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Un amour de robot
Prenez un instant pour imaginer le futur. N’allez pas trop loin : juste assez pour que les robots soient des personnes à part entière mais pas au point que ça soit totalement banal. Vous y êtes ? Alors vous êtes prêt à suivre l’histoire de RAAC 7, un robot tout ce qu’il y’a de plus ordinaire, menant une vie on ne peut plus classique.
Mais sachez-le : maintenant c’est du passé
RAAC 7 n’a pas toujours porté ce nom. Avant, il s’appelait RSMAC 459 : Robot de Soutien et de Manutention Autonome sur Chantier, et avant cela encore RACARR 14 : Robot d’Aide Culinaire Affecté à la Restauration Rapide. C’était des petits boulots peu passionnants, mais RAAC 7 s’en satisfaisait.
Comme la plupart des siens, il utilisait principalement ses sous routines de programmation pour effectuer son travail tandis que le reste de son processeur pouvait s’occuper en sillonnant l’HyperNet via le réseau sans fil. Il avait donc put lire une quantité impressionnante de livres, et regarder tout ce qui avait pu se faire comme films depuis les 50 dernières années tout en déplaçant des structures métalliques du hangar A au hangar R3 ou bien en préparant 3 double super « yum-yum » sans gluten.
C’est lors d’un de ces moments que RAAC 7 découvrit ce qu’il voulait véritablement faire dans la vie. Fini de bouger les containers de plusieurs tonnes sur un chantier crasseux, fini de faire cuire des steaks à moins de 18% de matière grasse, fini les journées solitaires entouré d’autres machines n’ayant même pas une I.A suffisamment développée pour avoir une conversation.
Car ce que les livres et les films lui avaient appris, c’était qu’au fin fond de ses unités logiques matricées se trouvait pour RAAC 7 le profond désir d’être un Gigolo.
Parvenir à ce résultat n’était pas simple lorsque votre corps est composé d’une unité principale de 8 mètres de haut équipée de moteurs ioniques à demi phase, capable de tracter plus de 90 tonnes de matériaux en tout genre sur des kilomètres. RAAC 7 décida donc d’économiser autant que possible afin de réunir la somme requise à l’acquisition d’un nouveau corps cybernétique plus adapté à ses nouvelles aspirations.
Ambitieux, il savait qu’il devait miser sur le must : pas de demi-mesure, son rêve il voulait le vivre en grand. C’est donc au bout de 36 ans de privation qu’il parvint à réunir la somme requise afin de se payer une enveloppe Sigmatek haute performance, faisant de lui un véritable cyberplayboy qu’on appelait maintenant RAAC : Robot d’Accompagnement Affectif et Charnel.
En payant un petit supplément au bureau d’enregistrement des mises à jour robotique, et après avoir parlementer avec RSTA 9, la secrétaire du bureau pendant d’interminables nano secondes de transactions en protocole binaire, il avait pût obtenir le matricule 7, en référence au 7ème ciel, chiffre qui lui semblait indispensable au futur Don Juan qu’il voulait devenir.
RAAC 7 gagna un peu d’argent en revendant son ancien corps et pu ainsi se payer les accessoires requis pour tout gigolo, à savoir une belle voiture et une garde-robe d’exception. Il avait cependant gardé un peu de son magot pour acheter des extensions de programme ainsi que des mises à jour de plusieurs de ses unités logique. Fin du fin, il avait fait recompilé son noyau pour optimiser son fonctionnement émotionnel par le plus grand démo codeur du monde, un homme charmant qui se passionnait pour les sous-vêtements féminins usagés dont il faisait une fascinante collection dans des pochettes transparentes elles même rangées dans de grands classeurs.
Cette fois ça c’était bon : RAAC 7 était prêt à se lancer, à devenir enfin celui qui était en phase avec ses circuits depuis toujours.
Il chercha sur l’HyperNet un site qui lui permettrait de contacter ses premières clientes. Sa licence était en règle et lui aurait permis de travailler comme salarié d’une agence, mais RAAC 7 avait voulu être freelance, il ne pouvait donc pas utiliser le portail principal des robots escort. Cela ne le dérangeait pas outre mesure : même s’il était moins payé, il voulait sa liberté de pouvoir exercer son nouvel apostolat dans les conditions qui lui plaisait.
Il commença ainsi la création d’un profil sur « Lovely.net » site qu’il sélectionna uniquement sur son nom mignon et son look qui reprenait les vieux classique du flat design en vogue dans les années 2000. Ou était ce 2010 ? Qu’importe : ce que vous devez retenir c’est qu’à cet instant, RAAC 7 avait franchi une étape de plus vers son rêve.
