Si certaines séries semblent montées sur les rails d’un scénario linéaire et prévisible, ce n’est pas ce qu’on pourrait dire des œuvres de Ogure Ito, alias Oh Great! (prononciation phonétique à l’américaine de ses nom et prénom) mangaka surdoué papa entre autre de Tenjo Tenge (Enfer et Paradis) ou plus récemment Air Gear. Sauf que voila, cette capacité à surprendre n’est pas le fait d’une écriture habile ou d’une mise en place patiente, mais plutôt le fait que l’auteur n’est absolument pas capable de se canaliser.
A partir de là, vous rentrez dans une forte zone de spoiler, que ça soit sur Air Gear ou bien Tenjo tenge. Bref vous connaissez le principe : si vous voulez garder la surprise etc etc… arrêtez de lire et aller par exemple sur un des liens de droite pour voir d’autres sites tout aussi admirables si ce n’est plus que Top Five.
C’est bon vous avez choisi votre camp ? je commence…
Au fur et à mesure que je progressais dans la lecture des titres de Oh Great! j’avais l’impression de ne plus rien comprendre à ce qui se passait. J’accusais dans un premier temps l’écart énorme entre la sortie de chaque tomes, qui en cassant le rythme me faisait oublier les informations de ces histoires si riches en détails. Prenez Tenjo Tenge : il-y-a un flashback qui dure sur 4 tomes et qui intègre une demi-douzaine de nouveaux personnages (en plus des versions “rajeunies” de ceux qu’on connait).
J’ai donc relu la série depuis le début et j’ai constaté alors que l’histoire se comprenait beaucoup mieux. Mais par contre je me suis aussi rendu compte a ce moment là que si l’histoire était cohérente, elle était absolument creuse. Reprenons le point de départ : Soichiro et son pote Bob entrent dans une nouvelle école et veulent devenir les kings de la cours de récrée (bon là c’est moi qui ironise) sauf que dès le premiers jours ils se font botter le cul comme jamais auparavant. Dès lors ils intègrent le club d’art martiaux de Juken pour “devenir plus fort !” (leitmotiv répété par a peu prêt tout les personnages de Oh Great! jusqu’a l’écœurement)
A partir de là, chaque tome et chaque nœud de l’histoire va être l’occasion pour l’auteur de laisser parler sa prolixe imagination. Car ne nous y trompons pas : Oh Great! est un vrai créateur, tous les persos même le plus rudimentaires des simples sidekick est doté de largement plus de charisme latent que certains héros de la concurrence… et c’est déjà un premier souci !
Avec autant de personnages, l’auteur nous sature d’information, mais il crée aussi un nivelage vers les bas pour ses personnages principaux : rapidement les héros sont dépassé en charisme et en puissance par les seconds rôles qui vont assurer les moments de bravoure. C’est le cas notamment dans le dernier tome parut de Air Gear : SpitFire et Aion explosent leurs niveaux de charisme dans un déluge de pose stylé et de réplique qui tuent, ponctué par le sacrifice biblique complètement too much de la Gorgone (nan mais sans déconner : l’image ou elle est transpercé, suspendu à 2m du sol les bras tendu façon Jésus… c’est pas abusé ?). Le nombre important de personnages de ce genre est aussi une véritable plaie : soient ils sont sous exploité et sa frustre le lecteur, soient l’auteur leur donne de l’épaisseur, mais au détriment du récit principale et au risque de crée des incohérences.
Mais je pense surtout que le pire dans les histoires de Oh Great! c’est la disproportion entre les enjeux du début et le résultat 7 ou 8 tomes plus loin.
Dans Air Gear au début, Ikki le héros veut s’amuser avec ses Air Treck et prendre du plaisir a rider bien tranquilou. On est là dans une thématique proche du manga sportif ou le héros cherche a s’accomplir. Jusque là, tout va bien, sauf que insidieusement, une histoire de gang, de clan, de plan supra secret avec trahison, double jeu, révélation et enjeu ultra trop méga super hyper mystique arrivent par ci par là. On se retrouve avec des ado / post ado qui se la jouent beaucoup trop sérieux, qui parlent comme des poètes maudits et qui ont des aspirations qui n’ont rien a voir du tout avec le propos de départ.
Le changement d’échelle est à chaque fois le même : on démarre avec des lycéens lambda qui se retrouvent (par le biais des autres persos, c’est important) embarquer dans des conflits avec du pathos en veux tu en voila (les sœurs Natsume et l’ombre de leur frère, Les Sleeping Forest et leur conflit idéologique avec Genesis pour l’accès au Trophaion). Au bout d’un moment le récit fini par se casser la gueule sur lui même a force de monter en puissance et devient presque ridicule, comme le tome 16 de Air Gear ou l’auteur a décidé une bonne fois pour toute de fusiller sa série en ce lançant dans un twist scénaristique qui à le mérite d’en finir avec la branlette métaphysique des persos pour tomber dans une SF bon marché. Si elle n’est pas de qualité, à au moins le mérite de ramener un peu de cohérence et de ligne directrice dans un récit qui était à bout de souffle
A ce petit jeu, l’auteur à été plus inspiré sur Tenjo Tenge, car on sent un dénouement possible avec un minimum de casse. Pour ça, il faudrait qu’il conclut le dernier acte, pourquoi pas de façon tragique ? ça serait audacieux et dans l’esprit de la série : l’auteur ne s’étant jamais privé d’infliger une mort injuste ou bien un sort cruel a ses personnages.
Toujours est il que Oh Great! souffre d’un vrai problème dans ses scénarios, et c’est bien dommage car son talent et sa créativité s’en trouvent mésestimés, voir carrément gâchés. Son esprit trop fertile aurait sans doute besoin d’un scénariste d’expérience qui serait capable de l’aider a bâtir son récit tout en exploitant les 300 idées nouvelles qu’il à a la minute. Car ne nous y trompons pas : si Oh Great! pêche, c’est par excès et pas par défaut. Il veut trop en mettre, trop en faire, ce qui conduit l’édifice a s’écrouler sur lui même.
Je continuerai sans faute a suivre Air Gear et Tenjo Tenge, car malgré ce constat un peu amère, Oh Great! reste le meilleur mangaka a ce jour, que ça soit dans la précision de son graphisme ou dans sa créativité (chara design, mecha design…même lorsqu’il design des fringues ce mec est un génie). C’est aussi un auteur avec énormément de références, de culture (les principes physique de Air Gear sont de passionnant cours de vulgarisation scientifique)… bref quelqu’un qu’on ne peut pas juger QUE sur ses défauts tant il à d’indéniable qualité qui le rachètent largement a mes yeux.