière de la cabine, quelqu’un jeta des fioles qui explosèrent en touchant le sol, créant un épais nuage de fumée blanchâtre à l’odeur acide et qui se répandit en quelques instant, plongeant toute la cour, pourtant immense, dans un brouillard à couper au couteau.
Depuis les hauteurs de la forteresse du Chatelet, des gardes sonnèrent l’alarme et ordonnèrent qu’on ferme les grilles. Des hommes armés de mousquet prirent position depuis les fenêtres, mais sans aucune visibilité, il ne pouvait ajuster leur tir. Il aurait put se fier au bruit des chevaux, mais ils risquait de toucher un camarade, aussi tous préférèrent attendre que la fumé se dissipe.
La calèche s’arrêta juste devant Elise et Marion. Elle était dirigé par un homme portant une lourde tunique de cuir brun, le visage masqué par un foulard rouge et un épais chapeau de feutre noir. Il ouvrit la portière en se penchant, révélant dans la cabine une jeune fille portant tunique et pantalon, la bouche couverte d’un chiffon blanc noirci par la saleté et coiffé d’un petit tricorne en train de jeter une fiole verdâtre par le fenêtre arrière.
« Par l’Enfer ! » dit Elise « Marion : tu peux me dire ce que fait Isaline ici ?
– Allons mon Ange, tu ne crois pas que j’allais la laisser toute seule à la maison alors que mère est en voyage ? »
Grimaçant de rage, Elise ne chercha pas à débattre avec son ainée et monta dans la calèche immédiatement suivie de cette dernière. Une fois installé Marion tapa deux fois contre le bord de la calèche qui aussitôt se mit en mouvement.
« Laissez moi deviner toutes les deux ? » demanda Elise « c’est Gaston qui tiens les rênes n’est ce pas ?
– Tu sais bien que je ne sais pas conduire une calèche ! » dit Marion comme si c’était l’évidence « et il fallait bien qu’Isaline s’occupe de notre diversion ?
– Une diversion ? tu appelles ça une diversion ? je peux savoir ce que tu as lancé pour créer un tel bazar Poudrière ? »
Isaline Clothilde Marie de Chateauciel, la plus jeune des 3 soeurs, avait hérité du sobriquet de Poudrière lorsqu’elle se prit de passion pour les armes à feu, et par extension à l’horlogerie, la balistique et les sciences. Elle avait reçu l’enseignement de Jean Béquin, apothicaire et chimiste de renom qui servait déjà le royaume du temps d’Henri IV, et était devenue experte dans l’art de préparation potion, d’élixir, mais aussi de bombe et de pièges en tout genre…
« Elise ? » dit la jeune fille d’une voix légère comme une mésange « pourrais tu lancer ceci sur la grille je te prie ? »
Et Isaline de tendre à sa sœur un cylindre de verre fermé en son sommet par un embout de cire rouge, remplie d’un épais liquide jaune et scintillant.
« Secoues le bien avant ! » dit la jeune fille.
– Si tu sais comment faire bien sûr… » ajouta Marion perfide et moqueuse, ce qui lui valut une grimace en guise de réponse.
La calèche tournait dans la cour pour ne pas rester immobile et ainsi éviter d’être une cible facile. Lorsqu’elle s’approcha de la grande entrée de la forteresse, Elise entrouvrit la porte et passa la tête a l’extérieur tout en se cramponnant du mieux qu’elle pouvait. La calèche serait bientôt à distance de lancé : elle devait se tenir prête à agir car elle n’aurait qu’une seule chance.
Suivant les consignes d’Isaline, Elise secoua le cylindre qui se mit à chauffer comme une fournaise, libérant dans le cylindre de la fumée et des crépitements. Elle l’attrapa du bout des doigts, comme si c’était un couteau de lancé, et le projeta avec précision contre la grille.
Lorsque le cylindre percuta la muraille d’acier, une violente explosion se produisit. Le choc fut si violent que la grille fut arraché de ses gonds, laissant le passage aux sœurs Chateauciel dont la calèche s’engouffra dans l’espace ainsi crée. Les gardes impuissant ne purent que constater l’audacieuse évasion tandis qu’elles disparaissaient au loin.
Isaline et Elise se sautèrent dans les bas de joie tandis que Marion, aussi flegmatique qu’a son habitude, tira un éventail de sous sa robe et commença à l’agiter pour se faire de l’air.
« Ah mes chères petites sœurs… » dit elle avec lassitude « vos sautillements de puces sont épuisants !
– Désolé Marion ! » dit Isaline en tirant la langue « mais je suis trop contente d’avoir tiré Elise de prison !
– Laisse moi te dire que Père va t’arracher les yeux lorsqu’il apprendra que tu as mêlé Isaline à tout ça ! » dit Elise en se tournant vers l’intéressée « Et toi : que fais tu avec le chapeau de grand père !?
– C’était pour qu’on ne me reconnaisse pas ! » dit la jeune fille convaincu de sa bonne foi
– Et bien sûr toi Marion tu t’es dis que c’était une excellente idée ? » reprit Elise pour son aînée.
– Mon ange, mon ange… nous ne faisons qu’obéir au Cardinal, je te l’ai dit…
– Justement, tu m’as aussi dit que tu m’expliquerai pourquoi son éminence t’envoi à ma rescousse après avoir fait arrêter Père ! Et ne me dis pas que c’est uniquement un effet de sa bonté ! »
Marion prit immédiatement un air très sérieux. Elise n’aimait pas lorsque sa soeur minaudait, mais elle appréciait encore moins lorsqu’elle était ainsi, car cela voulait dire que la situation était grave.