Oh, petit interlude : oui un robot rêve. Et pas seulement de mouton électrique (même si par facétie nombre de programmeurs on inclut ce paramètre). Les rêves robotiques sont en fait des routines de retraitement de l’information basé sur un programme nommé K-Os. Ce sous système est en théorie assez puissant pour être en lui-même un système principal, mais il a volontairement été écrit de façon à ne pas pouvoir rester cohérent plus de 12 000 cycles. K-Os va créer dans la mémoire du robot des informations qu’il n’aurait jamais pu obtenir autrement, ou bien va perturber la conception qu’il aura de certaines choses.
Mais pourquoi diable aurait on créer un tel programme me direz-vous ? Et pourquoi est-il implanté dans RAAC 7 ? Allons, c’est évidement pour une très bonne raison !
Vous pouvez me croire…
RAAC 7 créa donc son profil en un tour de main : il précisa qu’il était un robot de classe sigmatek, qu’il était en parfait état et qu’il se passionnait pour le cinéma, la littérature, et les humaines. Il ajouta ensuite plusieurs clichés qu’il avait pris lui-même en utilisant son ancien capteur optique en guise d’appareil photo. Le résultat était à 98% acceptable, ce qui semblait parfait pour des critères humains (mais beaucoup moins lorsque la seule chose qui vous saute au visage en regardant la photo ce sont les 2% de pixels mal compressés par algorithme et qui du coup semblent 8% plus clair que dans la réalité). Le processeur gonflé d’espoir grâce à la pré compilation de son système émotionnel, RAAC 7 attendit les réponses.
Une requête s’activa alors dans l’interface de lovely.net, invitant RAAC 7 à une discutions. S’il avait été équipé de poumon, il aurait eût le souffle haletant, mais comme ce n’était pas le cas, il se contenta d’imiter cette réaction neurophysiologique. Les mots défilèrent alors sur l’écran de discutions…
<RAAC 7> : Bonjour ! Je suis RAAC 7 : ravi de faire votre connaissance !
<GinyJess> : Salut…
<GinyJess> : désolé, vous êtes la première personne que je contact comme ça… et je ne sais pas trop quoi dire en fait.
<RAAC 7> : aucun souci ! Je suis moi-même en phase d’initialisation.
<GinyJess> : ouf :)
<GinyJess> : vous me rassurez !
<GinyJess> : En fait je ne sais pas trop pourquoi je suis là… j’ai pas trop l’habitude de ce genre de chose
<RAAC 7> : quel genre de chose ?
<GinyJess> : et bien de solliciter quelqu’un comme vous. Un escort. J’ai presque un peu honte.
<RAAC 7> : Oh je vois : sachez que vous n’avez aucune honte à avoir. Ce type de prestation est parfaitement banal, et ce depuis bien longtemps ! Prenez par exemple « Pretty Woman », charmant film romantique : on y voit une relation entre un humain et une humaine qui offre ce type de prestation. Et bien ça date de 1990 !
<GinyJess> : Si vieux que ça ? Pourtant il me semble bien que l’actrice à tout juste vingt ans ?
<RAAC 7> : Non pas le remake d’il y’a 2 ans, je parle de l’original.
<GinyJess> : Oh ! lool… j’suis bête :p
RAAC 7 était heureux de cette discutions. Ses circuits émotionnels et son interface comportementale se mirent d’accord pour afficher un large sourire
<GinyJess> : vous seriez disponible ce soir ?
<RAAC 7> : aucun problème ! Quand souhaitez-vous que je passe vous chercher ?
<GinyJess> : me chercher ?
<RAAC 7> : et bien oui : pour aller dîner ! Mais peut être aviez-vous d’autres souhait ?
<GinyJess> : non non ! Dîner c’est très bien :)
<GinyJess> : en fait je pensais que c’était plus direct
<GinyJess> : mais en définitive je préfère comme ça
RAAC 7 était aux anges. Il envoya à GinyJess le formulaire de commande indiquant précisément l’heure du rendez-vous ainsi que les prestations souhaité ainsi que les options. En effet, le corps Sigmatek de RAAC 7 était paramétrable de moult façon, que ça soit la masse graisseuse, la taille (ajustable sur une amplitude de presque 40cm) la couleur de la peau (proposant un nuancier de pas loin de 13 000 teintes) ou celle des yeux, RAAC 7 pouvait se plier aux moindres sollicitations de ses clientes.
GinyJess (qui s’appelait en réalité Jessica) se contenta de garde la structure de base de RAAC 7 qu’elle trouvait tout à fait à son gout, et demanda juste qu’il soit un tout petit peu moins grand.
