Bonjour à tous !
A l’occasion de la St Valentin, je voudrais vous proposer un petit texte très court que j’ai écrit y’a quelques jours sans prétention aucune… mise à part celle de vous plaire :)
Bonne journée les amoureux !
Take five
La mesure, c’est 4 temps.
Un, deux, trois, quatre, et on recommence.
On découpe, on accélère, mais au final c’est toujours un, deux, trois, quatre.
… et on recommence.
Est-ce que la vie n’est-elle pas aussi à 4 temps ? on démarre, on prend son envol, on se laisse porter et c’est déjà le quatrième et dernier temps.
Est-ce que l’amour ce n’est pas pareil ? on se rencontre, on tombe amoureux, on s’aime et on se quitte.
… et on recommence ?
Depuis longtemps j’ai compris comment tournait cette cadence, comment les 4 temps rythmaient ma vie. Depuis longtemps j’ai arrêté de croire que je pourrais trouver une autre façon de la jouer. Après tout, est-ce si mal de jouer la mélodie comme tout le monde ? De vivre la même vie que d’autres, avant de laisser ma place au 4eme temps… et que tout recommence pour quelqu’un d’autre ?
Et puis il y’a eût Elle.
Une femme de celle qui vous font perdre la mesure, qui change le tempo de votre cœur et lui rajoute un temps. Un cinquième temps, tout ce qu’il y’a de plus semblable aux autres, mais qui change radicalement la mélodie. D’un seul coup tout se décale, plus rien ne semble en place. Vous avez l’impression que vous n’êtes plus comme les autres, que la vie ne sonne plus pareil.
Avec son accent de Louisiane qui ronronne comme un chat qu’on caresse, Elle n’a qu’à dire un mot pour affoler le métronome.
« Take Five… »
Fini le un, deux, trois, quatre. Finie la boucle, finie la normalité. On ne recommence plus, on continue, encore et encore. Penchée sur moi, ses longs cheveux forment une corolle qui m’enlace et ne me laisse que son regard pour seul horizon. Je sens sa main sur ma joue qui glisse comme une goutte d’eau. Le tempo est faussé, il y’a un temps de trop, mais en cet instant on s’en moque éperdument.
Dingue ce qu’on peut faire avec un temps en plus : bouleverser l’ordinaire, casser le quotidien, ouvrir nos yeux sur ce qui le vaut bien…
Elle m’embrasse, frottant le bout de son nez sur le miens, lâchant un souffle sensuel au creux de mon oreille avant de me dire qu’elle m’aime. Et moi me direz-vous ? Moi j’essaye de ne pas suivre le tempo, j’essaye de rester hors course, de ne pas relâcher le temps. Après tout, fini la mesure classique, on a décidé de « take five »
La mélodie commence, en tierce, parce que la tierce c’est doux. L’unisson c’est trop banal, pas quand on « take five » alors on se montre inventif. Mais surtout on écoute. Sans le métronome du train-train, on doit faire attention, alors on compte : un, deux, un, deux, un… et puis un, deux, trois, un, deux. Finalement c’est facile.
Son parfum est fait de miel et de violette, à moins que ça ne soit l’odeur de sa peau quand je me plonge dans le creux de son cou. Je la sens qui frisonne sur le cinquième temps : quel canaille celui-là !
Le claquement de nos baisers suit le « take five » : un, deux, un, deux, on laisse presque passer le cinquième mais in extremis on le rattrape. Il déborde sur la suite, mais au final tout revient dans le tempo. Incroyable comment un élément qui semble propice à susciter le chaos arrive à réguler l’ensemble de la partition.
On ne résout pas l’accord parfait : on reste en Ré, on maintient la tension pour ne pas finir le morceau. On évite soigneusement le Do Majeur, on part en Mi mineur…
… et on recommence.
Elle se serre contre moi, ou est-ce l’inverse ? J’ai vraiment perdu le compte. Où est le temps bon sang ?
Son sourire de loup laisse paraitre un éclat blanc à fleur de ses lèvres carmin. Je n’ai finalement qu’a la suivre pour retrouver ma mélodie, qu’à coller l’oreille sur sa poitrine nue pour entendre son cœur battre.
Un, deux, trois, un, deux…
Je commence à entendre des notes cachées, des harmoniques subtiles qu’on ne peut pas entendre naturellement. Pourtant je les entends clairement, qui forment des couleurs nouvelles, chaudes et profondes. Il se dégage une tension entre nous deux, qui ne fait que monter. Elle aussi l’entend, et elle se laisse emporter, m’agrippant les épaules pour m’emmener.
Comme dans un blues, on oscille dans le majeur sur un accord 7eme, entre le beau et le mélancolique, entre le passionné et le tendre…
… et on recommence.
Nos cœurs s’emballent, la tension ne s’arrête pas, de toute façon on ne le veut pas. On reste en déséquilibre, on ne joue pas sur la fondamentale, on préfère la 9eme.
A bout de force, ont fini par jouer ce Do Majeur. Fini la tension : nos corps résonnent sur le cinquième temps dans un écho à deux voix.
A peine le temps d’un dernier baiser et la mélodie repart à quatre temps. Le métronome se recale et la vie se rejoue à nouveau à son rythme habituel.
Tandis qu’elle s’en va, laissant sur les draps son parfum de miel et de violette, elle relève une mèche de ses cheveux corolle et me dit avec son accent de Louisiane :
« See you next time… »