« L’affaire de l’incendie de l’atelier de Dobreson à causer beaucoup de remous au palais. Le capitaine de Trévise considère cela comme une attaque aux mousquetaires, et bien entendu les indices désignant Père, il y voit la une perfidie du Cardinal
– Trévise est un homme avisé : même s’il est le capitaine des mousquetaires il connait Père et sait qu’il n’aurait jamais fait ça !
– Mon Ange… Père est un Chateauciel, et les Chateauciel sont aux ordres du Cardinal. Notre nom est un gage de fidélité, et quel que soit la demande du Cardinal nous savons toutes les deux que Père obéira sans discuter…
– Il est innocent !
– Certes, mais son Éminence se doit de montrer aux mousquetaires qu’il ne protège pas un coupable. Il comptait te demander d’enquêter sur cette affaire mais il semble que malencontreusement tu ais fini toi aussi derrière des barreaux… » conclu Marion moqueuse
– Et il n’a rien trouvé de mieux que de t’envoyer à ma rescousse…
– Oh mais soit assurée que je serai venue quand même te porter secours si les circonstances eurent été différentes mon Ange… »
Sentant la tension entre ses deux aînés, la jeune Isaline tenta quelques mots d’apaisement :
« En tout cas le plan de Marion à parfaitement fonctionné : te voila libre Elise ! nous allons pouvoir aider Père !
– Libre ? Dis donc Poudrière : tu réalises qu’avec ton petit numéro nous allons avoir la milice et la garde du palais royal à nos trousses ? d’ici ce soir nos portraits seront affichés jusqu’à Montmartre ! » cria Elise.
Isaline n’eut pas le courage de soutenir le regard de sa sœur et se confondit en excuse. Cette dernière compris alors qu’elle était allé trop loin. Elle prit sa benjamine dans ses bras et la serra contre elle.
« Pardonnes moi Poudrière… toute cette histoire m’en fait oublier la gratitude. Et toi aussi Marion, je te remercie…
– Oh Seigneur vous avez exaucé mes prières ! » dit Marion toujours moqueuse « Mon petit Ange à maintenant un cœur ! »
Les trois sœurs se mirent alors à rire bruyamment tandis que la calèche quittait le faubourg Saint Marcel.
***
Tandis que le soir tombait, la calèche parvenait enfin à destination. Il s’agissait d’une somptueuse propriété dont la façade Est était en travaux comme en témoignait les échafaudages installé tout du long.
« Où sommes nous diable ? » demanda Elise qui ne reconnaissait pas l’endroit
– Cette petite bicoque appartient à un ami… » répondit Marion laconique
– Un ami ? Tiens donc ? Et quel ami viens tu importuner alors que tu es fuite ma chère soeur ?
– Roh ! mon Ange : est ce là des manières ? Je viens ici justement parce mon ami n’est pas là et qu’ainsi je ne lui causerai aucun tort ! »
Elise roula des yeux au ciel tandis qu’Isaline émit un petit rire cristallin, tout amusée qu’elle était des chamaillerie de ses aînées.
Marion prit les devant et entra dans la propriété comme en terrain conquis. Elle se dirigea vers les ouvriers présent sur le chantier tandis qu’ils finissaient remballer leur outil avant la nuit. Voyant arriver une si belle dame, ils regardèrent inquiet, ne sachant comment réagir.
« Messieurs ? » dit elle pour attirer leur attention « Je suis confuse de vous importuner, mais je suis envoyé par son éminence le Cardinal de Richelieu. Il souhaiterait voir l’archevêque de toute urgence ! »
Le maître d’ouvrage, un fringuant quadragénaire à la belle barbe grisâtre se présenta à Marion et la salua avec tous les égard :
« Madame, Je suis monsieur Rivoix, maitre d’ouvrage pour le compte de l’archevêque. Il est en voyage toute la semaine le temps que nous finissions les travaux.
– Oh ? Mais nous sommes à des lieues de la ville… dois je comprendre alors que vous résidez ici avec vos homme ?
– Pour sûr madame. Nous avons un coin aménagé à notre usage dans les cuisines.
– Fort bien mon brave : dans ce cas je vous prierai de prendre nos bagages dans la calèche et de nous faire préparer à souper voulez vous ? »
Le maître d’ouvrage n’eut pas le temps de réagir que déjà Marion tournait les talons. Il trottina à sa suite, confus et désemparé :
« Pardonnez moi madame, mais qui êtes vous au juste ?
– Goujat ! comment osez vous !? » dit Marion la voix pleine de scandale « Soyez assurez que le Cardinal aura vent de la façon dont l’archevêque reçoit ses hôtes de prestiges !
– Non ! Ah madame comme je suis confus, là n’était pas ma requête ! Je… je souhaitais seulement m’adresser à vous comme il se doit ! » dit Rivoix en tentant de se rattraper comme il le pouvait.
Marion se fit enjôleuse et passa sa main le long du bras de son interlocuteur.
« Oh… pardonnez moi mon brave : ce voyage fût éreintant et cela à troublé mes humeurs. Quel est votre nom mon brave ?
– Je me nomme Gustave madame, Gustave Rivoix, maître d’oeuvre au service de madame.
– Ah Gustave, vous avez les manières et la délicatesse d’un vrai gentilhomme… »
Elle tendit la main à Gustave qui s’empressa de la saisir pour lui faire le baise main.
« Je suis Marion de Chateauciel, et voici mes sœurs adorées : Elise et Isaline »
Gustave fût troublé de voir les deux jeunes femmes portant pantalon et tunique d’homme, mais Marion endormit aussitôt ses soupçons de quelques paroles bien placés et d’un regard envoûteur.
***
Les hommes de Gustave aidé de Gaston avaient préparé une grande marmite de ragoût pour le souper, et en donnèrent une grande partie aux trois sœurs. Marion toucha à peine son plat, révulsé par le manque de finesse de ce repas, tandis que Elise elle, s’en régala comme un ogre.