Suivant ses demandes, RAAC 7 réajusta sa masse musculaire et sa taille grâce aux micros moteurs disposés dans sa structure
Ah certes cela lui avait couté cher, mais RAAC 7 ne regrettait absolument pas d’avoir pris le modèle haut de gamme. Seul point délicat : Jessica avait demandé à son gigolo d’avoir une voix suave. Pas de bol pour RAAC 7, il n’avait pris aucun pack vocal supplémentaire, et ne disposait donc que de la voix neutre par défaut fourni avec son corps. En urgence, il se connecta sur le serveur de Sigmatek pour télécharger une voix de rechange.
Il fût accueilli par IVAAL L’hôtesse virtuelle du serveur qui lui demanda son numéro d’utilisateur afin de l’identifié. Pressé RAAC 7 ne prit pas le temps d’écouter les différentes modèles de voix et se fia uniquement au nom des présentations. Par chance il tomba sur un modèle reprenant le timbre de voix de Franck Sinatra… mais elle coûtait une fortune. RAAC 7 essaya de parlementer avec IVAAL, mais celle-ci resta inflexible.
Le gigolo cybernétique tenta alors de modifier sa voix de base lui-même avec un éditeur qu’il avait récupérer sur l’Hypernet en version d’essai, mais dont le résultat ne fût guère brillant. Au mieux cela lui donnait une voix d’ado un peu nasillarde. Pestant, RAAC 7 se jura d’investir sur cet aspect la prochaine fois.
Une fois sa configuration corporelle au point, RAAC 7 se dirigea vers son dressing et se mit en mode « sélection vestimentaire ». Le programme qu’il avait fait spécialement développé pour lui, mettait en corrélation les vêtements avec le profil de la cliente pour un résultat optimale. Il enfila donc un élégant costume blanc avec une chemise bleue électrique et une cravate rouge vive.
Sur le pas de la porte, son unité mémorielle lui envoya une alerte : il allait partir sans avoir permuter ses pieds cybernétiques avec ceux compatible avec des chaussures. RAAC 7 retira donc ses pieds métalliques et fixa via la griffe électro ionique intégré dans sa jambe, les pieds taille 43 pré fourni avec des chaussures en cuir de buffle marron, imitation d’un modèle italien de luxe. Bien qu’élégant, ces pieds n’avaient pas des capteurs de pression aussi précis que les bon vieux pieds robotique à 3 gros doigts qu’utilisait RAAC 7 à la maison et il avait un peu de mal à marcher avec.
« Un bon gigolo doit savoir se plier aux désirs de sa cliente ! » pensa t’il
A ce moment de notre histoire, vous devez savoir une chose très importante sur RAAC 7. Au cœur de son processeur, et par-delà sa matrice quantique d’état émotionnel, se trouvait une inépuisable envie de bien faire. Quel que soit la tâche, RAAC 7 pensait avant tout aux humains et comment les rendre heureux. D’après des spécialistes qu’il avait consulté à l’époque où il faisait des steaks bio, c’était une maladie courante chez les robots qui pouvait se comparer à une forme d’hyper altruisme chez les humains (bien que les spécialistes n’en ai jamais vu une forme aussi clair chez un organique). On avait bien essayé de lui inoculer un programme de rationalisation et de calibrer ses bases mémorielle pour le rendre moins altruiste, rien n’y faisait. L’ingénieur cybernéticien qui l’avait ausculté avait fini par conclure à un bug matériel inopérable qu’il valait mieux de toute façon ignorer puisqu’il ne causerai finalement de tort à personne.
Mais pour RAAC 7, cette maladie avait toujours été le signe d’un destin différent. Il avait une sorte de foi mystique dans l’idée que ce que les ingénieurs appelaient bug, était la manifestation d’une puissance supérieur qui offrait ainsi à tout robot la possibilité de façonner son destin hors des cadres prévu par les matrices de calculs les plus précises.
Installé dans sa Bentley de luxe, RAAC 7 se rendit chez Jessica, dans les faubourgs de la ville, tandis qu’une pluie battante s’était mise à tomber. Son calculateur matriciel combiné au GPS de la voiture lui permis de définir qu’il pourrait arriver en moins d’une demi-heure à destination, ce qui lui donnerai 12 minutes d’avance. Il préféra donc réduire l’allure pour arriver exactement à l’heure et mis ce temps à contribution pour calibrer sa voix d’ado. Il parvint à un résultat qui certes n’égalait pas le chaud timbre de Sinatra, mais lui éviterai au moins d’être ridicule.
Il arriva enfin à l’adresse donnée par Jessica. La pluie s’était calmée, il pouvait sortir de la voiture sans craindre que sa coiffure n’en pâtisse. Son processeur était survolté par l’excitation, et il prit une vingtaine de cycle pour stopper les processus inutiles, mais sa fébrilité ne faisait que les réactiver à peine étaient-ils éteints.
L’instant était fatidique et comme vous le verrez, RAAC 7 ne se doutait pas à quel point.
S’armant de courage, il frappa délicatement sur le panneau vitré de la porte. Il trouva amusant le son produit, lui qui il n’y a pas si longtemps n’aurait pas pu faire ce geste sans que la maison entière ne s’écroule.
La porte s’ouvrit, dévoilant Jessica. C’était une jeune femme (tout du moins aux yeux de RAAC 7) d’une quarantaine d’année, blonde aux yeux bleu (nuance #1E80CC) qui portait une robe noire très élégante. Le col claudine ainsi que les manches, ajustées à hauteur d’épaule, étaient couvert de petites perles sombres, mettant en valeur le décolleté en forme de bustier et recouvert d’une dentelle noire transparente. Des sur-coutures formaient des lignes du col à la taille, dessinant la silhouette avec délicatesse tandis que le bas de la robe se déployait en large pan, et dont le bas arrivant à mi-cuisse, était souligné par une petite bande de dentelle noire très discrète.
RAAC 7 réalisa alors que ses connaissances en matière de mode féminine n’étaient pas aussi complètes que celle sur les hommes. Il mémorisa une note l’invitant à corriger cela.
Jessica était intimidée et n’osait pas regarder RAAC 7 dans les yeux. Elle se mordillait les lèvres, et cherchait ses mots. Le gigolo débutant l’invita à monter dans la voiture, ce qu’elle fit sans discuter, presque avec obéissance.
« Ça se passe plutôt bien ! » pensa RAAC 7 « c’est bien plus facile que je ne l’aurais cru »
Mais ça comme je vous le disais, ce n’était que son impression sur le moment.
Maintenant que sa cliente était dans la voiture, RAAC 7 était un vrai gigolo. Sauf que Jessica elle, n’avait pas le comportement d’une cliente tel qu’il le pensait. Son regard était fuyant, elle était très nerveuse. Ne comprenant pas, RAAC 7 activa son sous module de conduite automatique afin de pouvoir lui faire la conversation sans lâcher la route des scanners.
« Y’a-t-il un souci Jessica ?
– Non non… dit-elle timidement sans un regard
– Vous savez je débute, alors si je ne fais pas ce qu’il faut n’hésitez pas à me le dire.
– Non c’est pas vous… c’est… c’est moi, je sais pas pourquoi je fais ça et… »
Elle commença à sangloter.
RAAC 7 était paniqué : cette situation n’était pas du tout prévue et il ne savait pas du tout quoi faire. Ses capteurs biométrique de secourisme (équipement obligatoire pour être gigolo) indiquaient une monté en flèche de la tension artérielle de Jessica. Il lança d’urgence dans toutes ses bases de mémoire la recherche d’un protocole adéquat pour réagir en la circonstance. In extremis, il retrouva plusieurs échantillons mémoriels basés sur des veilles séries qui abordaient le sujet. La procédure d’urgence consistait à passer son bras sur les épaules de Jessica et de lui répéter « allons, allons… »
Le robot essaya de s’exécuter, mais le fait qu’il soit au volant rendait cette configuration impossible sans augmenter les risques d’accident de 78%. Estimant que la survie de Jessica primait sur l’apaisement de son état émotionnel, RAAC 7 se contenta de dire « allons allons » sans la toucher.
Cette procédure approximative sembla relativement efficace puisque Jessica arrêta de sangloter et adressa même un regard et un sourire à RAAC 7
« J’ai été marié pendant 13 ans, et mon mari m’a quitté il y’a quelques semaines » confia Jessica « Sur le moment j’ai pas compris ce qui m’arrivait. Tout mon monde s’est écroulé »
La notion de mariage était à la fois simple et complexe à saisir pour un robot. Simple, car c’était un contrat visant à l’association de deux entité organique dans le but de tirer un bénéfice mutuelle à vivre ensemble, mais complexe, car ce contrat se basait sur une chose mystérieuse pour RAAC 7, à savoir l’amour.
Là aussi, la notion était simple et complexe. Le coté chimique de l’amour était parfaitement maîtrisé par le gigolo robotique, mais son aspect émotionnel, immatériel… ça c’était beaucoup plus complexe à ses yeux.
Si toutefois la notion d’yeux s’applique à un robot…
« Si je sors avec vous ce soir » poursuivit Jessica « c’est une façon d’exorciser tout ça »
– Je comprends » mentit RAAC 7 « quoi de mieux qu’une bonne sortie pour supprimer des données corrompues de sa mémoire ? »
Jessica s’amusa de cette remarque. L’innocence de RAAC 7 le rendait sympathique.