La panse pleine, elle se vautra dans le fauteuil du grand salon où les soeurs s’étaient installé et regretta de ne pas avoir de tabac et de pipe pour finir ce festin comme il se doit.
« Je n’ose imaginer ce que tu t’autorise à faire lorsque nous ne sommes pas là… » dit Marion à Elise « peut être déambules tu nues comme un ver ?
– Qui sait ? » répondit Elise sarcastique « je vais peut être même le faire ce soir !
– Quelle piètre image de la femme tu donneras à nos charmants voisin » dit Marion en faisant références aux ouvriers qui dormaient dans les cuisines « Je te parie qu certains songeront au célibat en voyant ton petit corps…
– Pourquoi ? parce qu’au contraire de son altesse la reine de glace je ne trimbale pas mes grosses miches dans des corsets qui m’empêchent de respirer ?
– Oh mon ange, de quoi parle tu : de ces petites choses qui te servent de poitrine ? Même Isaline est mieux pourvut que toi »
la Poudrière relava fièrement le buste en souriant tandis qu’Elise se dressa d’un bond dans son fauteuil tout en commença a défaire le nœud de sa tunique.
« Peste ! je vais te les faire manger ces petites choses ! arrête de me dire que je ne suis point femme ! »
Elise s’arrêta lorsqu’elle comprit que sa sœur se jouait d’elle une fois de plus. Marion riait aux éclats tout en s’éventant avec un superbe éventail aux dentelles colorées que son père lui avait ramené de Séville.
« Elise mon ange, tu es comme un taureau sauvage : il suffit de t’agiter un chiffon rouge sous le nez et toi tu fonces sans réfléchir. Je suis surprise que Père ne t’ais pas corrigé sur ce point…
– C’est vrai que tu es un peu impulsive ma sœur ! » compléta Isaline.
– Surveille tes propos Poudrière ! respecte tes aînées je te prie ! » répondit Elise
De nouveau, Marion et Isaline se mirent à rire aux dépends d’Elise.
« Pfff… vous êtes vraiment des chipies toutes les deux ! Rien que des chipies ! »
Sentant la vexation de sa sœur, la Reine de Glace appela Gaston et lui demanda de rapporter la « surprise » qu’elle avait préparée à Elise.
« Qu’est ce que tu mijotes encore ? » demanda Elise « je suis las de tes moqueries !
– Allons mon Ange… Tu es ma petite sœur bien aimée et tu sais que ce ne sont que des taquineries ? »
Difficile de dire si Marion était sincère ou si c’était encore un de ses jeux de dupes qu’elle affectionnait tant.
Lorsque Gaston revint de la calèche, il tenait dans les mains un fourreau enroulé dans un drap mais dont le bout dépassait, et que Elise reconnut immédiatement.
« Par Saint Michel : c’est Malice ! »
Cette lame était la favorite d’Elise. Forgé dans un acier dont le cœur avait été feuilleté par pliage, c’était une rapière dansante et incisive dont la vitesse n’avait d’égale que le tranchant, ce qui lui permettait de porter des bottes surprenante et déstabilisante, lui valant son surnom de « Malice ».
Elise, trop contente de retrouver son arme fétiche, fit quelques mouvements de démonstration. Isaline, admirative du talent d’épéiste de sa grande sœur, applaudit comme s’il était au théâtre, tandis que Marion, indifférente, dut retenir un bâillement.
Les tensions ayant disparût, les sœurs purent parlèrent plus en détail de la situation. Ce fût Marion qui entama les débats :
« Pour l’instant la situation est en suspend : le Cardinal va faire traîner les choses par la force de la bureaucratie ce qui devrait nous donner quelques heures pour agir. Ce que nous savons pour l’instant est que l’incendiaire visait les mousquetaires et qu’il se faisait passer pour Père, la question est donc pourquoi ? quel était son intérêt ?
– Son but est il de nuire aux mousquetaire en cherchant un bouc émissaire, ou bien de nuire à Père en utilisant son lien avec le Cardinal ? » Dit Elise qui réfléchissait à haute voix « Quel intérêt peut-il y avoir à brûler l’atelier d’un armurier ?
– Pour détruire ses recettes ? » dit Isaline innocemment.
Marion et Elise se tournèrent vers elle dans un même mouvement, attendant d’elle qu’elle s’explique plus clairement…
« Un maître de forge fabrique son acier et utilise des mélanges que lui seul connait pour préparer une lame, il doit donc avoir des recettes de grande valeur où il note tout cela ?
– Oh innocente petite chose… » dit Marion « Ne crois tu pas qu’un maître connais toutes ces choses de tête afin justement de ne craindre ni le vol ni le feu ? Et puis qui voudrait un tel secret au point de se mettre à dos les mousquetaires ? »
Isaline, l’index sur le menton et les yeux dans le vague réfléchît à la remarque de sa sœur et finit par acquiescer avec dépit.
« arf… oui c’est vrai que ça n’aurait aucun sens…
– Et qui nous dit que ce ne sont pas effectivement des registres qui sont visés ? » dit Elise
– A quoi penses tu mon ange ?
– Nous nous somme fourvoyé à croire que les mousquetaires étaient la cible parce que Dobreson est leur obligé… mais c’est avant tout un maître d’arme réputé. C’est chez lui que Père à obtenu sa lame D’Ascalon !
– Tu crois que notre incendiaires est lié aux lames ? » demanda Isaline curieuse « Mais pourquoi ?
– Je ne sais pas mais… imaginons que notre incendiaire ait la même démarche que nous : pour une raison ou une autre, il cherche les porteurs d’une lame d’Ascalon : où pourrait il trouver la trace de ses lames si ce n’est chez celui qui les à vendu ?