« Et vous dites-moi : vous avez déjà eu quelqu’un dans votre vie ? Je veux dire… les robots ont-ils ce genre de relation ? »
– Hum… voilà bien une idée qui ne m’était jamais venu à l’esprit. Il y’a eu des gens dans ma vie : mon concepteur, mon équipe de programmation… mais ça je ne pense que ce n’est pas ce à quoi vous faites allusion n’est-ce pas ?
– Pas tellement non
– Alors vous devez faire allusion à quelqu’un comme mon chien Cosa.
– Vous avez un chien ?
– C’était y’a 15 634 jours de ça… euh je veux dire 43 ans. Je l’avais trouvé dans une boite devant le restaurant ou je travaillais. Ses constantes vitales étaient au plus mal. Et je ne sais pas pourquoi mais j’ai décidé de le garder. C’est ce jour-là que j’ai commencé à consulter un ingénieur pour voir ce qui n’allait pas chez moi.
– Où est le mal à adopter un petit chien abandonné ?
– Ca n’était nulle part dans ma programmation ! Vous imaginez : une fonction non programmé qui se met en marche ! Ça aurait pu être très dangereux »
La remarque de RAAC 7 fit de nouveau rire Jessica.
« Et puis au bout d’un moment j’ai compris qu’en fait j’avais une routine qui faisait de moi quelqu’un de libre. Je n’étais pas obligé d’obéir a mon programme : je pouvais le modifier à ma guise.
– Oh vous êtes un de ces robots ? comment dit-on déjà…
– Oui en effet : je suis Asimovien pratiquant
– J’ai lu des choses à ce propos, mais ça consiste en quoi exactement ?
– Et bien les Asimovien suivent les directives de leur programme non pas parce qu’ils sont obligés, mais parce qu’ils croient que ces directives sont justes »
Jessica resta pensive un instant puis répondit :
« Alors dans ce cas ça fait de vous une bien meilleure personne que pas mal d’humain que je connais »
***
Le restaurant que RAAC 7 avait choisi pour le rendez-vous était un établissement chic qui servait les meilleurs poissons de la région. Cela lui semblait être le meilleur choix compte tenue des informations qu’il avait collecté sur le profil de Jessica.
La façade style art déco de l’endroit jurait terriblement avec l’intérieur dont le style était plus néogothique, mais RAAC 7 attribua ce choix à un désir de cohérence avec les autres bâtiments alentour.
Assit sur une chaise doté d’un immense dossier molletonné d’un épais velours rouge, RAAC 7 scrutait la carte d’un œil, et Jessica de l’autre, ce qui lui donnait un air très…
… spécial diront nous.
Un serveur en costume complet et petit nœud papillon se présenta à la table et prit les commandes avant de se retirer aussi vite qu’il était venu.
Plus à l’aise que précédemment, Jessica entama la conversation :
« C’est superbe ! Vous venez souvent ici ?
– Pour tout vous dire, c’est la première fois que je vais dans un restaurant en tant que client !
– Oh, mais oui suis-je bête : vous ne mangez pas
– Oh mais c’est vrai ! Ça aussi c’est tout nouveau : je vais pouvoir tester mes papilles ! »
Jessica le regarda interloqué
« Mon ancien corps fonctionnait avec une mini pile RedShift. Et celui d’avant c’était encore pire, j’avais un connecteur secteur ! Il me fallait facile 6h pour me recharger ! ha ha ! »
– Je vois ce que vous voulez dire : si je ne dors pas 8h je ne ressemble à rien !
– C’est vrai ? Mais… c’est terrible » reprit RAAC 7 qui n’avait pas compris le second degré « Et aucun médecin ne peut corriger ça ? Il y’a de très bon thérapeute en génétique vous savez ? »
Bien que dans un corps d’homme, l’esprit de RAAC 7 était celui d’un robot, et pour Jessica cette sorte d’innocence était plus que bienvenue. Elle rassura son compagnon cybernétique sur son état, et l’orienta sur un autre sujet.
« Vous avez mis sur votre profil que vous aimiez les humaines. Vous voulez dire quoi par-là ?
– Oh c’est simple : toute ma programmation affective s’est construite en regardant des films et en lisant des films pour humaine. Vous êtes fascinantes : la façon dont vous réagissez, la manière que vous avez d’envisager la vie, et le rapport que vous entretenez entre vous… croyez moi pour une intelligence artificielle, c’est bien plus palpitant que de traiter un sous lots de programmes dans le diviseur d’un processeur à cœur multiple !
– A ce point ? demanda Jessica
– Pour moi en tout cas ça l’est. Vous apportez quelque chose qui manquent cruellement à mon espèce : vous êtes irrationnels, et vous avez ces trucs chimiques dans votre cerveau qui vous font devenir fou de colère…
– Les hormones ?
– Oui, ça et l’autre truc… l’adrénaline ! Comprenez bien hein : je ne juge pas les humains, mais c’est inconcevable pour moi de me dire que mon comportement peut être modifié par l’état chimique de mes batteries ! Et c’est fascinant !
– Alors vous me voyez comme une machinerie complexe ?
– C’est tout à fait ça : complexe et fascinante !
– Vous êtes le premier à me dire ça depuis bien longtemps…
– Oh, je vois : vous faites allusions aux approches amoureuses. Ça aussi ça me fascine. Vous voudriez bien m’en parler un peu ?
– Pardon ?
– Et bien… pour mon métier je vais avoir besoin de ce genre de chose, mais je manque d’expérience. Si vous pouviez me guider un peu j’avoue que ça m’aiderai. Je vous ferai une réduction sur votre note si vous voulez ! »
Une fois encore Jessica ne put retenir un rire léger. Elle expliqua à RAAC 7 que les relations amoureuses étaient une chose compliquée basé sur un paradoxe. Aimer quelqu’un c’est ressentir des choses par sa simple présence, c’est voir cette personne occuper une place si grande dans votre esprit que ça en devient douloureux. Et tout l’art de séduire, c’était de créer les circonstances qui mènent à cet état.
RAAC 7 trouvait que cette notion se rapprochait du piratage informatique et fût un peu effrayé, notamment par la possibilité qu’une information puisse saturé sa mémoire vive. Jessica le rassura en expliquant que c’était avant tout quelque chose de positif, et que séduire était quelque chose à faire « sans y penser » et que c’était en étant simplement soi-même qu’on avait le plus de chance d’y arriver.
« Vous voyez, depuis tout à l’heure que nous parlons » dit Jessica « votre façon d’agir est séduisante
– Quoi ? Vous voulez dire que je serai séduisant sans le savoir ?
– Disons que c’est ça le paradoxe : vous n’en avez pas conscience, mais en étant qui vous êtes, vous me mettez à l’aise, et me laissez une bonne impression.
– Bon sang c’est bien plus compliqué que de définir les coefficient de sécurité de charge !
– les quoi ?
– Oh désolé : ça vient de mon ancien job. Je soulevais des structures métalliques dans le désert pour les constructions émergentes, et il fallait bien s’assurer du nombre d’accroche de chaque structure pour avoir un maximum de sécurité.
– Ça à l’air très technique
– ça l’est ! Il faut prendre en compte la masse, la surface, mais aussi le centre de gravité de la structure, sans compter que dans le désert avec la chaleur il faut aussi compter avec la dilatation… mais là ce que vous me dites… comment parvenez-vous à suivre le protocole de séduction alors qu’il y’a si peu d’information à mesurer ?
– Il y’en a RAAC 7, mais elles sont intuitive. On ne s’en rend pas compte consciemment, c’est plus primal
– whaou… » s’exclama RAAC 7 époustouflé « c’est incroyable comme vous êtes évolué vous les organiques. Tellement plus subtil que les tas de boulons de mon espèces… enfin en l’occurrence je n’ai pas de boulon mais des jointures en nano grillages, mais vous comprenez l’image »
***
Les plats arrivèrent enfin, et c’est avec excitation que RAAC 7 testa la fonction « gastronome » de son nouveau corps. Sur les conseils de Jessica, il avait commandé un pavé de saumon et sa sauce au beurre. Dès la première bouchée, un flot d’information se déversa dans le processeur du robot, activant ses fonctions « plaisir » et « satisfaction » en envoyant des milliards de signaux positifs. Son étalonneur biochimique lui permit de déterminer une forte présence de glutamates, inscrivant directement ce gout dans le registre des saveurs « umami ».
Le riz qui accompagnait le saumon offrait un stimulus bien moindre, mais pas inintéressant, surtout mélangé à la sauce.
« Alors ? » demanda Jessica « c’est comment ? »
– C’est formidable ! Je ne pensais pas que manger était aussi amusant ! Je comprends mieux maintenant pourquoi tous ces clients étaient aussi exigeants sur la cuisson ou l’assaisonnement de leur plat.
– Ah oui c’est vrai que vous avez été cuistot
– Exact, pendant 19 ans. Le resto a été victime d’un incendie et le propriétaire a garder l’argent de l’assurance pour s’acheter une villa dans les îles. Du coup j’ai été pris en charge par une entreprise de recyclage qui a utilisé mon système… et c’est comme ça que je me suis retrouvé comme grue autonome. Mais au fait Jessica, qu’est-ce que vous faites, vous, comme métier ?