– Oh je vois… il s’est emparé des registres de Dobreson et à mit le feu pour détourner l’attention… » compléta Marion.
– Il a fait cela parce qu’il cherche les lames ou leur porteur… j’en suis persuadée !
– Une chose m’inquiète… » dit Marion « Cet homme à été vu portant une lame d’Ascalon. Il est donc lui même sur la liste… peut être cherche il à ne pas être identifié
– Ce qui voudrait dire ? » demanda Isaline inquiète
– Que nous avons a faire à un homme déterminé à ne pas être prit, ce qui le rend d’autant plus dangereux.
– Que faisons nous alors ? »
– Peste ! » dit Elise « Si nous avions cette liste nous pourrions plus facilement retrouver notre homme !
– Qui te dis que nous ne l’avons pas ? » dit Marion avec un sourire malicieux…
***
Le lendemain, la calèche des sœurs Chateauciel prit le chemin de la chapelle saint Denis, au nord de Paris. C’était là que Marion pensait qu’il serait possible de retrouver la piste de l’incendiaire, car elle savait de source sûre que c’était là où le maître Dobreson était allé se réfugier sur ordre de monsieur de Trévise le temps que l’affaire soit réglée. Non seulement une église était un lieu discret, mais tout homme d’arme qui s’y présenterait serait immédiatement repéré.
La calèche arriva devant l’église tandis que les cloches sonnèrent la mi journée. L’orage était passé, et il ne restait plus maintenant qu’un beau ciel d’été chaud et parsemé de nuage d’un blanc cotonneux. Le fidèle Gaston descendit de sa place de chauffeur et ouvrit la portière a ses maîtresses qui purent enfin faire quelques pas pour se dégourdir les jambes.
« Je ne comprends vraiment pas comment j’ai put être assez sotte pour te suivre dans ce projet… » dit Elise à Marion « On risque de se faire prendre et en plus de commettre un blasphème ! »
Et si Elise, pourtant prompte à jurer comme un homme, craignait pour le salut de son âme, c’était que le plan de Marion pour infiltrer l’église était de se déguiser en Carmélite…
Les 3 sœurs avaient revêtues les traditionnel scapulaires noirs de l’ordre, la tête couverte d’une capuche. Et si Marion et Isaline n’avait aucun mal à évoluer dans cette tenue, Elise elle était particulièrement mal à l’aise.
« Et bien mon Ange ? » demanda Marion « porter la robe n’est il pas une joie pour une fervente croyante comme toi ?
– Pas lorsque cela m’oblige à jouer les oies blanches ! Et par Saint Michel pourquoi ne puis-je pas porter mon épée !?
– Sa ne serait pas correct dans une église… » répondit Marion en réajustant le col de sa capuche.
– Alors pourquoi porte tu ces couteaux attachées à tes jarretières ? Et toi Poudrière, tu crois que je n’ai pas remarquée les petits mousquets que tu caches au même endroit ?
– Certes mon Ange, mais c’est uniquement par précaution… et puis comment cacherait tu une telle ferraille sur toi ? Ne t’en fais pas… en manœuvrant bien nous réussiront notre mission sans même qu’on s’aperçoive de notre présence ! »
Marion avança d’un pas confiant vers la grande porte aux arches sculptés qui marquaient l’entrée de l’église, puis se mit à avancé par petit pas une fois le seuil franchit. Elle s’approcha du bénitier, y trempa les mains puis se signa en murmurant « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit… »
Elise et Isaline l’imitèrent, et toutes trois se rendirent devant l’autel ou le prêtre en charge du diocèse préparait un office en relisant les écrits de Saint Marc. Entendant entrer les 3 fausses carmélites, il quitta sa lecture et vint les saluer :
« Bienvenue dans notre église mes soeurs. Que la paix du Christ soit avec vous.
– Merci mon père, la graçe du Seigneur soit avec vous.
– Que me vaut le plaisir de votre venue ?
– Nous sommes les soeurs du carmel du Montmartre, et avons été chargé par son Éminence le cardinal de prier pour le salut de ses chevaliers blessés au combat. Voila pourquoi nous sommes venue implorer Saint Denis en sa demeure…
– Je vois » dit le prêtre avec compassion « Nul doute que nos braves ont besoin du soutient de la prière en ces temps troubles. Faites à votre guise mes sœurs »
Remerciant le prêtre, les 3 sœurs s’installèrent à genoux devant la croix et firent semblant de prier. Le prêtre lui, retourna paisiblement à sa lecture.
C’est là qu’Isaline passa à l’action : elle tira de ses manches deux fioles de sa composition dont elle versa discrètement le contenu translucide sur la statuette de la vierge Marie qui trônait sur l’autel et laissa le produit obtenu réagir. En quelques instant le mélange des deux fioles format une coulée rougeâtre et épaisse semblable à du sang qui semblait s’écouler des yeux de la statuette…
« Sainte Marie Mère de Dieu ! » hurla Marion « Regardez ! la Sainte Vierge pleure pour nos braves chevaliers ! C’EST UN MIRACLE ! »
Le prêtre n’en croyaient pas ses yeux. A genoux devant la Sainte Vierge, il se mit à prier et à rendre grâce à Dieu. Mais une fois le choc passé, il réalisa qu’il devait agir selon la régle papale en vigueur, à savoir en prévenant l’évèque du diocèse de Saint Denis afin que celui-ci juge du miracle. Sans plus de reflexion, le prêtre quitta l’église à toute jambe en hurlant « c’est un miracle ! c’est un miracle ! ».
Elise se releva alors et retira sa capuche en maugréant a l’intention de Marion :
« Maintenant c’est sûr : nous allons brûler en Enfer !