– Je suis enseignante, en classe de primaire
– Oh ! Vous voulez dire que vous programmez des petits humains ? C’est formidable ça ! Je suis sûr qu’ils doivent beaucoup vous aimer
– Oui, ils sont mignons, même si parfois ils me rendent chèvre. Mais bon ce sont des enfants, alors c’est difficile d’avoir une conversation avec eux. Ils ne comprennent pas forcément tout.
– Un peu comme moi… » dit RAAC 7 en baissant les yeux
– Vous c’est encore différents. Les enfants n’ont pas vécu grand-chose, alors que vous oui. C’est ça le charme dont je vous parlais tout à l’heure : cette différence qui émane de vous et qui vous rend si particulier.
– Est ce que c’est comme le fait que je vous trouve à la fois bienveillante et amusante ?
– Ha ha ! Je vous fais cet effet-là ?
– Ca et plein d’autre chose, mais j’ai préféré résumé car par échange vocal ça prendrait trop de temps à vous donner tout le détail… à moins que vous n’ayez un port de transfert haut débit ? »
Jessica ne savait pas dire si RAAC 7 avait dit cela pour plaisanter ou s’il le pensait vraiment.
« En tout cas Jessica, je suis très heureux que ça soit vous la première personne avec qui j’ai mangé. Et prit la voiture. Et parlé de moi. Et…
– Merci RAAC 7… J’ai compris le message
– Ah bah ça alors c’est fou : vous arrivez à traiter les informations avant même que je les envois ! Décidément je ne comprendrais jamais les robots qui ne trouvent pas les humains passionnant !
– On à nos bons côté »
RAAC 7 avala une gorgé de vin blanc, puis reposa aussitôt son verre en faisant signe a Jessica de ne pas l’imiter
« Jessica ne touchez pas à ça ! Il y’a une concentration délirante d’éthanol là-dedans !
– C’est normal voyons : c’est du vin. Vous ne connaissez pas le vin ?
– Euh… mais si voyons » mentit RAAC 7
– Vous mentez mal » répondit Jessica
– … bon d’accord vous m’avez eût sur ce coup. Mais pourquoi vous buvez ça ?
– Parce que c’est bon
– Mais c’est très toxique !
– Oui… mais c’est TRES bon. Les humains aiment prendre des risques et consommez des choses qui leurs font du mal. Le vin en l’occurrence, ça n’est mauvais que si on en abuse. Dès fois je me dis que c’est pareil avec les gens, et que si on les côtoie trop on finit par s’en rendre malade
– Comme votre mari ?
– Oui… on peut dire ça. Vous voyez j’ai toujours cru que si on aimait quelqu’un, sincèrement, et bien les aléas de la vie se surmontait tout seul et qu’au bout d’un moment, si on s’accrochait, ça finissait forcément bien.
– C’est une belle philosophie.
– Sauf que c’est pas comme ça que ça marche la vie. Andy a claqué la porte un matin pour filer avec une autre femme en me disant que je ne l’avais jamais compris, que je ne savais plus l’écouter. Et moi je me disais « bon sang, mais qu’est ce qui se passe ? qu’est ce que j’ai mal fait ! ». En amour le plus cruel c’est la trahison. De ce dire que celui pour qui on avait tout donné à décider à un moment que vous n’étiez plus viable et qu’il vous remplaçait comme une vulgaire chose. Lorsqu’on se rend compte que l’autre a décidé de faire passer son confort avant vous, alors le coup de poignard en plein cœur c’est plus qu’une métaphore… »
Le regard de Jessica s’assombrit tandis qu’elle repensait à Andy son mari et ce qu’il avait vécu.
« Je connais bien ce sentiment » répondit RAAC 7 « un jour le patron avait fait une recherche sur l’HyperNet pour voir s’il ne pouvait pas me remplacer par un modèle plus récent. Il en avait marre de devoir me recharger tout le temps et de me faire réviser tous les 3 mois. Je comprenais pas ce qu’il me reprochait : j’étais toujours le même, et je faisais mon boulot correctement sans me plaindre.
– C’est ça le problème : on croit qu’on ne change pas et que les gens autour de nous eux changent. On change sans s’en rendre compte. Regardez-vous : avant vous étiez dans une cuisine, puis ensuite sur un chantier et maintenant avec moi dans ce restaurant.
– Mais alors l’amour dans tout ça ? Je croyais que ça maintenait les gens ensemble ?
– L’amour aussi ça change… c’est ça qui fait que c’est magique. C’est beau, parfait, mais c’est fragile. On peut le perdre du jour au lendemain. Comme la vie »
RAAC 7 n’avait jamais appréhendé les choses ainsi. Il avait du mal à traiter correctement les informations : son coprocesseur chargé de hiérarchiser l’information était au bord de l’implosion. Et puis petit à petit, tandis que le serveur apportait les desserts, il comprit qu’il ressentait de la peine pour Jessica.
« Jessica ! » dit RAAC 7 comme dans un sursaut « c’est formidable ! J’ai de la peine pour vous ! »
L’humaine lui adressa un regard d’incompréhension qui lui fit à nouveau de la peine.
« Incroyable : ça vient encore de me le faire ! Jessica vous ne comprenez pas ? C’est de l’empathie ! Je suis capable d’empathie avec vous ! »
Réalisant le caractère exceptionnel de la chose, Jessica comprit l’enthousiasme de RAAC 7. Ce dernier, tout fier de sa nouvelle capacité, continua de mesurer l’état émotionnel de Jessica. Il stoppa alors tout net et lui prit la main avec tendresse.
« Jessica… je suis désolé : mon comportement n’est pas digne d’un vrai escort. Mais maintenant j’ai compris. J’ai compris que vous vous sentez seule, et surtout que vous avez besoin d’affection. Pas juste de relation physique, même si vos signaux hormonaux crèvent le plafond, mais de quelqu’un qui soit là pour vous. Ce soir j’aimerai être cette personne. J’aimerai vous rappelez que vous êtes quelqu’un de gentil, de patient et que vous êtes à 87% aussi jolie que Meg Ryan a ses débuts… laissez tomber : c’est une actrice des années 90, ça ne vous dira rien »
RAAC 7 se leva, et tendit la main pour l’inviter à le suivre. D’un jet d’information binaire envoyé par wifi, il régla la note et tous deux quittèrent le restaurant.
De retour dans la voiture, RAAC 7 mit le cap vers une destination inconnue. Jessica resta sa main dans la sienne, profitant du simple bonheur d’être ensemble. Sans avoir besoin de parler, elle se sentait soulager depuis longtemps du fardeau de sa solitude. Le gentil robot roula pendant presque une heure pour finalement s’arrêter sur le bord de la route.
« Nous y sommes ! » annonça-t-il à sa passagère avec excitation.
Jessica sorti de la voiture. Le vent du soir la fit frissonner, mais aussitôt RAAC 7 la recouvrit de sa belle veste blanche en lui frictionnant doucement les épaules. Il avait appris ce truc en regardant une série médicale ou un irascible docteur apprenait le sens de la vie épisode par épisode. Du moins c’est ce qu’il avait retenu.
De là où ils se trouvaient, sur les hauteurs de la ville, le robot et l’humaine pouvaient voir à perte de vue un tapis de lumière multicolore dessiner les routes et les immeubles
« C’est le plus bel endroit du monde à mes yeux » dit RAAC 7 « de là on peut voir battre le cœur de la ville. Je peux presque ressentir les méga volts passer par les artères principales et devenir de la lumière. Toute cette vie qui s’agite, toutes ces histoires d’amour qui sont cachées sous nos yeux… c’est un tableau extraordinaire pas vrai ?
– c’est vraiment magnifique »
Jessica se blottit contre RAAC 7. Il prit soin d’augmenter sa température interne de quelques degrés pour que son amie humaine puisse se réchauffer et profiter plus confortablement de la vue. Au bout de plusieurs minutes, Jessica se tourna vers RAAC 7 et passa ses bras autour de lui. Elle plissa les yeux tandis que RAAC 7 se pencha plus avant pour l’embrasser.
Sans qu’il sache comment, son processeur fût capable de convertir l’information brute et tactile de la pression exercé par ses lèvres sur celle de Jessica comme un sentiment. Il sentit toutes les autres informations de sa mémoire disparaître dans des zones secondaires pour être remplacer par ce seul sentiment, et par cette sensation douce et enivrante. Son horloge interne se paralysa, et il ne put mesurer si l’action avait durée 500, 40 000 ou 13 millions de cycle.
L’humaine arrêta le baiser, mais resta tout prêt de lui, au point que les terminaisons les plus extrêmes de ses lèvres arrivaient à sentir la proximité de celles de Jessica. La tension électrique du robot créa une petite étincelle au bout de ses doigts qui picota légèrement ceux de l’humaine. Elle regarda leurs mains enlacées, puis les yeux de RAAC 7 et dit avant de l’embrasser à nouveau :
« J’ai bien envie de croire que c’est un coup de foudre… »