– Mais non mon Ange ! » dit Marion avec assurance « Nous serons pardonnées par son Éminence… »
***
Elise en tête, les sœurs Chateauciel arpentaient les différentes cellule de l’église. La plupart était de simple alcôves aménagé avec un lit et un prie dieu et auquel ont aurait ajouté une porte. Les plus « luxueuses » comportaient quelques peintures de saints accrochés au mur, ou bien de petit autel ou brûlaient timidement des cierges.
A force de recherche, Elise trouva enfin la cellule ou était réfugié maître Dobreson. Ce dernier fût surprit de voir ainsi 3 religieuses entrer sans ménagement :
« Mes sœurs ? que ce passe t’il… »
Il croisa alors le regard d’Elise. Immédiatement il la reconnu :
« Vous avez les yeux de votre père mademoiselle Elise… et un culot sans borne pour venir me chercher en ces lieux ! »
Bodreson se précipita sur son lit de paille d’ou il tira une épée dissimulé sous le couchage. Cependant, le temps qu’il la pointe vers les sœurs, Isaline avait tiré ses mousquets de sous son jupon et les pointait dans sa direction.
« De grâce monsieur » demanda t’elle avec calme et douceur « Restons bon ami voulez vous ? »
Le maître d’arme ne commis pas l’erreur de sous estimer ses adversaires. Plus d’un fier à bras était tombé sous les coups des filles Chateauciel, et en homme avisé, il ne voulait clairement pas s’y risqué. Il posa son arme au sol, et Elise s’en saisit.
« Serait ce la lame D’ascalon de monsieur notre Père ? » demanda Elise
– on m’en à demandé l’expertise ce tantôt… »
La jeune fille observa l’arme en connaisseuse « le fil est superbement tracé, et cette garde : j’ai toujours pensée que c’était une Pappenheim, tout aussi belle que fort bien conçue…
– Les armuriers d’antan avaient un savoir légendaire malheureusement perdu de nos jours… »
Marion s’invita dans la conversation :
« Ah qu’il est beau de voir des gens de métier parler ensemble ! Monsieur Dobreson je vous prie d’accepter par avance nos excuses à mes sœurs et moi, mais l’affaire qui nous convoque ne saurait souffrir nul retard.
– Je suppose que vous parlez de l’incendie de mon atelier par monsieur votre Père ? »
Elise, toujours prompte à défendre le nom de son père, s’apprêtait à bondir mais fût retenue par la main de Marion qui lui saisie la main tout en l’implorant du regard de rester calme.
« Vous comprendrez à la réaction de ma petite sœur que nous ne partageons pas votre sentiment quand à l’identité de l’auteur de ce crime » reprit Marion, toujours parfaitement posée « Il s’avère que nos soupçon se portent contre un de vos clients qui aurait acheter une lame d’Ascalon…
– Ma chère enfant, cela pose alors un grand problème : seule trois de ses lames ont été retrouvées à ce jour et toute vendue par mes soins. Celle ci à votre Père, une à son Éminence et une au Duc de Luynes… »
Le Duc était un des grands amis du Roi, mais un farouche opposant à la Reine qu’il avait tenté de faire assassiner des mois plus tôt. Ce plan fût mis en échec par Elise, et il en gardait certainement rancune aux Chateauciel, qui non content d’avoir fait capoter son projet, avaient trouvé les preuves permettant au Cardinal de la manipuler à loisir.
Mais Elise réfuta cette piste : le Duc aurait joué trop gros pour bien peu de résultat, et la lame d’Ascalon était une piste potentiellement trop évidente qui pouvait tout aussi bien pointer vers lui. Qui était donc le véritable homme dans l’ombre ?
Isaline interrompit la conversation, plaça son doigt devant le bouche et mimant le geste d’écouter. Il y’avait du bruit dans la nef. Des voix d’hommes…
Elise et Marion se regardèrent et comprirent en un instant ce qui se passait : si elle avait obtenue l’information, d’autres savaient ou se trouvait Dobreson et cherchaient à s’en prendre à lui. Ces hommes étaient à coup sûr des mercenaires engagés pour sa capture… ou pire. C’était en soit une menace, mais peut être aussi l’opportunité d’en apprendre plus.
Elise, l’épée de son père à la main, se dirigea vers la nef, invitant ses soeurs à rester avec Dobreson pour le protéger si nécessaire. Marion comprit que sa soeur était prête à combattre jusqu’au bout. Elle la rattrapa et lui tendit un bague qu’elle gardait dans une pochette dissimulé son ses habits de nonne.
« Tu sais quelle valeur elle à pour moi pas vrai ? alors garde la avec toi : qu’elle te protège ! »
Peu habituée à de telles effusion de la part de son ainées, Elise se garda de tout commentaire. Elle attrapa la bague, l’observa un instant puis sourit à Marion.
« Ne t’en fais pas Reine de Glace… tout ira bien ! »
Elise s’engagea alors dans le couloir menant à la nef et s’arreta près de la porte d’entrée.Du coin de l’oeil, elle observa les mercenaires : ils étaient cinq, vêtu de belle façon, tous l’épée au côté. Aucun d’eux n’avait retirer son chapeau ni ne semblait se soucier d’agir ainsi dans une église. L’un d’eux, plus curieux que les autres, était en train de fixer la statuette « sanguinolente » de la Vierge Marie pour laquelle les 4 autres n’avaient que de l’indifférence. Elise ouvrit alors la porte de la nef et y entra d’un pas décidé. Elle retira sa capuche, laissant tomber sa lourde natte formant dans son dos comme une queue de scorpion et tira l’épée de son fourreau, prête à combattre.
Lorsqu’ils virent cette carmélite, cheveux à découvert et épée à la main en train d’avancer vers eux, la lumière du jour traversa les vitraux en délivrant sur son visage une lumière quasi divine, les mercenaires se demandèrent s’ils n’étaient pas victime d’une hallucination.
De son côté, Elise priait afin que Dieu lui pardonne de tirer l’épée dans sa maison. Mais très vite, sa prière devint un appel au combat contre ses adversaires. A voix haute et forte, elle cita Ezechiel, prophète de l’ancien Testament :
« Béni soit-il l’homme de bonne volonté qui au nom de la charité se fait le berger des faibles qu’il guide dans la vallée d’ombre de la mort et des larmes ; car il est le gardien de ses frères et la providence des enfants égarés. Mais j’abattrai le bras d’une terrible colère, d’une vengeance furieuse et effrayante sur les hordes impies qui pourchassent et réduisent à néant les brebis de Dieu ! Et tu connaîtras pourquoi mon nom est l’éternel quand sur toi s’abattra la vengeance du Tout Puissant ! »
Elise se jeta alors dans la bataille avec fureur.
Se précipitant sur l’adversaire le plus proche, elle porta un coup d’estoc à hauteur d’épaule qui fit mouche et désarma le mercenaire. Immédiatement, elle pivota sur gauche pour parer une attaque, repoussa son assaillant et frappa de nouveau sa première cible à la poitrine pour l’achever.
Deux autres mercenaires étaient maintenant sur elle, portant à 3 le nombre d’adversaire simultanés qu’elle devait gérer. Cependant, si ses opposants étaient de solides gaillards sachant manier l’épée, Elise avait pour elle une science du combat qui les dépassait.
En effet, elle ne cessait de bouger sa ligne de frappe de façon a ce que les mercenaires se gênent mutuellement, lui offrant ainsi le temps de réagir. Cependant, le quatrième mercenaire allait compliqué la donne, et la jeune bretteuse devait éliminer au plus vite un adversaire pour garder le contrôle.
Conscient de son petit jeu, les mercenaires se décidèrent à travailler de concert, et créèrent de l’espace entre eux. Elise ne pouvait plus se dégager aussi facilement, mais surtout elle se retrouvait petit à petit encerclé par ses adversaires.
Isaline avait reçu pour mission de se tenir près de la porte de la nef afin d’en assure la garde, et c’est de ce point qu’elle observait le combat. Elle n’avait jamais vu sa sœur en plein affrontement, et son cœur battait à tout rompre à chaque coup échangé. Cependant, si quelque fois la peur prenait le dessus, elle ressentait avant tout de la fierté face à la férocité d’Elise qui, même devant autant d’adversaire, ne reculait pas d’un pouce.
La jeune fille aperçut alors le cinquième mercenaire gisant au sol. Ce dernier avait un mousquet qu’il dissimulait en le cachant sous lui, guettant l’instant ou Elise lui tournerait le dos pour l’abattre traîtreusement. Isaline n’hésita pas un seul instant et d’une main sûre, elle utilisa son arme pour l’abattre d’une balle dans la tête.
La détonation créa un instant de confusion qu’Elise mit à profit pour reprendre l’avantage : elle entailla un des mercenaires à la jambe afin qu’il tombe, et se recula vers la grande porte de l’église. Non seulement elle réduisait les adversaires potentiel, mais bénéficiait ainsi du soleil qui brillait dans son dos, limitant la visibilité pour ses adversaires restant.
Les mercenaires étaient confus : d’un côté ils devaient maintenir leur ascendant sur Elise, mais de l’autre il devait s’occuper de toute urgence de cette jeune fille armée de mousquet qui représentait une vraie menace. L’un d’eux prit l’initiative d’aller vers Isaline tandis que ses deux comparses continueraient le combat avec Elise.
La jeune fille pointa sa deuxième arme vers le mercenaire qui la chargeait, mais le coup fît long feu. Sans aucune pitié, il porta un large coup de taille du haut vers le bas afin de pourfendre Isaline. cette dernière, terrorisée, tomba au sol et roula sur le côté de justesse afin d’éviter l’assaut. Le mercenaire n’en resta pas là : il se laissa tomber sur la jeune fille qui se mit à hurler de frayeur, bien décider à lui faire subir les derniers outrages pour se payer de sa peine. Mais tandis qu’il la maintenait au sol en appuyant ses mains gantés sur ses épaules, il reçu successivement 4 lames tranchantes dans les bras et la poitrine.
A l’autre bout du couloir menant au cellule, Marion le regard dévoré par la colère, avançait vers le mercenaire tout en se tenant prête à lancer une nouvelle salve de couteau
« Maudit chien ! » dit elle folle de rage tout en lançant un couteau dans le bras gauche de sa cible « Comment oses tu t’en prendre à petite sœur ! Je te le ferai payer tu m’entends ! JE TE LE FERAIS PAYER CHER ! »
Le mercenaire était criblés de couteau sur tout le haut du corps. Il chancela en arrière et recula en gémissant, et termina par s’adosser contre le mur. Il voulut se redresser, mais Isaline le prit de vitesse : elle ramassa un de ses mousquets, le saisie par le canon et frappa de toute ses forces dans le visage du mercenaire. Une gerbe de sang jaillit de sa bouche dans un bruit d’os brisés, et il s’écroula sur le côté.
Marion se précipita sur Isaline qu’elle enlaça comme un mère protégeant son enfant.
« Oh ma petite chérie j’ai eu si peur… mais ça va maintenant je suis là ! » dit elle avec soulagement
– Je… je crois que je l’ai tué… je crois que…
– Ne t’en fais pas… il respire encore : tout va bien maintenant.
– Je suis vraiment désolée Marion.. c’est mon mousquet… je te jure c’est mon mousquet… » répéta Isaline en se blottissant contre sa sœur.
Dans la nef, les mercenaires n’arrivaient plus à suivre le rythme. Car bien que moins forte physiquement, Elise avait pour elle des années d’entrainement intensif auprès d’une des meilleurs lame du royaume. Son endurance surpassait celle de la plupart des combattants ordinaires lui permettant de dominer si jamais le combat s’éternisait.
Repoussés à plusieurs reprises, les mercenaires reprenait leur souffle et essayait d’aviser d’un plan. Il valait peut être mieux filer que de succomber devant cette furie ?
Elise ne l’en leur laissa pas l’opportunité : voyant leurs défenses faiblir, elle provoqua la touche et porta nombre d’attaque sur les bras de ses adversaires. Elle ne faisait que les écorchés, mais ces plaies saignaient abondamment et petit à petit affaiblissaient la prise des combattants. De son côté, elle s’amusait presque à parer leur assaut en utilisant la garde Pappenheim.
Épuisés, les mercenaires ne purent résister encore longtemps : Elise acheva chacun d’un d’une coup bien appuyer dans la poitrine.
A bout de souffle, la combattante tomba genoux à terre et lâcha son épe. Elle se signa, et joignit les mains en prière.
Marion et Isaline virent la rejoindre, et les trois sœurs tombèrent dans les bras l’unes de l’autres, trop heureuses pour dire quoi que ce soit.
***
Dans les couloirs du Palais Royal ou officiait le Cardinal, régnait une énorme tension. On avait en effet annoncé l’arrivée des soeurs Chateauciel qui affirmaient qu’elles avaient des preuves pour disculper leur père, mais aussi de quoi faire condamner le vrai coupable.
Le cardinal de Richelieu, ainsi monsieur de Trévise, capitaine des mousquetaires, attendaient dans le grand bureau de son Éminence l’arrivée des trois jeunes femmes, s’interrogeant sur ces soit disant preuve. Trévise était cependant presque ravit d’entendre qu’il y’avait une possibilité qu’Henri de Chateauciel soit innocent. Il avait du respect pour le chevalier et frère d’arme qu’il était.
Le secrétaire du Cardinal annonça Elise, Marion et Isaline qui entrèrent chacune à leur tour pour ensuite aller saluer le Cardinal en embrassant son anneau.
Les soeurs Chateauciel étaient accompagné par Maitre Dobreson que le capitaine de Trévise salua en ami.
« Mais que faites vous ici Jean ? n’étiez vous pas au secret à Saint Denis ? » demanda Trévise
– Certes capitaine, mais des mercenaires ont retrouvé ma trace, et je ne dois qu’a l’intervention de ces demoiselles d’avoir encore la vie sauve… »
Trévise jeta un regard à Elise. Il retrouvait en elle toutes les qualités… et tous les défauts de son père : bravache, arrogante, mais généreuse, vaillante et loyale envers la couronne. Il ne savait plus que penser.
« Et bien mesdemoiselles de Chateauciel » dit le Cardinal « il me semble que vous prétendez avoir des preuves de l’innocence de monsieur votre Père ?
– C’est exact votre Éminence » expliqua Marion « Nous avons découvert qu’une perfidie bien plus vil que nous le pensions était la cause de tout cela…
– Et bien parlez mon enfant : de quoi il en retourne ?
– Voyez vous Éminence, l’incendie de l’atelier de Maitre Dobreson n’était pas un coup porté contre les mousquetaire, pas plus qu’il n’était dirigé contre son Altesse. Du moins… nous le pensions. »
Ménageant ses effets, Marion laissa planer un petit silence avant de reprendre.
« Nous tenons de la bouche même du maître ici présent, que l’incendiaire était un combattant habile capable de venir seul à bout de 3 miliciens bien entraîné et qu’il utilisait une lame d’Ascalon à la rareté légendaire… Maître : interrompez moi si je divague voulez vous ?
– Mademoiselle je n’ai à revenir sur aucun de vos propos : vous avez parfaitement résumé les faits !
– Merci Maître… Voyez vous votre Éminence, il n’y a au royaume de France que 3 personnes possédant une telle arme : monsieur notre Père, vous même et le Duc de Luynes… »
Trévise sourcilla :
« Oseriez vous accusez le Duc de ce crime ? Quels auraient été ses motivations ?
– La vengeance capitaine… le Duc voue une haine farouche à notre famille, et quel meilleur moyen de salir le nom des Chateauciel qu’une telle machination visant à faire croire qu’il s’en ait prit aux mousquetaires du Roi ?
– Mais pouvez vous le prouver ? » demanda le Cardinal
– Absoluement pas ! » conclue Marion avec une étrange décontraction.
Ce fût Elise qui reprit les explications :
« Il nous paraissait étrange que le Duc use de tel stratagème. Nous savons que c’est un homme avisé, intelligent, et qui n’irait pas faire lui même une tache qu’un subalterne sacrifiable serait plus à même d’accomplir. Qui plus est, le Duc est un homme loyal envers son Altesse, et qui a à cœur de veiller à son prestige. Il ne s’en serait donc jamais pris aux mousquetaires… »
Le Cardinal commença à fulminer :
« Ainsi donc si ce n’est point le Duc, le seul autre possesseur d’une lame d’Ascalon ce serait moi dans ce cas : oseriez vous m’accuser !?
– Oh non : absolument pas votre Éminence ! » dit Isaline de sa voix joyeuse de merle « Parce qu’en réalité l’autre possesseur de cette lame… »
Toutes ensembles, les sœurs se tournèrent vers Dobreson et le pointèrent du doigt tandis que Elise conclut en disant :
« C’est le maître Dobreson !
– Quoi ? » s’offusqua ce dernier « comment osez vous !
– J’ai mis un moment à comprendre votre petit jeu maître, mais lorsque tout fût plus clair, j’ai préféré vous laisser croire que nous portions nos soupçons sur le Duc de Luynes… que ce vieux fou me le pardonnes : pour une fois il n’y était pour rien…
– Éminence ! » implora Dobreson « Cette jeune fille dirait n’importe quoi pour sauver son père !
– Dites moi Cardinal… » continua Elise « N’êtes vous pas surpris qu’un homme capable de terrasser 3 miliciens ne puisse pas venir à bout d’un modeste armurier ? Pourquoi diable est il encore en vie là où des hommes plus jeunes et parfaitement rompu à l’art du combat ont trouvé la mort ? Si le but était de nuire au mousquetaire, sa tête valait mieux que son atelier non ? »
L’esprit vif du Cardinal commençait à reconstituer le puzzle. Il fit signe à Elise de continuer son récit.
« Vous saviez que le Cardinal garderait l’épée comme un objet de décoration, c’est pour ça que vous lui en avez vendu une copie. Vous vouliez garder l’originale pour vous et pensiez avoir le beurre et l’argent du beurre si vous me permettez cette expression » dit Elise en souriant
– Mais dans ce cas pourquoi aurais je mis le feu à mon atelier ? » demanda Dobreson « et pourquoi ces hommes à Saint Denis aurait essayé de me tuer ? »
Elise esquissa un rictus :
« Ça voyez vous c’est ce qui m’a été le plus délicat à percer. Effectivement, votre crime ne risquait pas d’être dévoilé… Sauf que vous vous êtes cru plus habile… monsieur mon Père fait entretenir ses armes par vos soins, et il est parfaitement satisfait de votre ouvrage. Lorsqu’il vous à confier son Ascalon la tentation était trop grande : vous vouliez vous en emparer et ainsi refaire votre coup. Vous saviez qu’en l’accusant d’avoir incendié votre atelier, on vous confirait l’arme pour en authentifier le porteur. Vous auriez ainsi tout loisir d’en faire l’échange avec une copie. Mon Père arrêté il n’aurait jamais revue son bien, et je dois avouer que moi et mes soeurs…
– Que mes sœurs et moi ! » corrigea Marion
– Que mes sœurs et moi… » reprit Elise agacée « …n’aurions pas put discerner le vrai du faux. Du moins jusqu’à ce que je l’ai en main ! »
Imitant Marion, Elise laissa un instant de silence pour préparer son effet :
« Depuis que j’ai 6 ans j’ai tenue toutes les épées de mon Père et je l’ai vu les manipuler un nombre incalculable de fois. Si cette arme avait été la sienne, la garde n’aurait jamais été placé comme sur celle que vous m’avez présentée : il y’a une once de trop au point d’équilibre ! Cette épée était la copie que vous vouliez rendre, tandis que vous vouliez vendre l’originale !
– Mensonges !
– C’est pourtant ce pourquoi ces mercenaires étaient venue à Saint Denis : ils n’étaient pas là pour vous tuer, ils étaient la pour faire affaire avec vous !
– Excellence : ces jeunes filles n’ont aucune preuves ! elles ne font que diffamer !
– Oh que si nous avons des preuves… voyez vous contrairement à ce que vous croyez certains de ses hommes ont survécu !
– Pardon ?
– Ma chère sœur Marion ici présente fait venir d’Afrique un venin tout à fait particulier qui peut assommer un homme ou l’affaiblir… ça dépend de son gabarit et du nombre de blessure qu’on lui inflige… »
Dobreson repensa au moment juste avant qu’Elise n’aille affronter les mercenaires… c’était cela la bague que Marion lui avait donnée ?
Elise présenta la bague. En poussant la fausse pierre situé sur le dessus, on découvrait un petit compartiment pouvant contenir plusieurs gouttes de liquide.
« Je n’avais qu’a enduire ma lame de poison pour que chaque coup je porte affaiblisse mes adversaires jusqu’à ce qu’ils tombent dans un état léthargique… Nous vous avons fait croire à leur mort pour pouvoir les faire interroger par des gens de confiance. C’est mon bon ami le chevalier de Frey qui est allé à Saint Denis après notre départ pour… faire le ménage diront nous. Il à aussi retrouvé la véritable épée de monsieur mon Père. Vous êtes fait monsieur Dobreson, toute votre supercherie est maintenant révélée au grand jour ! »
Le Cardinal, les coudes sur son bureau et les mains jointes devant son visage, invectiva le maitre d’arme d’une voix emplit de gravité :
« Vous avez osez tromper la couronne en nous vendant de la pacotille ? Et vous avez tenter de porter préjudice au comte de Chateauciel et à sa maison tout en semant le trouble auprès des mousquetaires ? »
Dobreson déglutit péniblement et acquieça en baissant les yeux. Sans un regard pour lui, le Cardinal appela ses gardes, et exigea qu’ils arrêtent Dobreson. Une fois cela fait, le Cardinal entreprit aussitôt de rédiger une lettre demanda la libération d’Henri de Chateauciel, et une autre demandant l’absolution de ses filles pour leurs crimes. Le capitaine de Trévise approuva ce choix, et promit qu’a la première heure demain il adresserait ses excuses aux Chateauciel pour l’outrage qui leur avait été fait.
Elise se saisit de la lettre du cardinal, le salua sans manière et se précipita vers la sortie, trop heureuse de pouvoir faire sortir son père de cellule. Isaline lui emboita le pas en faisant au revoir de la main.
« Elle est si mignonne… » commenta Marion qui avait sorti son éventail pour se rafraîchir
– Mademoiselle, sachez que je suis impressionné par vos exploits » dit Trévise « Jamais je n’ai vu plus pugnace et déterminé que votre trio. Les filles Chateauciel sont vraiment à la hauteur de leur réputation ! »
Marion fit une révérence au Cardinal puis se dirigea vers la porte en ajoutant à l’intention du capitaine :
« Et encore : vous ne connaissez pas notre mère ! »